13. « J'ai enterré ma vie de garçon depuis que Maman m'a dit « t'es l'homme de la maison », Et j'fais la sourde oreille quand j'entends la voix de la raison. Son cœur est sincère mais ses paroles sont en contradiction, quoi faire quoi dire, quand tu n'es qu'une option...»
« Ca y'est, le cri de guerre est lancé, le compte à rebours est activé. N'ayant plus que leurs deux pattes quelques soldats s'affolent à la vue des keufs qui font leur entrée. J'ai la sensation que chacun de leurs pas résonnent. Khalil ne fait pas partie du tas. J'me mâchouille l'index. Le regret d'avoir capitulé si vite me brûle, quand à celui d'avoir appelé au secours ne s'étanche pas vraiment, j'me demande juste si j'ai bien fait pour le moment.
J'm'impatiente, j'tape du pied. Les cris hirsutes des fuyards me font vaciller, j'me sens lâche de n'être capable que de les contempler. Quand est-c'qu'il va rentrer ?! Gyrophares, sirène de l' »ennemi », ronflements des motos, accélération des 206, hurlement de la cité, plainte des blessés...
J'aspire ma quantième Marlboro, la nicotine se fond dans ma gorge. J'me penche, toujours aussi nerveuse. Zerh il s'est envolé c'est comment ? Un keum me fait signe de rentrer ma tête, dehors c'est pas pour les demoiselles à c'qui paraît. J'me contiens d'lui mollarder mon glaire le plus dégueulasse et me contente d'un regard de trav', il insiste pas plus que ça. Ma jambe s'agite de ouf, j'la mobilise comme je peux.
Tandis que trois camions d'ambulance déboulent, les condés foutent à terre comme d'la marchandise quelques bastonneurs pris au dépourvu, ou qui couraient pas assez vite, dites ça comme vous voulez.
J'écrase ma lèvre inférieure. L'heure devient grave, trop tard pour revenir en arrière.
5 minutes... 10 minutes... 15 minutes... Toujours pas de signe de vie.
J'l'harcèle d'appels, j'me prends des BIP en pleine face.
Une seconde fois la folie -ou la raison, qui sait ?- s'accapare de moi, j'me demande si j'dois descendre. Rooh, et puis nique, si j'ai pas la certitude qu'il est toujours en vie mes yeux n'se fermeront pas cette nuit, ni celles qui suivent...
Ce raclo me rend paro, et j'm'en veux même pas. - Et si c'était pour lui que les toubibs se sont ramenés ? - Et s'il était de ceux qui se sont fait attrapés, faute de sprint ? - Mais ferme ta mère et va voir !! Qalbi commence à devenir shtarbé, 'faut qu'il se fasse interné.
J'prends le double des clés dans le placard du haut, cet imbécile n'est même pas au courant que j'ai pété sa cachette.
J'vérifie si Sorya est bien en place, puis j'enchaîne les neufs étages, les pieds n'obéissant pas toujours, c'qui fait que j'me suis ramasse plusieurs fois, provoquant quelques gloussements de la part des présents.
Le hall enfin atteint, je vois le décor sous un autre angle. La lumière tamiseuse s'inscrit dans ma rétine, les bruits ne se font que plus que forts. Les grands tiennent pas en place, on devine bien qu'il s'est passé quelque chose. Personne ne tient compte de mon existence, tant mieux.
J'échoue mon regard sur cet homme sorti de l'âge de l'adolescent trop tôt, balafré, agonisant sur un brancard, pour une raison qu'il ne connait même pas. Je crois qu'il lève l'index droit, j'en suis pas sûre, p't'être que les clopes m'ont trop monté au cerveau.
_ Rentre chez toi gamine, tu vois bien qu'y'a rien à faire ici.
Le gars qui m'a une première fois fait cette demande, y'a même pas cinq minutes quand j'étais en haut. Il fait office de... guet je dirais. Il a pas l'air de s'être battu, sa tâche au front est en contradiction avec sa clope à la main, mais qui suis-je pour juger ?
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Maryâm - « Bent Hram »
General Fiction« A l'encre de mes silences. Tout est crypté, sous clé, placé sous somnolence, Je ne laisse transparaître que ce qui m'est autorisé. Si ma tête est l'unique endroit où il ne peut pas s'infiltrer, alors laissez-moi me terrer Sous l'abîme de mes sec...