06. « Oui j'ai confiance en toi, à ton regard t'as l'air d'une douce. Retire-moi de cette merde, avant que j'aille et que je les bute tous. »
J'regarde quelle heure il est. 5h du s'bah*. Encore une nuit blanche à m'en péter les yeux...
L'angoisse et l'appréhension me tiraillent le ventre... J'ai peur... Ouais j'crois que c'est ça. J'crois que j'ai réellement réalisé que j'me barrerais jamais d'ici. J'avais toujours un espoir, au fond de moi, infime, minuscule qui me consolait quand j'étais au plus bas. L'espoir d'un avenir meilleur. D'une grande maison. D'un beau quartier propre. Des voisins charmants, pas qui médisent derrière ton dos à chaque occasion. De devenir femme-pompier comme je l'ai toujours voulu. De faire des gâteaux. Du soleil qui enivre mes pores.
Mais non c'est impossible. Je ne goûterai jamais à ça. J'suis qu'une pauvre fille de la France d'en bas. De l'envers du décor.
Et là j'repense à toi... Baba...
Pourquoi tu m'as lâché ? On en valait pas l'coup moi et Yemma ? On n'était pas assez bien pour toi c'est ça ?
J'connais même pas ton visage. Même ça j'y ai pas eu droit. A quand mon salaire pour toutes ces galères, dis moi Ô Rabb* ?
J'prends une bouffée d'air. Je fixe le trou monstrueux au plafond. J'en ai toujours eu peur, pourtant je n'ai jamais réussi à m'en détourner le regard.
Dehors, c'est de plus en plus agité. Un crissement de pneu, des insultes à tout va de la part des habteux* d'en bas...
Je me lève et me penche à la fenêtre. J'vois une vago de keuf banalisée. On reconnait à dix kilomètre les gov qui viennent pas d'ici.
A qui l'tour aujourd'hui ? Je m'empresse d'enfiler tout c'que j'trouve ; bas adidas, haut Minnie & Mickey, air max mise à l'arrache, et j'me dirige vers la porte, mais Yemma y est déjà, avec une petite mine...
_ T'entends ce boucan ? Qu'est c'qu'ils foutent à cette heure ci ?
_ Tu t'es toujours pas habituée au bruit depuis l'temps ?
_ [...] Pourquoi t'es habillée ?
_ J'vais voir c'est qui.
_ N'y pense même pas ! Vas t'coucher en rendors-toi.
_ Asy Yemma, pas longtemps ! Pousse-toi !
_ C'est pas tes affaires ! Vas t'coucher !
_ -hausse le ton- Yemma pousse toi, j'vais regarder vite fait après j'reviens !
_ J'ai dis NON !
_ POUSSE-TOI ZEBI !!
Elle avale difficilement sa salive et finit par céder. Je balaie l'once de culpabilité qui commence à se présenter dans mon cœur et dévale les escaliers.
On laisse les sentizeub à la maison, règle d'or.
Le vent me fait frissonner. Le hall est vide. Ils sont tous rassemblés dehors. Des daronnes, des darons, des frères, des cousins, des amis, des sœurs, des femmes, des meufs, des kehs*...
En ouvrant la porte j'inhale l'odeur de la clope. T'inquiète, je sais qu't'es là frérot.
Le spectacle qui s'offre à moi est digne d'une scène de film. Rim-K qui s'fait serrer par les keufs, mais qui malgré tout tente de se débattre. Il a pas l'air d'avoir toute sa tête, vu la rougeur de ses yeux. J'ai mal, w'Allah quoi qu'on dise ça m'fait mal de le voir comme ça...
_ Yeeeeeeeh Wouuulddiiiiiiiiiiiiiiiii !
Crie la femme de sa vie la voix déchirée. Quelle souffrance que d'arracher le fils à une mère. Les potos indignés forment un rassemblement, pestant injures contre la loi, qui après nous avoir donné une vie de merde nous retire nos coéquipiers un à un...
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Maryâm - « Bent Hram »
Fiksi Umum« A l'encre de mes silences. Tout est crypté, sous clé, placé sous somnolence, Je ne laisse transparaître que ce qui m'est autorisé. Si ma tête est l'unique endroit où il ne peut pas s'infiltrer, alors laissez-moi me terrer Sous l'abîme de mes sec...