Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]

Junn de Sogaden

Sogaden ne fut pas compliqué à trouver. C'est visiblement le quartier Sud, l'odeur du poisson y est omniprésente. Des poissonneries, des vendeurs de glace, des chats des neiges et des bambins partout. En même temps, à part pêcher et aller chercher de la glace, je ne vois pas quelles ressources cette terre peut offrir. Les enfants qui courent dans les ruelles nous regardent parfois bizarrement. Cela m'angoisse un peu, surtout quand je les vois rire en pointant mon frère.

Alek marche comme à son habitude, il déambule. Il observe tout ce qu'il y a autour et je suis sûre qu'il a remarqué les attitudes des petits. Il écoute, il sent, il essaye de comprendre ce nouveau monde. Tout ce que je ressens pour le moment, moi, c'est qu'il fait froid. Pas assez pour qu'il neige, mais sans ma doublure, je grelotterai. Certains se baladent dans les rues avec des habits peu épais. Pour eux, il fait bon. Et dire que nous sommes à la fin du printemps... « Il vaut mieux que vous y alliez de suite, n'attendez pas plus ou vous découvrirez brutalement l'hiver, le vrai... ». Les conseils de mon oncle prennent tout leur sens.

Quelqu'un doit pouvoir me renseigner sur ce Junn. Je m'approche d'un adulte près d'un étal de matériel de pêche, et je tente ma chance avec la langue commune en articulant à outrance.

« Monsieur, nous cherchons un homme nommé Junn... Pourriez-vous nous aider ? »

L'homme m'a compris. Il a un drôle de regard, mais il me répond avec un accent limité.

« Je connais de nom, mais je ne sais pas où il habite. Navré ! »

Je le remercie. Au moins, il y a des gens qui parlent la même langue que nous ici... Et en me retournant pour dire à Alek que nous devons continuer, je remarque qu'il n'est plus là.

Il a dû continuer. J'accélère la cadence pour le rattraper, mais je ne le vois même pas. Il n'y a pas non plus une foule dans ces rues, et il avance lentement... J'espère qu'il n'a pas fait demi-tour pour aller voir quelque chose, je ne sais quoi. Et enfin, un détail. Là, par terre, son crayon à charbon.

Un crayon, il en a toujours un et un seul en poche et sa main droite est sans interruption en train de jouer avec. Celui-là, il en prend très soin car c'est le dernier cadeau qu'on lui a fait avant que l'on ne vienne ici. S'il avait fait tomber cet outil accidentellement, il l'aurait ramassé à l'instant. Soit il ne pouvait pas le ramasser, soit il l'a fait tomber exprès pour que je le vois. Je comprends donc qu'il a des soucis. Il est original, à chaque fois c'est un nouveau code.

Le crayon est devant une ruelle, je le ramasse et m'engouffre dans l'espace ouvert. Je ne cours pas, je préfère être attentive à tous les détails autour de moi. Alek sait comment se comporter. Il doit gagner du temps jusqu'à ce que j'arrive. Je l'ai toujours retrouvé, et à chaque fois ceux qui l'embêtaient repartaient la queue entre les jambes. Si on lui fait du mal, je ne me le pardonnerai pas.

La ruelle se resserre et bifurque. Je n'entends toujours rien de pertinent. Malgré le froid, une goutte de sueur commence à se former dans mon dos. D'une part, je commence à m'échauffer. D'autre part, je commence à avoir peur. Contre des Zelboriens, je sais comment me comporter. Mais ici, je ne connais rien. Les gens de Nevland ne respectent peut-être pas nos règles de la rue. Et enfin, à un carrefour, j'entends ce que je souhaitais.

« Les gars, je vous dis que mon père est marchand... »

Alek. Pas besoin de plus, je comprends le code. Deux mots avant le premier ''je'', donc il y a deux adversaires. Un coup d'œil discret et j'ai ma stratégie d'attaque. Alek va bien pour le moment. Les agresseurs se tiennent en arc devant lui, à un pas de distance, et ils regardent du côté droit de la ruelle. Rapidement, j'enlève mes chaussures pour qu'elles ne claquent pas sur l'allée de terre. Je vérifie les angles morts des deux lascars, et je m'élance au moment où Alek prend la parole en me préparant à avoir mal au poing droit.