cinq.

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« Elle eut un petit sourire, le sourire reconnaissant de quelqu'un qui chérit chaque mot, chaque geste tendre car, face à la mort, l'amour est l'unique réconfort. »

Le studio est quasiment plein, les gars s'entassent les uns sur les autres, la fumée embaume la totalité de la pièce, rendant l'ambiance assez sombre. Les basses de la nouvelle prod de Hugz font vibrer les murs.

Mon joint entre les lèvres, mon stylo dans la paume, j'essaye de trouver désespérément des mots à coucher, mais je n'en ai aucun. Enfin si, seulement un.

Je souffle avant de refermer le petit carnet en similicuir et de l'envoyer s'étaler sur la table basse.

- Page blanche ? Doums s'assoit à mes côtés.
- Non, la fatigue, je mens.

Je n'aime pas avouer avoir la page blanche, cela rendrait trop réelle mon incapacité à écrire quand elle est dans mes pensées.

Je regarde l'heure sur mon portable.

- Merde, fais chier, je me dis à moi-même.

Je me lève rapidement et récupère ma veste ainsi que ce fichu carnet.

- Faut que j'y aille les gars.

Je les check un par un avant de m'empresser de quitter le studio. Par chance, il n'est vraiment pas loin du pont.

Elle est déjà là quand j'y arrive, un sourire se dessine malgré moi sur mon visage. Je m'avance doucement vers le milieu, là où elle se trouve.

- Je croyais que tu ne viendrais pas.
- Je croyais que tu n'y serais pas.

Son regard est fixé sur la Dame de fer.

- Je n'allais pas réellement sauter, la première fois.

Je la regarde un court instant avant qu'elle ne reprenne, le regard posé cette fois sur la Seine.

- Je le voulais, mais je n'aurais pas osé.

Je ne dis rien, à vrai dire, je ne sais pas quoi dire. Le silence n'est pas lourd, il est même plutôt agréable.

- Pourquoi tu voulais m'aider ?

Je retourne mon visage vers elle, ses yeux sont cette fois plantés dans les miens. Je détourne rapidement mon regard.

- Je ne sais pas, je mens.
- Je pense que si.

Je ne dis rien. Bien sûr que je le sais, mais l'avouer serait rendre la chose plus réelle qu'elle ne l'est déjà, et je ne suis pas encore prêt à ça. Elle n'insiste pas, ce qui me soulage. Le vent souffle légèrement plus fort et le pont se fait de plus en plus désert.

Je sors mon portable de ma poche et regarde l'heure; trois heures trente.

- Je pense que je vais rentrer, je lui dis.
- Moi aussi, je suis fatiguée.

Je lui souris légèrement avant qu'on sépare nos chemins, en sachant pertinemment qu'on se retrouverait au même endroit le lendemain.

*

Je pensais sincèrement qu'elle me rapprochait d'elle, mais en réalité, elle me faisait oublier.

l'amour des morts - nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant