Fuir. Un grand mot pour si peu. Fuir, à toutes jambes, courir à s'en brûler les poumons, s'enfuir plus vite et plus loin mais pour aller où ? Fuir c'est comme mentir. Tôt ou tard, ça nous rattrape. Et plus loin on se trouve, plus vite on a couru, plus les retrouvailles sont acides.

Louise Burnett ne possédait qu'un regret : ne jamais avoir pu enfanter. Son mari était mort des années de cela, et elle se retrouvait seule, sans enfant, sans petit-enfant. Seule à s'occuper de sa boutique qui sentait bon la vanille et les pâtisseries, et aussi de la jolie Olivia lorsqu'elle le permettait.
Louise s'inquiétait pour la jeune femme, appréhendant chaque jour son arrivée, espérant ne pas voir au petit matin son visage marqué par le manque de sommeil. Cela ne faisait que quelques mois, mais Louise s'était attachée à elle, n'ayant personne d'autre sur qui décharger son affection et sa gentillesse.
Et ce matin semblait être un jour avec, Olivia Eames sortie toute souriante des cuisines, de la farine sur le bout du nez et les yeux pétillants. Cette simple vision égaya la journée de la vieille femme.
- Viens-là ma chérie, lui dit-elle en époussetant son nez du bout des doigts.
Ses mains étaient douces et chaudes, un léger parfum de rose et de pot-pourri la précédait.
Olivia éprouvait quelque chose de fort pour cette femme, douce et prévenante, semblant se préoccuper d'elle comme une grand-mère. Elle était ce qui ressemblait le plus à une famille ici, loin de chez elle.
- J'ai mis au four la première fournée de scones au sirop d'érable et l'appareil à brioche au beurre salé repose.
La grand-mère sembla être frappée par une révélation en entendant parler de scones au sirop d'érable.
- Liv' ! J'avais complètement omis de te dire ! Je suis vraiment tête en l'air quand je veux ! Mais toute cette agitation, l'arrivée du printemps et les nouveaux menus... Ça m'était complètement sorti de la tête, s'exclama Louise.
- Ce n'est rien, dis-moi de quoi il s'agit.
S'asseyant toutes les deux derrière le comptoir, Olivia prit sa main entre les siennes pour la rassurer.
- Mais je crois qu'il ne l'a pas fait finalement... Puisque tu vis toujours avec cet homme. Le grand brun.
- Mais de quoi parles-tu Louise ? Oui je suis toujours avec Alexander, je ne comprends pas ce que tu essayes de me dire.
Même à ses oreilles, cela lui semblait difficile à entendre. "Je suis toujours avec Alexander." Était-ce déjà arrivé qu'elle reste avec un homme plus d'une soirée ? Pas depuis le lycée. Pas depuis Chase.
- Un jeune homme est passé il y'a de cela quelques semaines. Je n'arrive pas à me rappeler de son prénom. Il cherchait après toi.
Elle se figea. Son sourire disparu.
- Il... il m'a demandé où tu étais, et évidemment je n'ai rien voulu dire alors il m'a pris une demi-douzaine de scones à l'érable. Voilà pourquoi je m'en suis rappelée, quelle idiote !
Déglutissant péniblement, Olivia souffla avant de se concentrer sur ce qu'elle pouvait découvrir. Son sang-froid reprenait rapidement le dessus, comme à chaque fois.
- Louise, rapporte-moi le plus fidèlement possible ce dont tu te souviens de cet homme et ce que vous vous êtes dit.
La vieille femme se mit à réfléchir, ses mains tremblantes dans celles de la jolie brune.
- Eh bien, il était assez grand, ses yeux étaient vitreux mais je crois qu'ils étaient bleus et il avait des cheveux blonds qui lui retombaient sur le visage. Il m'a donné son nom mais... mais je n'arrive pas à me souvenir...
- Chase... avoua-t-elle entre ses dents serrées.
- Oui ! Ce doit être ça !
Lâchant les mains de Louise, elle prit son visage entre ses mains, fatiguée de toujours repartir à zéro, exténuée de devoir courir sans arrêt.
- Et qu'a-t-il dit ?
- Il m'a dit qu'il voulait te demander en mariage. Qu'il était très amoureux de toi et qu'il savait que toi aussi, il m'a supplié de lui donner ton adresse pour te faire une surprise en t'attendant devant...
Ceci expliquait l'effraction. Voyant la jolie brune terrifiée, Louise s'en voulu d'avoir vendu la mèche. C'est pourquoi elle poursuivit :
- Je suis désolée, je ne voulais pas te faire du tort ma petite chérie...
Cette dernière soupira avant de reprendre ses esprits grâce à sa force herculéenne. Encaisser, elle savait faire.
- Ecoute-moi bien Louise, tu vas devoir faire très attention. Cet homme est très dangereux et il me recherche. Il me veut du mal, tu ne dois pas le laisser t'approcher.
Elle plaqua sa main ridée sur sa bouche ouverte, épouvantée.
- Je dois y aller, il faut que je fasse mes valises.
Aussitôt dit, elle se leva, planta un baiser sur la joue de la vieille femme complètement perdue, et s'échappa du salon de thé sous les rayons du soleil.

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