« Une rencontre n'est que le commencement d'une séparation. »
Cela fait maintenant cinq jours depuis la nuit du pont. Cinq jours que je pense à tout ce qu'il s'est passé. Finalement, je n'ai pas réussi à bien transformer les événements de cette nuit là en un texte.
Tous les soirs, par précaution, je retourne sur le pont d'Iéna, espérant ne pas recroiser ses iris meurtries prêtes à s'engouffrer dans l'eau glacée du fleuve parisien. Et ce soir, je ne déroge pas à la règle. Me voilà à arpenter ce long pont, sans but, cette fois, si ce n'est m'assurer qu'elle ne viendra pas sauter. Je ne sais pas ce qui m'obsède et m'entête à revenir. Doums a décidé de m'accompagner, histoire de discuter et fumer, mais comme à son habitude: il est en retard.
J'allume justement un joint et me pose contre la barrière du pont. Quinze minutes passent, et toujours aucun signe du Malien. J'allume donc un second joint et le fume en décomptant les minutes, puis en décomptant les mégots.
Je plane. Peut-être trop. J'ai l'impression de rencontrer les mêmes iris que l'autre soir. Elle ne se détache pas de mes yeux et cette fois je peux voir son visage sans larmes. Ses yeux sont très clairs, on dirait presque qu'ils sont dorés et ses cheveux bruns lui encadrent parfaitement le visage. Ses yeux dans les miens, le temps s'écoule au ralenti. Ça me fout des frissons. Je me décolle du pont contre lequel j'étais adossé avant de m'approcher.
J'entends mon prénom résonner derrière mon dos, je me retourne une fraction de secondes pour reconnaître enfin Doumams et me replace face à elle.
Face au vide.
Disparition, déception.
Mais elle n'avait pas totalement disparue, il restait quelque chose, une aura qu'elle dégageait et qui s'imprégnait de moi.
Je me retourne face à Doums une nouvelle fois.
- Ça va frérot ? Tu fais une tête bizarre, on dirait t'as vu un fantôme. Il rit.
- Ouais... Ouais ça va, j'ai cru reconnaître quelqu'un...Il hausse les épaules et sort un joint de sa poche avant de le fumer.
- Les gars sont au studio si ça te tente, ils attendent toujours ton couplet, il tire sur son joint et me regarde.
- Merde, je lâche, j'avais complètement oublié.
- Hugz va te monter en l'air.Je soupire et sors mon portable, j'ouvre mes notes et regarde ce que je trouve de potable dedans.
- Après, on est pas obligé de passer, c'était juste une idée.
- Nan, après ils vont m'allumer, t'as raison.Il rit et continue d'avancer.
- Idriss a ramené sa meuf en plus, moi qui croyais qu'il nous mentait.
- Jure elle existe ? Je ris et range mon portable.
- wAllah, elle est au stud'.On continue notre marche pendant quelques minutes avant d'atteindre la station de métro. C'est désert à cette heure ci. On monte rapidement et je décide d'écrire un semblant de texte le long du trajet.
Une fois la station arrivée, je descends en compagnie de Doums et nous nous dirigeons vers le studio. Doumams tape le digicode et nous quittons le froid pour pénétrer dans le bâtiment. On descend rapidement au sous-sol.
Tous les gars sont là, ou presque. Idriss manque à l'appel.
- Il est parti la tête de fouine ? Je demande.
- Il va revenir, il est parti chercher de quoi boire au Monop'.J'hoche la tête et pose ma casquette sur la table basse.
- J'espère pour toi que tu as ton couplet, me lance Hugz.
- T'inquiète, tu crois quand même pas que j'allais zapper.Doums rit sous mon regard noir.
- Ouais, ouais, dégage en cabine.
Je m'exécute et mets le casque sur mes oreilles. Je sors mon portable que je place devant moi et laisse la prod passer légèrement avant d'entamer mon couplet.
Les gars me lèvent tous leurs pouces une fois fini. Je retire le casque et sors pour rejoindre Hugz.
- Alors ? Je demande.
- Pour un one shot, c'est pas trop mal, mais y'a des trucs que j'aimerais qu'on refasse, t'étais un peu en décalé.Il bouge quelques réglages et me montre là où je n'étais pas dedans.
- Ouais, pas de problème.
Je sors un énième joint de ma poche et l'allume. Framal décide de faire son entrée à ce même moment. J'hausse les sourcils quand je le vois accompagné d'une petite brune aux yeux noisettes.
- Eh bah, moi qui n'y croyais pas ! Je ris en le regardant.
Fram me sourit, il sait que je suis fait donc il ne relève pas vraiment.
- Ta gueule, il me dit tout de même.
Je me lève pour le checker et faire la bise à la demoiselle qui l'accompagne.
- Kira, elle me dit.
- Ken.Je me rassois sur le canapé, son visage m'est familier mais je ne saurais dire d'où. Framal pose les bouteilles d'alcool qu'il a achetées, à notre plus grand plaisir. Je me sers un verre et m'enfonce encore plus dans mon état second.
La soirée est passée en un éclair, je crois que je me suis endormi d'ailleurs. Le studio est presque désert, il ne reste que Hugz, Framal et sa copine, et je n'ai pas souvenance d'avoir vu les gars partir.
- Ah, elle se réveille la belle au bois dormant, me charrie Framal, confirmant ma pensée.
- J'suis fait, mais genre, beaucoup, je ris.Il rit à son tour, mon regard se pose de nouveau sur la brunette à ses côtés. Quelque chose me dérange sur son visage, j'ai l'impression de la connaître tout comme j'ai l'impression de ne pas la connaître.
- T'es du coin ? Je tente.
- Non, je suis du 17ème.
- Et tu traînes souvent dans le 15ème ?
- Seulement avec Idriss.Elle me sourit, sûrement un peu gênée de l'interrogatoire, même s'il n'y a rien de bien méchant.
J'hoche la tête, ce n'est donc pas ici que je l'ai vue, sinon, j'aurais remarqué la tête de fouine de mon meilleur ami d'enfance. J'hausse les épaules pour moi-même, le joint me crée sûrement de fausses idées.
- Bon, je vais rentrer, je me lève et check tout le monde.
- Demain quatorze heures, si tu viens pas je te brise les jambes, me dit Hugz.
- Ouais, j'y penserais.Je quitte le studio et retourne chez moi, la tête en désordre.
*
J'avais cru voir son visage ce soir là, mais j'espérais me tromper.
Note de l'auteure: Hey ! Je rentre en partiel la semaine prochaine jusque fin juin, donc je pense qu'il n'y aura pas de publication de chapitres avant juillet. Prenez soin de vous ♡
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l'amour des morts - nekfeu
FanficElle était l'un de ces regards qu'on oublie pas, une sorte de fantôme du passé qui me permettait de combler et oublier. Et pourtant, je ne pourrais jamais l'oublier. « C'est précieux une vraie souffrance, on y tient comme à un trésor, on la protège...