Aldis

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Mon temps libre est bientôt fini. Il va falloir remettre mon casque, reprendre ma masselame et sortir dans le froid pour que les gens se sentent rassurés. Ça fait maintenant quatre mois que je suis garde et à part me tenir droite et me prendre des raclées par Rodric pendant les soixante premiers jours, j'ai l'impression de n'avoir rien fait du tout. Je m'entraine au combat, je bricole et je nettoie mes équipements, et de temps en temps je peux m'exercer à la lecture.

L'arrivée de Loutch dans le dortoir marque la fin de mon répit. L'hiver est chaque jour plus fort qu'avant, et je n'ai pas le temps de rembourrer ma tenue un jour que le vent est déjà trop glacial le lendemain. Même la convection ne sert plus à rien. Je comprends pourquoi les Nevmans ne s'en servent pas beaucoup. Le Flux se concentre dans toutes les extrémités du corps, il faut donc avoir une pilosité très réduite pour le manier correctement à haut niveau. Et ici, les poils sont une protection bien plus durable que la convection. Le plus étrange, c'est que ce froid semble avoir stimulé la pousse de duvet, surtout sur mes jambes. Ou alors, comme je les couvre de tissus, c'est le manque de soleil qui les empêche de blondir.

« Du courrier pour moi, Loutch ?

- Nan, désolé. Pas pour le moment, mais peut être ce soir ! »

Mon Nevlandais est devenu rapidement correct. A part pour quelques mots où la langue commune me sauve encore la vie, je me débrouille.

Cela fait donc quatre jours que je n'ai pas reçu de lettre de la part d'Alek. On communique surtout ainsi, il en glisse une quand il passe dans le coin et on lui donne celle que j'ai griffonné tant bien que mal. On se croise donc peu, mais c'est le seul moyen pour satisfaire à nos obligations. Chaque soir, je lis soit le nouveau message, soit le dernier reçu. Je me souviens par cœur de sa dernière lettre. Il me disait que je lui manquais, qu'il avait des dizaines de blagues à me raconter et des centaines d'histoires à me dire. Il a hâte que l'hiver finisse, hâte de retrouver le mois de Jadis et surtout celui de Cardis. Bientôt nous verrons les fêtes du solstice d'hiver, et ce sera le passage à une nouvelle année.

J'enfile mon casque, et j'accroche mon arme. Je me lève, fais un petit geste à l'amulette de Pavil, et je me dirige vers la sortie. Je dois aller patrouiller vers la place principale. Le marché y est encore très actif malgré le froid, car c'est la saison de la pèche à la petite baleine et de la récolte de nombreux coquillages. Et moi qui pensais qu'avec l'hiver, l'odeur de poisson cesserait...

« Tiens, je te devais ça. A plus tard ! »

Loutch me donne une Pomme d'hiver. Je lui avais avancé un bol de soupe de poisson il y a quelques jours, elle me le rembourse avec une pomme. Je crois que ça se vaut. Je voudrais bien la glisser dans une poche, mais je n'en ai pas. Et vu que le vent givré me cisaillerait les doigts, je croque dedans de suite pour la manger rapidement.

Je me retrouve enfin devant la herse de l'entrée. Je siffle quelques notes, et la grille se soulève. Avec le trousseau de clé suspendu à ma ceinture, j'accède enfin à l'extérieur alors que je termine ma pomme.

***

Bordel, ce qu'il fait froid ! Je serais à poil que ce serait pareil. Le vent se faufile dans tous les interstices de ma tenue, et j'ai même l'impression qu'il en créé des nouveaux. J'ai beau marcher et trembler pour me réchauffer, rien à faire. Mes yeux et ma bouche me semblent à deux doigts de geler, comme les stalactites de glace qui se forment aux coins des maisons. Heureusement que nos équipements ne sont pas entièrement en acier.

Au moins, un élément amusant a fait son apparition dans les rues : les gens qui glissent et trébuchent. Souvent sans mal et heureusement, mais quand ils font preuve d'autodérision, ils rigolent avec leurs amis qui leurs tendent la main. Pour ma part, mes souliers d'hiver sont cloutés. Il serait stupide de glisser au milieu d'un affrontement... Face au froid, j'ai bien vite adopté la même stratégie que mes collègues : doubler la poignée de ma masselame avec du tissu et de la ficelle. Sinon, je perdrais la sensation dans mes doigts à chaque entrainement.

Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant