Je me précipite vers Alek. Il est mal en point mais il respire régulièrement. Il a une marque de coup au visage, entre la tempe et la joue gauche, comme si on l'avait frappé avec un bâton. Ses vêtements sont abimés, et sont couvert de traces de terre. Sous une petite couche de tissu, je devine la statuette de Carinia que je lui avais donné. Je prends sa main pour voir s'il réagit, et, après un instant, ses doigts bougent très légèrement.
Je me redresse, et, furieuse, je me retourne vers les deux autres occupants de la petite chambre. Scod s'est relevé et se masse le crâne. La femme, elle, ne semble pas perturbée par la scène.
« Il va falloir m'expliquer tout ça. Tu devrais être dans un cachot à l'heure qu'il est, alors ne traine pas. »
Scod me regarde, et il échange un regard avec la dame. Ses yeux se tournent à nouveau vers moi, et il ose enfin parler.
« Je travaille pour Junn. Il a besoin d'avoir des yeux et des oreilles partout dans la ville. Même au sein de l'Ovrrul. Vu que je suis un de leur membre, il m'avait proposé il y a quelques années de devenir un espion. J'avais assisté à un acte... marquant.
— Et quel rapport avec mon frère ?
— Alek... Il a vite compris le jeu que je jouais. Et il m'a proposé son aide. Surtout après qu'il ait eu des preuves montrant que la Milice est peut-être la meilleure protection pour cette ville.
— Tu te fous de ma gueule ? Vous venez de libérer Spenicer ! Un contrebandier trafiquant des armes et des drogues !
— S'il te plait, attend un peu... La Milice n'est pas parfaite, mais la Garde est corrompue. Jusqu'à la moelle... Spenicer était un allié, mais il commerçait aussi avec l'Ovrrul, et ça ne plaisait pas aux chefs de cette pègre. Alors contre 10000 pièces d'or, ils l'ont vendu à la Garde. Ce n'était pas idéal pour vos finances, mais cela neutralisait un soutien de taille de la Milice. Nous devions sauver Spenicer. C'est un allié, et s'il disparaissait, la transaction ne se finirait pas. L'Ovrrul souhaite retrouver sa force antique, et pour cela elle doit obtenir le contrôle total de Sogaden et des Arêtes.
— ça n'a pas de sens. Pourquoi le seigneur de la ville abandonnerait-il ces quartiers ? »
Je ne doute pas qu'il est de bonne foi. Mais cette histoire est loin de me convaincre et ça n'explique toujours pas l'état de mon frère. Scod cherche ses mots quelques instants, puis il reprend.
« On n'en est pas sûr. Mais on a une idée sérieuse. Foolstep est le plus grand port de Nevland, et nos marins sont très bons. Tu sais peut-être que la péninsule souhaite faire de notre peuple un vassal de Larne. Aux dernières nouvelles, le chef de Foolstep est favorable à cette union. Si Sogaden et les Arêtes tombent aux mains de l'Ovrrul, notre seigneur perd la moitié de son influence. Pour rien au monde il n'abandonnerait ces quartiers. Si cela arrivait, il ne pourrait pas résister à un coup d'état... Et pour autant que l'on sache, la grande majorité des hauts-gradés de la Garde, dont votre grand chef, sont défavorables à l'union avec la péninsule.
— Et Alek ?
— Tu as témoigné à ta Capta que tu m'avais vu. Je ne sais pas ce que tu lui as dit, mais très vite l'information a circulé en dehors de vos rangs et certains de mes camarades ont émis des soupçons à mon égard. Sauf que je sais me cacher le temps que les esprits se calment. Pas Alek... On a voulu me faire passer un message. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu le protéger sur ce coup-là...
— Donc vous l'avez planqué ici ? Depuis quand il est dans cet état ? »
Cette fois, c'est la dame qui me répond.
« Je l'ai amené ici hier. Il était seul dans une ruelle. Je l'ai rapidement reconnu, et Scod m'avait souvent parlé de lui. On s'est retrouvé ici il y a quelques heures.
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Nevland - cycle des aciers [réécriture en cours]
FantasyAmétisse et son frère Alek ont dû quitter leur terre natale, les hautes terres de Zelbor, pour fuir à Nevland. Une contrée gelée, où les gens sont aussi rudes que l'hiver. Une contrée agonisante, n'ayant qu'un passé légendaire et incertain pour subs...