Il n'y a rien qui nous force à vivre une vie palpitante et pourtant on aime se plier à la norme. Mais voilà, il vient un jour où l'on signe, un jour où l'on appose le point final à la dernière page de sa vie. Là, on revient en arrière à toute vitesse, on lit pour la première fois des mots que l'on a écrits il y a longtemps déjà. Et on ne voit plus les extravagances, les fantaisies et les feux d'artifice, on ne voit que les matins brumeux, les baisers volés et les sourires ensommeillés, les parfums floraux et la sensation du soleil sur la peau, celle d'une pluie chaude d'été et d'un cœur qui bat contre le sien comme pour la première fois. On ne se souvient pas de ce qui a fait de la vie une vie extraordinaire, on ne se souvient que de ce qui a fait de la vie, une vie.

Ce matin-là, Olivia fut réveillée par les coups que lui assénait son enfant. Il semblait danser au rythme d'une chanson folklorique.
La jeune femme battit des paupières pour chasser les vestiges de son sommeil. La chambre était baignée d'une douce lumière matinale, filtrée par les voilages aux fenêtres. Enceinte depuis cinq mois, elle posait l'une de ses jambes sur le flanc d'Alexander afin de positionner son ventre rond entre leurs corps. Ainsi, elle parvenait à dormir mais surtout, elle sentait qu'à deux, ils protégeaient le bébé.
Le beau brun était toujours profondément endormi, les lèvres entrouvertes d'où s'échappaient un léger sifflement régulier. Il était splendide, comme une statue représentant un dieu grecque auréolé de clarté. Quelques boucles brunes retombaient sur son front et les rayons du soleil faisaient luire ses paupières closes. Il ressemblait à un rêve assoupi.
Sans parvenir à s'en empêcher, Olivia leva la main vers son visage et dessina du bout de l'index l'arête droite de son nez volontaire. Et, comme à chaque fois qu'elle le touchait, il s'éveilla.
Sans ouvrir les yeux, Alexander passa le bras autour des épaules de la jolie brune et la pressa contre son corps encore engourdi. Elle était tendrement chaude et tout en courbes. Ses doigts pouvaient s'enfoncer dans la chaire de ses bras. Olivia devenait moelleuse, son corps entier se préparait à accueillir cet heureux événement.
L'enfant se manifesta de nouveau.
- Le bébé fait encore des siennes ? s'enquit-il sans émerger tout à fait.
Traçant du bout du doigt la ligne de ses lèvres pleines, Olivia sourit sans qu'il ne puisse le voir.
- Cet enfant est déjà turbulent. Je parie ma plus belle culotte qu'il me ressemblera plus qu'à toi.
Un sourire s'épanouit à son tour sur les lèvres fines du bel écrivain.
- S'il a un peu de chance, rétorqua-t-il.
Olivia, attendrie, planta un baiser sur sa mâchoire avant d'enfouir son visage au creux de son épaule.
- Hmm, je voudrai rester là pour toujours, geignit-elle avant de frotter son nez contre sa carotide.
- Alors reste, l'incita-t-il en faisant glisser ses larges paumes sur son corps frémissant.
Elle laissa échapper un petit rire avant de s'écarter et de se relever tant bien que mal. Prenant le temps de se couvrir de la chemise blanche qu'il portait la veille, elle se dirigea vers la cuisine en chantonnant.
Là, elle sortit de quoi préparer une compote de pommes.
Désirant profiter de cette belle journée, elle tira les lourds rideaux de velours et laissa pénétrer la lumière dans le bel espace. En chantonnant les paroles de "The Lady In Red" de Chris de Burgh, elle passa les pommes marbrées de rouges et de jaunes sous l'eau clair avant de les éplucher.
- "The lady in red is dancing with me
  Cheek to cheek
  There's nobody here
  It's just you and me..."
Olivia laissa ses hanches se balancer au rythme de la musique qu'elle chantait plus distinctement, emportée par les paroles. Elle aimait plaire, c'était une évidence, mais au fond, si Olivia Eames portait sa robe rouge c'était pour qu'un homme l'aime assez pour penser à elle comme l'on pense à cette femme dans cette chanson. Et c'est ce qui était arrivé...
À l'aide d'un couteau, elle découpa les quartiers de pommes en cubes, y ajouta une mesure d'eau pour deux mesures de sucre, un soupçon de cannelle et de sel ainsi qu'une branche de thym avant de recouvrir le tout d'un couvercle et de le faire chauffer à feu doux.
- "I've never seen you shine so bright you were amazing
   I've never seen so many people want to be there by your side
   And when you turned to me and smiled it took my breath away
   And I have never had such a feeling such a feeling
   Of complete and utter love, as I do tonight", poursuivit-elle après avoir entonné la mélodie.
Et bien qu'elle massacrait toutes les chansons qu'elle interprétait, Alexander ne fut jamais plus heureux qu'en cet instant à la voir chanter de nouveau, comme avant.
- À quoi ai-je le droit pour le petit-déjeuner ? demanda-t-il.
Olivia se retourna en haussant un sourcil. Il voyait bien qu'elle réprimait un sourire en coin, ses joues étaient roses et ses yeux brillants. Elle était d'une beauté ravageuse, comme chaque matin.
- De la compote de pomme, monsieur.
- Et c'est tout ? insista-t-il en lui laçant un regard lubrique et joueur.
- Je dois aller me préparer, je travaille aujourd'hui... Mais ce soir, ajouta-t-elle en le rejoignant derrière le comptoir, ce soir tu vas...
Elle glissa sa main sur son torse avant de ronronner à son oreille :
- Peut-être avoir droit à un steak.
Fière d'elle-même, elle partit dans un rire de gorge spontané qui emplit l'espace. La frustration d'Alexander fut rapidement éclipsée par sa joie de vivre.
- Diablesse.
- Allez mon cœur, vient prendre un bol de compote, elle sera bientôt prête, s'exclama-t-elle en le tirant par la main.

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