Il est une citation connue de Thomas Hardy qui dit que « Les femmes savent contre quoi se défendre parce qu'elles lisent des romans qui parlent du danger » ... Et pourtant, debout sur les marches du perron, Olivia Eames savait que le vrai danger, c'était elle.

La vie n'est qu'une succession d'incertitudes et de questionnements sur nos choix, nos croyances, nos amours. Seulement, il arrive que, serré dans les bras de la personne à qui notre cœur appartient, on ne doute plus de rien. Et ne plus douter, c'était exactement ce que désirait Olivia. Elle voulait qu'Alexander lui ouvre, qu'il l'enveloppe de ses bras épais et fermes et qu'il l'embrasse tout le reste de la journée et toute la nuit. Elle voulait ressentir de nouveau la sérénité.
Cependant, la vie ne se conforme jamais aux espérances. Et Alexander ouvrit la porte car il ne pouvait s'empêcher de la voir. Encore à vif du trou béant dans sa poitrine, il ne put se résoudre à la toucher. Comme lorsque l'on a peur de se pincer en pensant rêver.
Et Olivia resta là, à le regarder la regarder avec douleur, colère, rage ? Elle ne savait dire, mais ça n'était pas ce qu'elle désirait.
Enfin, Alexander se mit en retrait pour la laisser rentrer, humant l'odeur d'orchidée et de jasmin qui la suivait. Son jean bootcut tombait bas sur ses hanches et épousait les formes de ses fesses. Tout comme son t-shirt qui laissait transparaître la forme de sa poitrine gonflée dont les tétons tendaient le léger tissu.
- Tu voulais me voir ? s'enquit-elle en posant sa valise avec une fausse désinvolture.
- Ce n'est pas une surprise, je t'ai demandé de rentrer hier.
Elle opina du chef, amère de son ton si distant. Ce qu'elle voulait c'était qu'il enfouisse son nez dans ses cheveux tandis qu'il embrasse sa tempe, une main sur son ventre encore plat. Ce qu'elle voulait c'était qu'il arrache le fin tissu de son t-shirt et qu'il grogne à la vue de sa poitrine plus généreuse. Ce dont elle était affamée c'était de l'entendre dire qu'il l'aimait, qu'il l'aimait toujours.
- Eh bien, je suis là.
- Le bébé va bien ?
Olivia soupira. Bien sûr, il ne s'intéressait qu'à l'enfant. Elle était partie après tout, il était déjà passé à autre chose. Il avait paru si différent la veille au téléphone...
- Je ne sais pas, je devrais prendre rendez-vous avec le gynécologue pour m'en assurer, dit-elle en espérant qu'en s'inquiétant pour le bébé, il s'inquiéterait pour elle.
Sa paume se posa instinctivement sur la petite bosse presque invisible qui poussait sur son bas-ventre.
Alexander leva les yeux vers elle, comme pour lui demander sa permission, elle lui sourit timidement pour la lui accorder. Alors il s'avança lentement pour ne pas la brusquer puis s'accroupi pour faire face à ce qui était le prolongement de lui-même. Ses yeux brillaient d'impatience.
- Dis-moi que tu vas le garder, soupira-t-il à quelques centimètres de sa peau tendue.
Les yeux gorgés de larmes, elle serra les lèvres pour ne pas pleurer. Le voir ainsi, à genoux devant elle, devant son ventre à peine arrondi ressemblait à un rêve qu'elle ne savait même pas être le sien. Mais, après l'avoir vu, elle ne voulait rien d'autre, seulement lui, seulement eux.
Voyant qu'elle ne répondait pas, Alexander leva les yeux vers elle, l'inquiétude se lisant sur chacun de ses traits.
- Olivia.
De nouveau, elle ressentait sa froideur, sa distance, tout ce qu'elle ne voulait pas.
- Je n'ai jamais pensé m'en défaire, sanglota-t-elle en jurant contre elle-même devant son état minable.
Elle n'était pas une chouineuse, elle n'était pas capricieuse. Et pourtant, face à cette situation, son cœur et son âme étaient désemparés, pas préparés, désarmés.
Alexander soupira de nouveau avant de poser son front contre elle. La sensation de ses cheveux soyeux contre sa peau si sensible de ne pas avoir reçu ses attentions pendant deux longues semaines l'électrisa. Mais tout ce à quoi elle pensait c'était de se faire pardonner, de savoir, juste pour être sûre, qu'il l'aimait et l'aimerait toujours.
Alors, dans un élan de cet amour qui la submergeait, Olivia emmêla ses doigts dans sa tignasse brune.
- Je veux que tu ailles voir un médecin dès demain Olivia.
Surprise par son ton qui ne s'était pas adoucis lors de cet instant de communion, elle figea ses doigts et laissa pendre gauchement ses mains de part et d'autre de son corps. Avant, c'était sexy de l'entendre l'appeler « Olivia », mais cette fois ça ressemblait plutôt à une frontière entre lui et elle qu'il établissait sans remord.
Comme elle s'y attendait, Alexander se releva et fit un pas en arrière avant de poser sur elle un regard qui lui brisa le cœur.
- Je suis assez grande pour m'occuper de moi et de mon bébé, je n'ai pas besoin de recevoir d'ordre venant d'un menteur comme toi, finit-elle par rétorquer, blessée.
Il fit un pas vers elle, menaçant.
- Notre bébé, rectifia-t-il avant de poursuivre. Tu te trouves assez grande pour t'occuper d'un enfant alors que toi-même tu n'es qu'une petite fille. Tu cours t'enfuir dès que les choses se corsent en faisant fi de tous ceux que tu laisses derrière toi. Alors, laisse-moi m'occuper de toi et de notre bébé parce que tu en es strictement incapable ! gronda-t-il, fou de rage.
Leurs mains tremblaient et leur souffle était court. Ils n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.
- Et qui te dit que tu es le père, cracha-t-elle, brisée par son discours.
Serait-elle une si mauvaise mère ?
- Oh je t'en prie Olivia ! Pas ça ! Pas venant de toi. Nous étions ensemble, et nous faisions l'amour une bonne partie de la nuit, le matin avant que tu partes et le soir dès que tu franchissais le palier. Tu finissais par t'endormir, le corps engourdi sur le miens. Tu n'aurais eu ni l'énergie ni le besoin d'aller voir ailleurs, répliqua-t-il, gonflé d'orgueil.
Elle était à son tour dans un état de rage tel qu'elle grinça des dents. Mais quelque chose lui fit mal au fond d'elle, il avait utilisé le passé pour parler d'eux.
Pourtant, cette peine fut enfouie dans sa colère qui l'emporta. Un peu groggy de ces souvenirs torrides, elle mordit sa lèvre pour ne pas hurler. Qu'il puisse dire qu'elle n'aurait « ni l'énergie ni le besoin d'aller voir ailleurs », sans mentionner le fait qu'elle aurait pu rester fidèle par amour, la rongea.
Peut-être n'était-il pas sûr de ce qu'elle pouvait ressentir pour lui ? Et pourtant, pourtant elle était partie, avait laissé son cœur entre ses mains et ce pour le protéger. Quelle autre preuve aurait-elle pu lui donner ?
- Tu ne crois pas t'en être persuadé ? dit-elle en le défiant d'un regard noir.
Enfiévré de fureur, Alexander la repoussa violemment contre le mur du poids de son corps.
La douleur se mêlait au dégout dans l'étang vert et troublé de son regard. Il lui était absolument insupportable de l'imaginer avec un autre. Il lui était insupportable de l'imaginer crier le nom d'un autre. Alors il frappa le mur à côté d'elle de son poing si serré que ses phalanges en étaient blanches.
- Non Olivia ! Je ne suis pas fou ! hurla-t-il à pleins poumons, je n'ai pas inventé ce qu'il y a entre nous.
Elle détourna le regard, brûlée par l'agonie qu'elle pouvait lire dans ses yeux. Il lui fallait de l'air, elle avait besoin de respirer. Elle le repoussa d'une main sur son torse, attrapa une écharpe à lui sur le porte manteau près de la porte puis claqua celle-ci.
Son poing retentit de nouveau contre le mur et enfonça légèrement le plâtre. Si elle avait tendu l'oreille, elle l'aurait entendu, mais les battements frénétiques de son cœur bourdonnaient dans ses tympans au rythme de ses pas.

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