Dragura

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Je me réveille en sursaut. Mes quelques rêves s'effacent déjà. Je regarde autour de moi. Alek dort encore, je vois ses narines bouger paisiblement. Le jour est levé depuis peu, le ciel est encore un peu rose. Je n'ai pas beaucoup dormi mais ça suffira. Comme chaque jour, j'ai des courbatures, et ma blessure me fait mal. Mais rien d'insurmontable. Je dissipe la fatigue qui me gêne en frottant doucement mes yeux. Il fait un peu plus chaud ici, on dirait que de la chaleur vient des tréfonds de cette galerie. Je me lève. Mon corps semble rouillé. Je fais quelques mouvements pour me réchauffer et réveiller mes muscles. Le premier matin, j'avais tenté d'utiliser le Flux, mais je n'ai réussi qu'à me brûler les poils des bras.

L'extérieur est éblouissant. Je descends mes lunettes un instant, et je remarque quelque chose dans la neige, une relique de la tempête. Toutes nos traces ont disparu. Les rafales de vent ont effacé tout signe de notre passage. Est-il seulement possible de nous retrouver, désormais ? Si nous trouvions un moyen de passer pour morts, la poursuite s'arrêterai et nous pourrions finir la route à une allure plus paisible... Je fantasme, certainement. Mais tout Yett qu'elle est, la poursuivante est une humaine. Elle est faillible.

Je respire un peu. L'air est toujours aussi pauvre, mais je m'y fais. Je relève mes lunettes, et je vais tenter de réveiller Alek avec quelques mots. Il ne réagit pas. Je le pousse un peu, et il ouvre un œil épuisé.

« Tu es prêt à reprendre la route ?

— J'aimerais, mais non... Bientôt, mais pas maintenant... Je n'arrive même pas à bouger un doigt... »

Jusqu'à maintenant, il s'était toujours réveillé en premier, et avait toujours lutté contre la fatigue. Marcher alors qu'il sait qu'il ne peut pas, c'est du suicide. Et dans le pire des cas, je n'aurais qu'à le tirer de force par la corde qui nous lie. Je sors un morceau de pemcan de mon sac, avant de le dévorer. Je me rends compte que petit à petit, je me mets à ressembler à Dragura. Je ne sais pas si mes cheveux deviennent blancs, et mes yeux bleus clairs, mais mes attitudes deviennent... animales. Et je dois sentir aussi mauvais qu'un chien sauvage, pour ne rien arranger.

Je regarde le fond de la galerie. Elle n'est pas naturelle, j'en mettrais ma main à couper. Je remarque que quelque chose, plus loin, scintille étrangement. Je suis prise de curiosité. Alek a besoin d'un peu de temps, et je ne risque pas de me perdre, la corde est là. Je sors une petite bougie que j'enflamme avec l'une de mes allumettes. Ça suffira pour m'éclairer. Et je dois en profiter pour me soulager.

Je m'enfonce dans la grotte, en prenant garde de ne pas me cogner la tête. Je me dirige vers la source du scintillement. Ça reflète la lumière de ma bougie, même si elle n'éclaire vraiment pas loin. Un pas, voire deux. Cette matière brillante, on dirait... du métal. Un métal gris très pâle, faiblement bleuté. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, alors que j'ai grandi près de mines de fer, de cuivre et même d'argent. J'enlève mon gant, j'approche mes doigts, et touche ce mystérieux métal. Immédiatement, il se met à fumer une sorte de brouillard. C'est si froid... Je balaye la bougie afin d'observer la manière dont la lumière se reflète, et je remarque au passage un objet long au sol. Un vieux rail ? Etonnant... Il semble de bonne qualité, je n'en ai jamais vu de tels auparavant. Je fais quelques pas de plus, je ne saurais dire combien, et je finis par me retrouver dans une salle un peu plus vaste. On dirait un embranchement.

C'est une ancienne mine, j'en suis sûre. C'est fascinant. Elle est pratiquement intacte alors qu'elle doit avoir plus de deux mille ans... Même les rails sont comme neufs. A croire que des gens exploitent toujours cet endroit. Mais non, il n'y a rien à entendre, à part la douce respiration de la montagne, quand les courants d'air se fraient un chemin dans les fissures des roches. Ça me rappelle les anciennes mines que je visitais dans les Hautes-Terres avec des amis. Ils avaient toujours peur d'y trouver des fantômes, mais à part des chauves-souris, il n'y a jamais rien. Dans les entrailles de la terre, je me suis toujours sentie plutôt bien, en sécurité.

Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant