Des bruits de sabots me réveillent. Dans la pénombre, j'ouvre mes yeux que j'ai à peine fermés depuis... plusieurs jours. Je tente de les frotter pour dissiper mes cernes et ôter des saletés qui tachent mes paupières, mais je me ravise, tant les chaines m'entravant les poignets sont lourdes. Dehors, j'entends des roues rebondir sur les pavés, et parfois, quelques mots daignent atteindre mes oreilles.
Chaque fois que je m'endors, j'espère sortir de ce mauvais rêve. Mais je ne dors jamais assez pour m'enfuir, et je me retrouve bien vite ici. Geôle numéro sept, en compagnie d'une paillasse, d'une écuelle et de l'insupportable humidité des lieux. Sans oublier ses maudites chaines... Des fois, je me dis que par chance, ce n'est pas l'hiver, car avec les guêtres que nous portons, nous serions déjà tous morts de froid.
J'ai la place de me coucher, d'être debout, mais pas plus. Les chaines sont reliées à un anneau au centre de la geôle, et il est placé à un endroit très précis. Il n'est pas exactement au centre, il est légèrement désaxé, de sorte que même en tendant les mains, on ne puisse jamais toucher les barreaux de la porte, qui est une simple grille. Même en tendant les pieds, c'est infaisable. Et de toute manière, les barres rouillées seraient fatales à nos pieds nus si on tentait de défoncer la serrure.
La seule lumière qui me vient est celle qui passe par les ouvertures au plafond du couloir, des ouvertures qui donnent sur la caserne où se prélassent les gardes. Et dire qu'il y a peu de temps j'étais des leurs... Ils l'ont déjà oublié. J'ai presque l'impression qu'ils se satisfont de ma présence ici. Je nage peut-être en pleine paranoïa, ou alors je n'entends pas assez de gens discuter, mais je jurerais les avoir entendu dire « Bien fait pour elle ».
Je secoue la tête. Devenir folle est la pire des solutions. Comme souvent, pour rester concentrer, je vais m'asseoir contre le mur du fond de ma cellule, et je compte les souris qui passent dans le couloir.
Une.
Deux.
La cellule en face est vide. Lors de notre emprisonnement, mon frère et moi avions demandé si nous pouvions nous voir dans les geôles. Personne n'a daigné accepté cette petite requête.
Cinq.
Six.
Depuis combien de temps je suis là ? plus d'une semaine, je pense. On nous avait pourtant affirmé qu'on allait vite être condamné à mort... Je vais bientôt me lasser de toute cette attente. En plus, je ne sais pas si d'autres prisonniers seraient prêts à échanger leurs histoires avec moi. Après tout, je suis peut-être seule dans ce trou...
Dix.
Onze.
Aucune nouvelle de l'extérieur. Comment va Scod ? Comment va Yask ? Et tous les autres ? Smeiss, Rodric, Loutch, et Junn ? Quoique... Je préfèrerais ne pas savoir. Ils doivent me haïr, à l'heure qu'il est.
Treize.
Quatorze...
Un instant, j'ai compté deux fois treize ? Je ne sais plus... Je laisse ma tête s'écrouler sur mes genoux. Tout cela est vain. Je suis foutue.
« Alek ? Dis-je d'une faible voix d'outre-tombe.
— Ici... »
Alek est vivant. Je ne sais même pas dans quelle cellule il est, à quelle distance, mais il est vivant. Inutile de parler davantage, mon frère gère cet isolement à sa manière. Il reste silencieux pour économiser des forces. Je ne suis pas seule au moins.
Je me lève, et je me mets à marcher en rond pour faire circuler le sang dans mes jambes. Bercée par le cliquetis des chaines, je me décide à réfléchir sur tout ce qu'il s'est passé depuis notre intrusion dans la citadelle. J'arriverais peut-être à retrouver la date d'aujourd'hui de cette manière...
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Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]
FantasyAmétisse et son frère Alek ont dû quitter leur terre natale, les hautes terres de Zelbor, pour fuir à Nevland. Une contrée gelée, où les gens sont aussi rudes que l'hiver. Une contrée agonisante, n'ayant qu'un passé légendaire et incertain pour subs...