dix-sept.

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« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi." » - Montaigne.

J'ouvre les yeux difficilement. La lumière du jour perce les volets mal fermés, éclairant légèrement la pièce. Je frotte mes yeux et regarde à mes côtés. Elle dort toujours. Il ne s'est rien passé cette nuit. On n'a pas fait l'amour, on en est, de toute façon, pas encore là. On s'est simplement endormi blottis l'un contre l'autre, et j'aime cette sorte de pudeur installée entre nous. Je me permets de la détailler avant de prendre mon téléphone et en regarder l'heure: 13 heures.

Mon écran de verrouillage indique une dizaine d'appels manqués, tous de Hugz. Et je sais que j'ai oublié la journée studio qu'on avait bloqué.

Je me lève doucement, en faisant de mon mieux pour ne pas la réveiller. Je ne connais pas son appartement, je ne suis jamais venu. Je piétine quelques minutes autour de moi avant de trouver un petit balcon dans la cuisine. Je sors et allume ma cigarette en rappelant mon ami, qui va m'assassiner, je le sais d'avance.

- Je vais enculer tous tes morts en commençant par la génération la plus éloignée.

Je souris faiblement avant de recracher la fumée.

- On avait bloqué la journée, c'est ça ?
- Ouais.

Je sens qu'il est légèrement énervé.

- Tu penses que tu peux ramener ton cul dans combien de temps ?
- 40 minutes maximum.

Il ne dit rien et raccroche. Il va m'en faire voir de toutes les couleurs au stud, c'est sûr. Il va pas me lâcher et être intransigeant, quitte à me faire recommencer trente fois la prise juste pour me faire chier.

Je termine ma cigarette et rentre dans l'appartement. Généralement, ça ne me dérange pas de me tirer sans un bruit, au contraire, je préfère même. Mais là, je ne veux pas qu'elle croit que je suis parti comme un voleur.

Je lui écris un petit mot que je laisse sur la table basse et embrasse rapidement son front avant de m'en aller.

*

Cette nuit, aussi anodine qu'elle soit, m'avait beaucoup aidé. J'avais pris conscience que, même si je ne pourrais pas l'oublier, je me devais d'avancer. Et c'est là que tout a réellement commencé.

l'amour des morts - nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant