7 - Peut-être qu'avec du temps ça partira

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« Bonjour à tous, les titres du jour sur Europe 1. Marche blanche en hommage à Véronique Chaveau: Quelques milliers de personnes sont attendues place de la République pour célébrer la mémoire de la femme de 45 ans, morte sous les coups de son mari, le nouveau ministre de la santé Bertrand Chaveau. »

Angèle secoua la tête de dégoût. Elle n'arriva pas à croire qu'un homme puisse faire une chose pareille à la personne qu'il aime. Ça faisait plus de deux ans qu'elle luttait aux côtés du mouvement 'Nous toutes' contre les violences sexistes et sexuelles, et notamment contre les violences conjugales faites aux femmes. Le gouvernement ne faisait pas grand chose pour lutter contre ces violences, alors que ça avait été annoncé comme une priorité du quinquennat. Pire encore, ils avaient osé supprimer le numéro d'aide aux femmes victimes de violences début Août 2021, ce qui avait été prit comme un doigt d'honneur à la lutte et aux femmes en général. Alors à l'annonce du féminicide de la femme d'un membre du gouvernement un vent de rage avait soufflé sur tout le pays et des manifestations dans toutes la France avait été organisées clandestinement. Seule la marche blanche fut autorisée par la préfecture, ce qui alimenta de plus belle la colère des femmes. Angèle fulminait rien qu'en y pensant.

Les organisateurs de la marche blanche avait donné comme dress-code la couleur lilas, symbolisant les fleurs préférées de Véronique, assassinée par les poings de son conjoint. Angèle n'avait qu'un tshirt dans ce colorie alors elle n'hésita point pour le choix de sa tenue. Elle rentra le tshirt dans un cargo noir qui comportait deux chaines en argent au niveau de la ceinture. À ses pieds elle porta ses Doc Martens et autours de son cou une troisième chaine.
Elle remplaça le son de la radio par une de ses playlist spotify préférée puis alla récupérer le marqueur noir posée sur son bureau. Elle se dirigea vers une planche de carton étalée sur le sol de sa chambre lorsqu'elle entendit frapper à sa porte.
Lorsqu'elle ouvrit la porte elle vit Dua habillée d'un débardeur noir et d'un short couleur lilas.
- Hey, salua Dua, ravie de revoir son amie.
- Salut, répondit Angèle avec la même énergie.
- T'aurais pas un marqueur s'il te plait ?

Il fallut très peu de temps à Angèle pour se rendre compte que les coïncidences étaient trop évidentes.
- Tu vas à la manif? Questionna Angèle, marqueur dans la main.
- Yep, toi aussi? Demanda Dua avec un sourire d'excitation.

Angèle mourrait d'envie de se rendre à la manifestation avec Dua mais elle n'osa pas demander, elle était toujours gênée par l'incident de la veille, alors elle se contenta d'acquiescer et espéra que Dua l'invite à y aller ensemble. Angèle se demanda si elles pouvaient communiquer par la pensée car à la seconde d'après Dua prononça la phrase qui avait résonné dans sa boîte crânienne. Sans hésiter une seule seconde Angèle acquiesçât. Dua s'excusa le temps d'aller chercher son carton vierge dans sa chambre universitaire.


En attendant le retour de son amie Angèle s'installa à genoux devant son carton, elle le regarda avec l'espoir que l'inspiration vienne. C'était la première fois qu'elle allait se rendre à une manifestation avec une pancarte et elle ne savait pas comment s'y prendre pour choisir un bon slogan. Elle essaya d'éliminer son syndrome de la page blanche en fouillant les réseaux sociaux mais ne trouva rien.
- Ya Sarah qui vient nous rejoindre ça te dérange pas? demanda Dua en remettant les pieds dans la chambre de la jeune femme qui lui tournait le dos.

Angèle ne se retourna pas pour donner sa réponse, elle fit un signe de la tête pour exprimer que la venue de sa meilleure amie ne la dérangeait pas.
Dua posa son carton à côté de celui d'Angèle et s'essaya en tailleur devant l'objet. Elle vit Angèle toujours immobile et sans expression faciale devant son carton comme si les écritures allaient apparaître par magie.
- Tu sais pas quoi écrire hein?
- Nope, répondit Angèle toujours bloquée physiquement et mentalement.
- Qu'est-ce qui te révolte le plus?
Angèle leva les yeux au plafonds et essaya de se souvenir de toutes les pensées qui avait traversé son esprit ces derniers jours, de ce qu'elle avait pu lire sur internet et ce qu'elle avait entendu dans les couloirs de l'université. Au bout de quelques secondes elle put enfin donner sa réponse.
- Je crois que c'est le fait que ça fait des mois et des mois qu'on dit que l'état est autant coupable que les hommes qui passent à l'acte ou que les policiers qui ne prennent pas nos plaintes, mais là ça n'a jamais été aussi vrai.
- C'est un bon début.
- C'est un peu long comme phrase pour le carton, dit Angèle avec second degré.

Dua rigola à la remarque d'Angèle. Puis toutes deux se mirent à la tâche. Angèle décida d'écrire «L'État a du sang sur les mains» sur son carton tout en faisant dégouliner sous les lettres des gouttes des sang à l'aide d'un marqueur rouge. Après les conseils de Dua, elle avait opté pour une phrase choc en espérant marquer les esprits. Une fois son slogan écrit Angèle su qu'elle devrait sortir de sa zone de confort lorsqu'elle brandira la pancarte dans les rues de Paris. Elle ressenti un léger stress rien qu'en y pensant car elle n'avait pas l'habitude de sortir de cette zone de confort. Dua la rassura en lui expliquant qu'elle pourrait cacher la pancarte pendant la marche blanche en hommage à Véronique Chaveau et qu'elle pourrait la sortir que pendant la manifestation illégale devant le Palais de L'Élysée.
Sur sa pancarte Dua inscrivit « Justice pour Véronique » en lettres majuscule en haut du carton puis elle écrivit le nom de toutes les autres victimes française de l'année 2020 et 2021, à chaque ligne de plus en plus petit. Les raisons qui l'avaient poussé à faire ce choix était que premièrement il y avait beaucoup trop de noms à écrire, qu'elle n'avait pas le choix d'écrire plus petit si elle voulait tous les écrire, et que ce n'était pas normal d'avoir à en écrire autant alors qu'elle devrait en écrire aucun et ne pas à se rendre à une manifestation pour se battre pour le droit de ne pas se faire tuer. Deuxièmement Dua pensait qu'il ne fallait pas seulement médiatiser la lutte contre les violences conjugales que quand la victime était une femme célèbre mais qu'il fallait en parler à chaque fois pour lever le tabou et faire bouger les choses.
Une fois prêtes les deux filles se dirigèrent en bas de l'immeuble et attendirent Sarah, qui elle habitait dans la même résidence mais dans dans le bâtiment E. Elles attendirent peu de temps puisque à peine installées sur un banc les deux étudiantes virent Sarah débarquée tout de noir vêtue.
- Tu sais que t'étais censé porter du lilas, charria Dua une fois Sarah assez proche pour entendre ses paroles.
- Oh mais j'en porte, rétorqua Sarah en se retournant et en baissant légèrement son short pour laisser apparaître un tanga violet.
Dua sa tapa le front de la paume de sa main, honteuse mais amusée du comportement de son amie. Tandis qu'Angèle se mit à rire du comportement désinvolte de Sarah.
- C'est violet pas lilas, contesta Dua.
- Chut c'est la même chose, le lilas c'est une nuance de violet.
- Elle a pas tort, commenta Angèle, prenant partie pour la femme qui l'avait remise à sa place la veille.
Cette dernière se dirigea vers Dua et lui fit un câlin pour la saluer, puis elle se tourna vers Angèle et fit la même chose.
Angèle se disait qu'elle avait tellement de chance. Un jour plus tôt elle pensait perdre une jeune amitié, et aujourd'hui les deux femmes qui auraient eu raison de lui en vouloir avaient totalement oublié les évènements des jours passés. Elle était agréablement surprise par leur maturité et leur indulgence.
- Vous avez fait des pancartes, remarqua Sarah qui avait l'impression de ne pas s'être assez préparée.
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Fever - Angèle & Dua Lipa AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant