Jour 4

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Elle ne tenait plus. Il fallait sortir, maintenant, tant qu'elle en avait encore la force. Héla se releva faiblement en prenant appuie sur la porte. L'heure qu'il était, elle n'en avait aucune idée, le jour, elle n'en était même plus certaine. Le temps s'était étiré et déformé depuis qu'elle avait croisé le regard de Miranbeau. Les yeux d'Héla se remplirent de larmes, ses jambes tremblaient et peinaient à soutenir son poids. Sa tête, elle lui faisait un mal de chien, il lui semblait même qu'une balle de tennis rebondissait à l'intérieur de son crâne contre ses tempes. Héla serra les dents pour tenter d'ignorer la douleur, et avança ses doigts tremblants vers la poignée. Elle n'avait pas le choix. C'était la seule pensée qui lui donnait du courage. Elle n'avait pas le choix. Elle déverrouilla la porte, puis appuya sur la poignée. Lorsque la porte s'ouvrit, la jeune femme manqua de s'écrouler. Le fauteuil rouge qu'elle avait imaginé, le verre de champagne, le sourire sadique de Miranbeau, il n'y avait rien de tout ça. Héla parcourût la chambre du regard, les yeux voilés par la soif et la faim, luttant pour ne pas s'écrouler. La porte de la chambre était ouverte. Sans attendre, Héla avança lentement vers la sortie en s'appuyant sur le mur. Miranbeau était peu être sortie, c'était possible après tout. Peut-être que pour une fois le sort jouait en sa faveur. Héla traversa un long couloir aux murs rouges, tapissés d'oeuvres d'art moderne. Personne. À chaque pas, la jeune femme sentait l'appel de la liberté dans sa poitrine où sont coeur tambourinait si fort contre ses côtes, qu'elle n'entendait presque plus l'appel de la faim et les crampes d'estomac qui lui sciaient le bas ventre. L'oreille attentive, Héla descendit l'escalier qui menait au salon. La sortie... La sortie n'était plus qu'à quelques mètres. Il lui suffisait de traverser l'immense salle à manger et la cuisine. La cuisine... Le robinet. À sa vue la jeune femme fondit sur lui et l'actionna. Le simple bruit de l'eau la fît vaciller. Elle peinait à croire que c'était réel. Sans attendre, elle mît sa tête sous le robinet et se mît à boire encore et encore jusqu'à se qu'elle soit obligée de reprendre sa respiration. Elle mourrait littéralement de soif. 

"-Tu aurais pu prendre un verre. Lança une voix suave depuis l'autre côté de la cuisine. Héla sursauta et manqua de tomber par terre, raide morte.

-V...Vous. Articula-t-elle sur le ton le plus menaçant que son état le lui permettait. Pourtant, tout ses espoirs de libertés venaient d'être réduits à néant, ses jambes tremblaient et son coeur était remonté jusque dans sa gorge après avoir raté un battement. 

Miranbeau se contenta de sourire, elle contourna l'îlot central pour se rapprocher de la jeune femme.

-Tu es pâle, remarqua-t-elle en arquant un sourcil, elle jaugea la jeune femme des pieds à la tête avant de reprendre son sourire satisfait.

Héla ferma le robinet et fît quelques pas en arrière. La porte, il faut que je sorte d'ici. Maintenant, songeait-elle sans quitter Miranbeau des yeux.

-Je te trouve vraiment très orgueilleuse chérie. Et dire que tu t'es infligé ça toute seule.

Héla ne répondit pas. La porte devait être à moins de deux ou trois mètres derrière elle. Elle pouvait y arriver, après tout, il suffisait que quelqu'un l'entende, un voisin, le facteur, n'importe qui.

-Mais j'avoue que je suis un peu déçue... Souffla Miranbeau, elle passa sa main dans ses cheveux et jeta un regard dément à la jeune femme. J'avais espéré que cette petite mésavanture te briserais de l'intérieur, mais à ce que je vois, tu as encore de l'énergie à revendre n'est-ce pas ? 

Héla sentit la porte d'entrée contre son dos et chercha la poignée du bout des doigts. Elle était là tout près. Mais au moment où elle sentit le métal glacé dans sa paume, la main de Miranbeau vînt se poser sur la sienne. 

Miranbeau lui sourit et fît doucement non de la tête.

-Je... Articula Héla qui sentait plus que jamais ses jambes se dérober sous son poids. Miranbeau était si près qu'elle pouvait sentir son souffle dans son cou. Héla retint sa respiration.

-Tu n'essayerais pas de partir n'est ce pas... Murmura Miranbeau à l'oreille de la jeune femme complètement tétanisée. 

Héla agita frénétiquement la tête de gauche à droite en retenant ses larmes du mieux qu'elle pouvait.

-N-Non... Bafouilla-t-elle en se sentant doucement glisser vers le bas de la porte.

-Non... Grogna madame Miranbeau frissonnante de plaisir, ne prends pas peur comme ça... Tu sais bien quel effet ça me fait. La femme d'affaire posa doucement ses doigts sur le menton de sa captive pour maintenir son visage tout près du sien. Héla déglutit difficilement.

La porte, elle devait ouvrir la porte. C'était maintenant ou jamais. Héla eût un haut de coeur lorsque Miranbeau replaça lentement une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille. Son emprise se renforça sur la poignée. Fuir, il fallait fuir.

-Vas'y... Souffla madame Miranbeau à l'oreille d'Héla, force-moi à te faire de mal, je n'attends que ça.

Dans un geste d'une violence inouïe, Héla repoussa Miranbeau et ouvrît la porte à la volée.

-À... À l'aide... À l'aide ! Lança-t-elle d'une voix faible. Elle voulu courir mais trébucha dans les marches du porche. Sa tête heurta le sol de plein fouet, elle se releva difficilement. À moins de cinq mètres derrière elle, Miranbeau approchait lentement, un large sourire sur les lèvres, les yeux brulant de désir.

-Tu es si... Lança Miranbeau depuis la porte d'entrée. Elle commença à descendre les marches du porche alors qu'Héla fuyait en boitillant.

-À l'aide... À l'aide... Articulait la jeune femme à bout de souffle et prise de violents vertiges.

-Et où comptes tu aller comme ça ?! S'exclama Miranbeau en riant.

-Je... 

Héla s'écroula une seconde fois. La faim l'avait décidément vidé de toutes ses forces. Sa tête la lançait, sa vision se brouillait et elle n'entendait rien de plus qu'un terrifiant bourdonnement.

-Aidez-moi... Souffla-t-elle faiblement en utilisant ses dernières forces pour essayer de se relever. Derrière, elle sentait Miranbeau approcher de son pas lent et assuré. Impassible, la femme d'affaire la poussa du bout du pied pour la retourner.

-Eh bien... Grogna Miranbeau en se penchant au dessus de la jeune femme. Elle ne tarda pas à s'accroupir tout près d'Héla. Elle lui caressa les cheveux d'un air distrait. Ne t'en fais pas, je vais t'apprendre à m'aimer et à me respecter. Tu verras, quelques semaines et tu seras définitivement à moi. "

Puis Miranbeau passa ses longs ongles peints en noir sur les joues désespérément blanches de la jeune femme. Ses yeux étaient cernés, fatigués, ses lèvres quant à elle tremblaient de peur au-dessus de ses dents qui s'entrechoquaient. Elle haletait. Miranbeau décrocha un nouveau sourire. Elle était si fragile, si petite et terrifiée, pourtant une lueur de défiance brillait encore dans son regard sous un voile de fatigue. Cette flamme, songea Miranbeau, je vais l'étouffer




Madame MiranbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant