Le jour de la Viterswit

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Loutch abat sa dernière carte, dépitée. Je commence à pouvoir lui tenir tête ! Bientôt, je lui serais supérieure sur tous les points. Notre temps de service devrait commencer dans peu de temps. Hurnal, le nouveau garde recruté il y a quelques semaines, s'occupe de nettoyer ses équipements. Rodric s'occupe d'une partie de son entrainement, et moi et Loutch lui enseignons les autres détails et formalités de notre métier. C'était justement Rodric qui avait entendu parler de ce jeune, et il l'a engagé avant que d'autres ne tentent le coup. Selon mon Capta, Hurnal et moi sommes semblables. Comme moi à mon arrivée, il ne sait pas trop les affaires qui se trament en secret ici. « On ne peut pas agir sciemment pour une cause qu'on ne connait pas », m'avait dit Rodric, et c'est parfaitement logique. Mais je comprends mieux pourquoi je suis devenue garde. Pour ne pas agir pour les ennemis de la Garde... Quelle ironie.

Un son de cor me parvient. Une sonnerie longue, suave et mélancolique, comme un soupir de soulagement ou de résignation. Puis une autre corne retentit. Puis une troisième. Cheon, dans la petite tour de notre poste, fait aussi sonner la Viterswit, et très vite, toute la ville chante et soupire. Les oiseaux voyageurs sont revenus, le printemps est là. Nevland, à cet instant, entre en l'an 5263. Une clameur commence à se faire entendre, car la grande partie de Drech-fläg va commencer dans peu de temps. Il est temps d'agir.

Loutch range ses cartes. Elle doit aller veiller sur les docks afin qu'aucun contrebandier ne tente de profiter des festivités pour faire entrer des marchandises illégales. Quant à moi, je vais devoir aller près de la place jusqu'à la première pause de la partie. Ensuite, je me rendrais au poste 13. Je remets en place mes équipements, et je me dirige vers la sortie. Je croise alors Rodric, qui me regarde une seconde. Puis, avec un regard lourd de sens, il me remet la lettre qui me permettra de rendre visite au Capta Targeed, et qui pourrait tous nous condamner à l'exil, la prison ou la mort, voire les trois.

Dehors, je marche sans réfléchir, casque fermement attaché à ma tête. Je me retrouve rapidement mêlée à la foule, qui s'écarte petit à petit sur mon passage. Je finis enfin par voir la partie. Les gens hurlent quand leurs favoris ont un drapeau en main, et exultent quand leur équipe a l'avantage. Mais je ne parviens pas à suivre le cours du jeu. Les actions s'enchainent, mais le temps me semble passer si lentement. Pourtant, très vite, la pause arrive. Je rebrousse chemin, et d'un pas ferme, j'avance vers le poste 13.

Ça y est. Il se dresse là. Comme un arbre au milieu d'un champ, il dépasse les bâtisses autour de lui. Il n'est pas vraiment plus large que mon poste, mais il est plus haut, et d'après Smeiss, les sous-sols sont vastes. Je m'approche de l'entrée, et un compère de la Garde posté là s'adresse à moi.

« Bonjour, Iskal. Que venez-vous faire ici ? »

Je le salue d'un mouvement de tête, et je sors la lettre de Rodric.

« Le Capta Rodric Colleart m'envoie transmettre ceci au Capta Targeed. S'il est indisponible, je dois la remettre à son Iskal, Smeiss.

— J'ai cru comprendre qu'il était dans son bureau mais qu'il était très occupé et qu'il ne voulait pas être dérangé. Je vais appeler Smeiss. »

Il se retourne, crie le nom de mon complice, et rapidement, la porte s'ouvre et il apparait juste derrière.

« Qu'y a-t-il, Amétisse ?

— Juste des nouvelles pressantes. »

Je lui tends la lettre. Il la saisit et fait mine de la lire, alors qu'il sait déjà ce qu'elle contient. Une demande de renfort pour surveiller les alentours du port, l'Ovrrul faisant des siennes du côté Ouest de la rive. Rodric avait écrit que pour le moment, la situation était sous contrôle, mais que cela ne serait pas tenable ce soir, quand l'alcool coulera dans les rigoles et les gosiers. Smeiss reprend la parole.

Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant