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Ma journée de cours s'était terminée sans encombre et j'avais pu éviter un scandale en restant éloignée de ce pervers de Sang-Chun. Je n'avais rien pu lui dire lorsque nous nous trouvions dans la salle de cours mais j'avais trouvé sa remarque déplacée et gênante.

« Il parait que les femmes noires sont endurantes au lit... »

« Espèce de bakayarô* va... »

En y repensant, j'aurais du le gifler mais j'aurais pu avoir de graves problèmes, ou me faire virer. Et je savais très bien que même avec mes explications, on l'aurait cru lui et non moi. Le pire dans cette histoire c'était le fait qu'il n'était pas le seul à penser de cette manière et à dire ce genre de saloperies. Depuis la nuit des temps, les femmes de couleur avaient toujours eu cette étiquette de femmes endurantes, constamment attirées par le sexe. Vous savez, ces termes de « panthère noire », de « bête sexuelle » ou encore de « lionne sauvage » que l'on peut entendre de la bouche de certains. Notre sexualité avait toujours été stéréotypée avec des clichés qui ne représentaient en rien la réalité, que ce soit en Occident ou ailleurs.

J'avais prévenu mes parents que je comptais chercher un job étudiant et je comptais tenir parole même si je savais déjà que rien ne serait facile et que je risquais probablement de me prendre beaucoup de refus. J'étais en train de marcher dans la ville lorsque les gros titres d'un journal attirèrent mon attention.

L'année 1991 en Corée du Sud a vu naitre pour la première fois un signe d'amélioration entre les 2 Corées. Dans les rues assez fréquentées de Séoul, on ne parlait plus que de cet exploit. Les habitants alimentaient les ragots par rapport à ce que comptait faire le gouvernement. Il était question d'un traité de « paix », de « réconciliation » qui d'après les dires de certains, permettrait de mettre fin à 46 ans de division de la péninsule coréenne qui a été déchirée durant la guerre de 1950/1953. Mais tout cela était encore des suppositions. Est-ce que les deux gouvernements allaient tenir parole et réaliser ce traité de paix. C'était la question que beaucoup de sud-coréens se posaient en cette période assez délicate.

Je me remis à marcher jusqu'au quartier de Yongsan, le quartier des étrangers dans l'espoir d'y trouver mon bonheur.

Ce quartier fut pendant un moment un repère de militaires américains et de nombreux coréens n'osaient pas s'y aventurer du à sa mauvaise réputation.

Une voix grave et colérique était venue briser le calme d'une ruelle très peu fréquentée. Un homme assez grand et corpulent était en train de s'adresser à moi. Non, il me hurlait dessus même mais je n'avais pas dit mon dernier mot malgré ses cris intempestifs.

« T'es sourde ou quoi ?! Je t'ai déjà dit non ! Je prends pas de personne de ton genre dans mon établissement alors va voir ailleurs ! »

« Monsieur, s'il vous plait ! Je suis prête à faire n'importe quoi, même les tâches ménagères s'il le faut ! Je n'ai jamais travaillé mais j'apprends très vite et... et je ne me plains jamais. Laissez-moi au moins une chance de faire mes preuves et je vous promets que vous ne serez pas déçu ! »

Les quelques passants chuchotaient entre eux en observant la scène. Certains d'entre eux approuvaient la décision de cet homme sans charisme, d'autres le regardaient d'un sale œil. Ne comprenant pas pourquoi il était aussi catégorique envers moi qui ne désirais rien de plus que travailler. J'étais prête à tout pour me faire un peu d'argent et pour que mon père arrête enfin de se plaindre à mon sujet. L'homme serra ses poings puis s'approcha de moi, un air menaçant sur le visage ce qui me fit reculer d'un pas.

« Alors écoute moi bien ! Je vais pas me répéter. J'ai pas besoin qu'une « bâtarde* » comme toi vienne faire couler mon business ! T'as bien compris ? Alors du balai et que je ne te revois plus trainer devant mon restaurant ! »

Fighting with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant