trois.

955 37 2
                                    

« Il y a des yeux qui d'un sourire tombent amoureux »

Je fixe les gouttes de pluie tomber contre le bitume parisien, dans une flaque éclairée à la seule lueur d'un lampadaire à moitié fonctionnel. Mon joint en bouche, je repense à la soirée qui vient de se passer, au visage que j'ai vu. Si Framal pouvait entrer dans ma tête, il me tuerait de n'avoir que son visage en boucle.

Mon insomnie me guide dans la pénombre et le froid hivernal, j'avoue que je ne réfléchis même pas où je vais, je marche, j'erre. Pourtant, je sais très bien où je vais finir.

Mes deux pieds franchissent l'entrée de ce pont qui est devenu mon quotidien. Je m'avance jusqu'à la moitié et m'accoude à la rambarde. La Dame de Fer a enfilé sa robe pailletée et brille de mille feux, éclairant la Seine par la même occasion.

Je n'arrive pas à me sortir le visage de cette fille de la tête, pourtant, je suis sûr que ce n'est pas elle, ça ne peut pas l'être.

Je ne peux tout simplement pas être obsédé par la copine d'un de mes meilleurs amis d'enfance, c'est impossible. De toute façon, je l'aurais reconnue, non ? Si c'était elle qui envahissait ma tête jour et nuit au point de me retrouver sur ce foutu pont à chaque nouvelle insomnie, je l'aurais reconnue, non ?

Ma tête se bouscule, mon reflet est perturbé par le mouvement de la Seine offrant une représentation quasi exacte du brouillon que sont mon esprit et ma tête. Tout est flou et j'ai l'impression de devenir fou.

Comment une personne qu'on ne connaît pas peut prendre tant d'importance ? Comment une rencontre si brève peut m'occuper à ce point l'esprit ?

Cette nuit, il n'y a personne, comme chaque nuit depuis la dernière fois que j'ai cru la voir. Parfois, j'aimerais qu'elle apparaisse, pour confirmer que je ne l'ai pas imaginée, ou qu'elle n'est qu'un songe issu de mon imagination et de ma folie, je ne sais pas trop. J'aimerais avoir des réponses, pouvoir calmer mon esprit, mais non. Je suis seul, au milieu d'un pont désert, en pleine nuit et attendant qu'elle se pointe.

Ma tête ne quémande que de partir mais mon corps ne suit pas. Il reste là, bien en place, au même endroit où elle se tenait. Mon cœur se serre en regardant en bas et en m'imaginant revivre ce moment horrible, réentendre le fracas d'un corps contre l'eau et ne jamais le revoir faire surface.

Mes pensées s'entrechoquent entre elles, je ferme les yeux quelques secondes en essayant de reprendre mes esprits et de chasser ces souvenirs. La pluie recouvre mes joues, de petites gouttes y glissent. Oui, la pluie.

La nuit s'annonce longue, alors je fais ce que je fais de mieux, écrire.

                                              *
Je pensais sombrer dans la folie mais elle m'est apparue comme une lueur d'espoir dans une nuit où je n'en avais aucun.

l'amour des morts - nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant