La foudre est un phénomène naturel qui peut se produire lorsqu'une grande quantité d'électricité statique s'est accumulée dans des zones de nuages d'orage. Les cumulonimbus se chargent d'une tension concentrée et frappent la terre d'un éclair qui zèbre le ciel en un déchirement atroce. Alexander, qui s'était rattrapé au chambranle de la porte pour ne pas tomber à genoux, ressenti à peu de chose près la même sensation le traverser. C'était comme si Zeus lui-même l'avait pris pour cible à l'instant où il avait posé les yeux sur elle.


              L'eau chaude perlait sur son corps comme si sa peau avait été exposée à la rosée fraîche de l'aube. Les courbes de son corps avaient été créées pour attirer l'œil, elle semblait céleste et légère. La plus belle création de Dieu, et si Aphrodite ressemblait au commun des mortels, elle aurait été la même qu'une Olivia sous la douche.
             Ses rondeurs offraient un relief, des concaves et des convexes à l'infini où l'eau glissait, léchant sa peau laiteuse. Sa chevelure bouclée se déversait entre ses omoplates saillantes parsemées de quelques grains de beautés. Les gouttes roulaient sur ses reins creux puis finissaient en larmes, dévalant le galbe de ses fesses généreuses.
             Elle chantait. Elle chantait à tue-tête, balançant ses hanches de droite à gauche, tendant et détendant ses jambes fuselées. Alexander avait pu l'imaginer des jours et des nuits entiers, jamais il n'aurait pu croire à un tel spectacle. Rien ne lui avait jamais paru si beau de sa vie.
              Le carrelage sombre avait la modestie de laisser sa silhouette se détacher, révélant, comme un écrin, toute sa splendeur. D'une main rougie par la chaleur du cabinet de toilette, Olivia éteignit l'eau en essorant sa longue chevelure indisciplinée.
            Alexander reprit ses esprits, du moins il s'en persuada, s'éloigna et s'installa sur le lit, n'ayant pas suffisamment confiance en ses jambes pour le porter jusqu'au salon. Il ne put s'empêcher de l'écouter fredonner en fermant les yeux. La foudre l'avait frappé de nouveau, pire encore que la première fois et les dégâts étaient plus importants, les séquelles plus profondes. Le coup de foudre n'a jamais été une légende, mais y croire semblait trop dangereux puisque ce n'était en rien un cadeau mais plutôt le plus mortel des fardeaux.
            En apercevant la pile de linge propre qui gisait sur le carrelage près de la porte, Olivia se demanda si Alexander l'avait vu, nue. Elle laissa de côté le pantalon de pyjama trop large, enfilant seulement le boxer, lui aussi, trop ample. Du bout des doigts elle en retroussa la ceinture ce qui le fit tenir sur ses hanches pleines puis, impatiente, elle s'empara du t-shirt. L'odeur qui en émanait était un mélange de musc noir et de bois fumé imprégné dans un parfum plus masculin et corporel. Authentique et viril, parfaitement à son image. Elle porta le léger tissu à son nez pour en humer les effluves.
            Alexander se demanda ce qu'elle pouvait bien faire puisqu'elle s'était tue depuis quelques longues minutes. Mais elle reprit le court de son fredonnement, plus lentement cependant. Elle enfila le t-shirt qui lui tombait sur les cuisses et laissa ses cheveux sécher à l'air libre.
            Jetant un dernier regard à son reflet dans le miroir, elle soupira puis mit de coter tout ce qui tombait en ruine dans sa vie, pinça ses joues pour se donner bonne mine et tenta un petit sourire. À trop se regarder, elle se trouva angoissée alors elle leva les yeux aux ciels en sortant de la salle de bain embuée.
             Alexander n'avait pas bougé, adossé à la tête de lit et Olivia sursauta en l'apercevant. Ses cheveux se soulevèrent et retombèrent, trempés sur sa poitrine que dissimulait son t-shirt. Il cachait le boxer sur ses jambes et Alexander fut tenté de vérifier si elle portait quelque chose. Elle lui adressa un sourire en coinçant une de ses mèches derrière son oreille :
- Merci, pour la douche... et les affaires.
           Il fronça les sourcils en jurant que ce n'était rien et se força à la regarder dans le fond des yeux puisqu'en repoussant ses mèches humides, elle avait découvert sa poitrine dont les tétons dressés pointaient sous son t-shirt, stimulés par l'humidité.
            Toute cette comédie relevait de l'absurde, rien ne l'empêchait de traverser la pièce en quelques enjambées et de sentir poindre ses seins contre ses pouces. Pourtant, il ne pouvait s'y résoudre. Il savait qu'elle allait mal, il l'avait vu dans son regard et dans son sourire brisé dès l'instant où elle avait passé la porte. De plus, Alexander savait qu'Olivia lui cachait des choses. "Chaque chose en son temps Alex, se dit-il, si tu fais les choses bien, alors elle sera à toi pour la vie."
- Tu as faim ? s'enquit-elle en reprenant contenance. Parce que je peux préparer le diner.
          Il y avait quelque chose dans son regard qui l'étudiait, comme si elle avait été le sujet de toute une vie.
- Il est près de minuit Olivia, précisa-t-il, un sourire ironique s'épanouissant sur ses lèvres.
- Et alors ? Il est toujours l'heure de manger ... 
          Elle s'empressa de rejoindre la cuisine d'un noir d'encre, évidemment, suivie de près par Alexander qui était trop heureux de voir à quel point elle était vivante. En se tenant une hanche, elle scruta attentivement le réfrigérateur et y attrapa quelques escalopes de poulet puis elle se retourna en plissant les yeux.
- Tu as des pâtes ?
- Oui, répondit-il en se levant de son tabouret pour attraper un paquet de Tortiglioni.
- Bien, va t'asseoir, je cuisine ! s'exclama-t-elle en ouvrant de nouveau le réfrigérateur.
         Olivia en extirpa un paquet de parmesan, une boite de crème fraîche et une plaquette de beurre déjà entamée.
- Tu n'as pas beaucoup de légumes dis-moi, se moqua-t-elle.
- Je ne suis pas un cordon bleu, répliqua-t-il en reprenant place derrière le comptoir de l'îlot central.
          Elle ouvrit prestement l'un des placards et hurla :
- Ah ah ! J'étais sûre que les casseroles seraient là !
         Alexander ne put s'empêcher de sourire en la voyant s'agiter dans tous les sens. Mais il se maudit de lui avoir donner un t-shirt si grand qui noyait ses formes. Que n'aurait-il pas donner pour se glisser derrière elle, enfouissant son visage dans le creux de son cou, remontant fébrilement ses mains sur sa peau brûlante et plaquant contre ses reins l'évidence de la profondeur de son désir ? Mais il resta là, à l'écouter rire.
- Merde... laissa-t-elle échapper en voyant que les spatules en bois ne se trouvaient pas dans ce tiroir. Ne me dis rien, je vais trouver !
         Il ne put réprimer un nouveau sourire en la voyant bondir de joie en découvrant le bon tiroir à la seconde tentative. "Elle est à sa place, ici, chez moi, près de moi."
- Tu n'as pas froid aux yeux. Cuisiner des pâtes à un Italien, c'est dangereux, la taquina-t-il.
         Piquée, elle se retourna en le défiant du regard.
- Je savais bien que tu n'étais pas anglais !
- Je le suis, mon grand-père paternel était anglais, mentit-il.
         Il s'agissait de son grand-père maternel mais peu importait, il devait justifier le nom de famille qu'il lui avait fourni.
- Le reste de ta famille est donc italienne... ronronna-t-elle.
         Elle s'y attarda un moment avant de reprendre le court de leur conversation :
- J'aime le risque. Et puis, c'est pas comme si je faisais à diner pour un chef étoilé, tu ne sais pas cuisiner alors ce sera toujours meilleur que ce que tu aurais pu te préparer ce soir.
         Il se mit à rire alors qu'elle lui décocha un clin d'œil.
- Cette nuit, corrigea-t-il.
- Tu n'as pas faim ? lui demanda-t-elle.
- Je suis affamé, la rassura-t-il en fronçant les sourcils d'un air solennel.
         Son regard lui disait tout autre chose et elle lui sourit en se rattrapant au plan de travail. Une bonne odeur d'ail et de crème envahit l'espace.
- En tout cas, je te remercie de bien vouloir m'héberger cette nuit, dit-elle en s'affairant à faire dorer les blancs de poulet. Je ne sais pas ce que j'aurai fait sans toi.
            Alexander ne défronça pas les sourcils en jetant un regard à son sac à main qu'elle avait posé sur le tabouret adjacent. Un simple coup d'œil lui permit de voir que chacune des trois clés accrochées à leur trousseau métallique était en parfait état.
- Ce n'est rien, tu as eu un problème de clé c'est ça ? s'enquit-il.
- C'est ça.
- Pourquoi ne pas avoir demander un double aux voisins ?
- À vrai dire, j'ai brisé la clé dans la serrure, j'étais coincée.
           Il opina du chef comme si elle pouvait le voir, pourquoi lui mentait-elle ?
- Je vois.
           Un silence confortable s'installa entre eux, comblé par le frétillement de l'eau qui bouillait.
- C'est prêt ! déclara-t-elle un instant plus tard. Quand tu auras gouter à ça, on verra qui de nous deux est Italien Mr. Ace !
          Alexander porta sa fourchette pleine de pâtes à la crème et au parmesan, surmonté d'un petit morceau de poulet, à sa bouche. C'était très savoureux, il ne pouvait le nier.
- Alors ? lui demanda-t-elle les yeux gorgés d'espoir et de malice.
          Avec un sourire de défaite il admit :
- C'est délicieux.
- Evidemment que ça l'est ! Comment as-tu pu douter de moi ? s'indigna-t-elle en dissimulant un sourire.
- Je n'ai jamais douté de toi, jura-t-il.
          Elle se laissa aller à le regarder un instant puis ils poursuivirent le dîner sur un ton badin. Tout ceci semblait si naturel qu'Alexander se dit que plus jamais il ne se contenterait d'autre chose. Ce serait elle ou rien.

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