La Bouteille à la mer

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Les abords des quais de Sogaden me semblent plus calmes que la dernière fois que j'y suis allée. Je suis postée à une cinquantaine de pas du lieu précis où le bateau des contrebandiers doit arriver. J'ai pu discuter de quelques détails à des collègues, et selon les lois en vigueur ici, le bateau ne peut décharger qu'à l'endroit où il a pris une créance. Donc peu de risques que la cargaison ne nous passe sous le nez.

Le navire que l'on attend est un langskip de plus de 20 pas de longs, nommé « La bouteille à la mer ». Une dizaine de tonneaux de plumes de Kezol, des caisses pleines de bouteilles de Fleor, et peut être quelques armes et armures. Tout ça à la revente pourrait constituer un pactole de plusieurs milliers de pièces d'or. Et même si on intercepte toute la cargaison, il suffit que quatre autres parviennent à bon port pour que la contrebande soit rentable pour un mois. Et pour nous, il est impossible de fouiller tous les bateaux sans ruiner les finances et les relations commerciales...

Mon rôle est très simple. Sécuriser une rue. Avec un garde venant des quartiers Est, nous devons nous assurer que les contrebandiers ne peuvent pas s'échapper par ce chemin. Le passage est ici le plus étroit possible, j'espère que ce sera assez. Mon collègue m'a dit que lui aussi était nouveau dans le métier, mais que selon ses propres camarades, on allait être peinards.

En tout cas, les passants ont bien compris que quelque chose se trame. Les parents appellent leurs enfants et leurs disent de rentrer vite, les commerçants rangent certains de leurs articles, etc. Je me mets à craindre que des espions soient parmi eux, et que par un moyen ou un autre, ils parviennent à dire à leurs amis contrebandiers qu'il faut faire demi-tour. Il suffirait de signaux de fumée... Heureusement, la plupart des gardes ne sont pas visibles depuis la mer.

La mer, justement, est devant moi, à une cinquantaine de pas. Les histoires à propos d'elle parlent souvent de sa beauté, de sa force tranquille, des monstres qu'elle abrite et des héros qui la parcourent. Mais jamais on ne dit qu'elle sert surtout au commerce, à la pêche et à d'innombrables trafics. Elle est pleine de cadavres, autant d'aventuriers malchanceux que de naufragés ayant tenté l'impossible. La mer est certainement le plus exagéré des domaines de notre monde.

« Amétisse ? »

Une voix que je reconnaitrais entre des centaines vient de m'extirper de mes rêveries. Scod.

« Salut Scod, qu'est-ce que tu fais là ?

- Tu as peut-être oublié, mais j'habite... Enfin, c'est un bien grand mot... Je dors dans le coin ! »

Ah oui, c'est vrai... ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Peut-être une cinquantaine de jours.

« Et toi, tu es en mission ? oh, eum... Si c'est confidentiel, je comprends tout à fait que tu ne me dises rien...

- Je peux juste te dire que ça concerne les contrebandiers... Pas plus, désolée ! »

Il hausse les épaules.

« Ça ne me concerne pas tout ça, de toute manière je n'aime pas vraiment les contrebandiers. Des bourgeois qui commercent avec des bourgeois sur le territoire des plus pauvres... Bref. Alek va bien, même si avec le froid, il grelotte plus que d'habitude. Il a réussi à me faire embaucher comme auxiliaire chez les facteurs !

- C'est-à-dire ?

- S'il y a des colis un peu lourds, mes bras peuvent servir ! ça ne paye pas autant que mes dernières activités, mais petit à petit ça fera le compte ! »

En disant cette dernière phrase, il m'a fait un léger haussement de sourcil, dans l'angle mort de mon collègue. Evidemment...

« Je suis très heureuse que ta situation s'arrange ! oh, il faudrait que je me concentre au cas où, pour l'opération en cours. Tu peux passer en marchant, évite de courir si tu ne veux pas avoir d'ennuis.

Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant