C'est fini, je n'en peux plus. Ma jambe me brule et une trainée de sang en fusion sillonne la neige. Chaque pas me torture. Un de plus, c'est un de moins... Je pensais que la douleur s'effacerait peu à peu, comme dans les légendes où des héros se débattent alors qu'ils ont reçu des flèches, des coups d'épée et que leurs amis sont morts autour d'eux. Mais non... Je larmoie à chaque instant, je serre les dents si fort qu'elles ne devraient plus tarder à éclater. Si seulement... Si seulement Yettshom apparaissait devant nous... J'ai l'impression fausse que le plus dur est fait, que l'on descend de plus en plus vers la vallée chaleureuse de la ville.
Tout est encore si blanc... Si beau...
Et...
« Amétisse ? »
« Amétisse, répond s'il te plait ! »
« Ne me laisse pas... »
La douleur me réveille. Ma jambe est à nu, comme ma chair et... Et mes os. Comment suis-je encore vivante ? Je n'ai plus de forces. Plus rien. Dans un effort surhumain, je regarde autour de moi. Une petite grotte. Fermée d'un côté et ouverte sur la lumière glaciale de l'autre. Un rocher bouge. Je remarque qu'il a des cheveux roux. Alek...
« Amétisse, je suis là. Repose toi un peu... Je vais m'occuper de toi. »
Je m'endors à nouveau. Un instant plus tard, des heures ont dû s'écouler. Alek s'approche et tente de me faire boire. Il a fait tremper une ration dedans, elle a ce même goût infect. J'avale péniblement. Ma jambe me brule soudainement, et je manque de cracher les efforts de mon frère. Le peu que j'en voit est affreux. La maladie est là, elle m'ébouillante peu à peu, en remontant chaque jour plus haut dans mon organisme.
Je ne m'en sortirais pas...
Alek ne parle pas. Je suis certaine qu'il le sait déjà. Je ne vois pas son visage, seulement sa silhouette à contrejour se détachant dans l'ouverture de la grotte.
« Alek... il... Il faut que tu finisses seul... »
Il fond en larmes. Je n'ai pas la force de le prendre dans mes bras. Il pleure pendant un long moment.
« Je ne peux pas, je... j'ai besoin de toi... C'est toi la plus forte... Qui me défendra dehors ?
— Je sais... mais je ne veux pas que tu me vois partir...
— Je ne te laisserais pas ! Jamais ! »
Il le faut pourtant... Il le sait pertinemment. Tout son corps souhaite m'abandonner à mon sort, seule son âme se bat pour rester. Je dois lui faire entendre raison, assumer une dernière fois mon rôle...
« Alek, on ne pourra pas finir ensemble... Je ne peux plus avancer... Peu importe la distance qu'il faut encore faire. Je ne peux plus...
— Je vais rester là jusqu'à ce que tes forces reviennent, sanglote-t-il. Et ensuite, on finira la route. On arrivera ensemble à Yettshom, où on aura enfin une vie paisible...
— Non... Nos vivres manquent... tu peux y arriver en prenant mes rations. Plus que quelques jours de marche... »
Il ne répond rien. Il doit intégrer peu à peu...
« Amétisse... C'est toi qui me tire depuis le début...
— Tu en es capable. Tu as fait des choses incroyables dans ta vie, alors... Tu vas y arriver. Je crois en toi... à quelques jours d'ici, il y a la paix, et un monde meilleur. J'en suis convaincue. Tout ne sera peut-être pas parfait et même loin de là, mais c'est le meilleur monde que l'on peut souhaiter. Vas-y... »
Mon frère se redresse. Il essuie ses larmes du revers de la main.
« Je te promets que je reviendrais te chercher quand j'aurais trouvé ce monde meilleur. Je te le jure. »
Il me prend dans ses bras. Après un long moment, il se détache, et sans ajouter un mot, il récupère suffisamment de rations pour finir son voyage. Il s'en va alors, disparaissant dans la lumière. Je ne peux désormais plus qu'attendre. Attendre, et espérer. J'espère, de tout mon cœur, qu'il va réussir. Quant à moi... Je crois que mon voyage est fini.
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Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]
FantasíaAmétisse et son frère Alek ont dû quitter leur terre natale, les hautes terres de Zelbor, pour fuir à Nevland. Une contrée gelée, où les gens sont aussi rudes que l'hiver. Une contrée agonisante, n'ayant qu'un passé légendaire et incertain pour subs...