Au fond, dans une histoire d'horreur, ce n'est jamais vraiment le monstre qui nous fait peur. C'est lorsque, tapis dans l'ombre, il nous guette, lorsqu'en en silence, il nous observe, lorsque, les dents ensanglantées et les babines alléchées, il nous surveille. En effet, la vraie peur réside davantage dans l'attente de la mort, cet instant où la musique ralentit, que dans la mort elle-même. C'est là que le cœur bat à tout rompre, si fort qu'il résonne dans nos tympans et dans les murs. La mort nous a alors déjà saisit puisque nous préférerions mourir que de faire face à ce qui pourrait suivre. La peur c'est ça, avoir plus peur de vivre que de mourir.

                   L'adrénaline se fraya un chemin dans ses veines à la vitesse de son uppercut s'abattant contre la maigre mâchoire de Chase. Le claquement de ses os retentit comme un coup de feu. Alexander ne pouvait contenir sa rage. Soumis à ses coups de sang latins, sentiment accru par la vision de son Olivia au sol les mains crispées autour de leur enfant, il ne parvenait plus à penser. Il n'avait jamais ressenti une haine semblable. Il voulait le tuer.
                  Chase recula, secoué par le coup foudroyant qu'il tentait d'absorber. Et, tout de suite, il répliqua, mais sa vaine colère et soif de vengeance n'étaient rien face à la fureur qui aveuglait un père et un amant. Alexander ne lui laissa pas de terrain, encaissant coups après coups sans ciller. Pourtant, son palpitant ne parvenait pas à s'apaiser.
                  Olivia était toujours avachie, inconsciente. Cette vision lui déchirait le cœur plus douloureusement que les plaies et les ecchymoses qui apparaissaient partout sur son corps.
                  Alexander prit un peu d'élan, profitant du fait que Chase se baisse afin d'apaiser le coup à la glotte qu'il lui avait asséné, pour l'entraîner à terre d'un coup de pied violent. Son crâne heurta le bitume dans un craquement intense. Mais Chase qui était aussi coriace que de la mauvaise herbe releva les yeux vers lui en lui souriant, les dents maculées de sang.
- Je ne fais généralement pas le sale boulot moi-même, j'ai du personnel pour ça. Mais Olivia était toute particulière à mon cœur. Alors, gagne du temps si ça peut te faire du bien, mais elle est condamnée, elle va devoir payer. Tôt ou tard, déclara-t-il sans détourner les yeux, sans se défaire de son sourire.
                 Alexander se précipita auprès de sa bienaimée à l'instant où Chase semblait trop sonné pour poursuivre sa tirade.
                Sentir le corps lourd de sa femme contre lui ne lui apporta pas autant de plaisir que d'ordinaire, lorsqu'elle était assoupie à ses côtés. Elle ne semblait pas vouloir se réveiller, happée par un sommeil dangereux que lui avait imposé Chase.
                  Il la porta jusque chez eux comme une poupée de chiffon, la serrant contre son cœur battant et fou d'inquiétude quant à l'état de santé de sa famille. Olivia Eames était le sang qui parcourait ses veines, l'air qui gonflait ses poumons, elle était l'étincelle de son avenir, son souffle de vie. Sans elle, il n'aurait plus foi en rien, la vie n'aurait plus rien à lui offrir.
                La couchant le plus délicatement possible, Alexander repoussa de son visage congestionné les quelques boucles brunes qui la dissimulait. Elle semblait souffrir ce qui le remua, jusqu'au tréfond de ses entrailles. Il aurait tout donné, absolument tout ce qu'il possédait pour pouvoir prendre de sa douleur, pour pouvoir supporter tout ce qui pouvait lui faire du mal.
                  Rien ne l'aurait empêché de se tuer, plutôt que de la voir souffrir. Voilà jusqu'où aller sa folie, c'est jusque-là qu'allait son amour.
- Olivia ? Liv' ? Tu m'entends ? murmura-t-il près de son visage.
                 Et lorsque ses paupières se mirent à frémir pour dévoiler à son regard inquiet des iris aux pupilles dilatées, son cœur rata un battement et il se senti reprendre vie.
                  Lorsqu'elle respirait, il respirait, lorsqu'elle souriait, il souriait, lorsqu'elle vivait, alors seulement il vivait.

- Qu'est-ce qu'on va faire ? s'enquit-elle, assise en tailleur sur le tapis.
               Ses cheveux étaient relevés en un vague chignon et son corps, enveloppé dans un plaid. Elle semblait fragile, à deux doigts de se briser bien qu'elle tentait de se contenir et de reprendre consistance.
- Je ne sais pas, souffla Alexander.
                Celui-ci se releva et fit les cents pas tout en passant distraitement sa main à la chair meurtrie dans sa chevelure sombre.
- Je n'en sais foutre rien, gronda-t-il de nouveau. Putain.
              Victime d'un accès de rage, il balança la lampe contre le mur qui se brisa en grand fracas.
- Ne t'énerves pas, ça ne nous aidera pas.
- Je sais, mais j'ai peur de te perdre, tu comprends ça ?! s'emporta-t-il de nouveau.
             Olivia le rejoignit et posa son doux visage contre sa poitrine. Elle avait peur, peut-être même plus que lui, mais elle savait rester forte et stoïque, il fallait bien que l'un d'entre eux reste lucide.
              Alexander se glissa sur ses genoux et enlaça ses jambes en tremblant. Il était bouleversé. Alors elle tenta de le calmer en caressant ses cheveux soyeux avant de le rejoindre au sol.
- Eh, qu'est-ce qui t'arrives ?
                   Elle n'avait pas l'habitude de le voir si vulnérable, si sensible à ses émotions, lui qui gardait son sang-froid en toutes circonstances.
- Tu ne sais pas ce que ça m'a fait de te voir par terre inanimée.
- Eh, eh, je vais bien Alex, je t'assure, nous allons bien, promit-elle en frictionnant son ventre rond.
- Je sais, assura-t-il en la serrant contre lui, mais j'ai beaucoup de mal à le supporter.
- Et pourtant, il va falloir que l'on trouve une solution. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne franchisse cette porte et s'en prenne de nouveau à moi, ou pire, à toi.
                  Alexander soupira en s'adossant au canapé :
- Qu'elles sont nos options ?
- Eh bien, sachant que je lui dois toujours une somme astronomique et que je suis en cavale depuis des années, si l'on rajoute à cela quelques infractions, je ne peux décemment rien espérer de la police.
- Pourquoi ne pas le rembourser ? Je suis prêt à lui donner toutes mes économies s'il le faut.
                  Accablée, elle reposa sa tête contre l'épaule du beau brun. Si elle l'avait rencontré plus tôt, cela aurait suffi. Mais ce n'était plus le cas. Tragiquement.
- Il m'a clairement fait comprendre que l'argent ne l'intéressait plus, il demande réparation, il a soif de vengeance.
- Et qu'est-ce qu'il veut ? demanda Alexander sans trop savoir s'il désirait une réponse à cette question.
                  Au fond, il savait.
- Prendre ce que j'ai de plus cher à mes yeux.
                 Soucieux de son état d'anxiété qui était nocif pour l'enfant, Alexander passa tendrement sa large paume sur ses cheveux pour l'apaiser.
- Toi, ajouta-t-elle en soupirant de douleur rien qu'à l'idée que l'on puisse le lui prendre.
                  Mais Alexander n'avait pas peur, étrangement, il se sentit soulagé. Tant qu'il ne s'en prenait pas à elle, alors tout irait bien.
- Si c'était moi qu'il voulait, pourquoi s'en être pris à toi ?
- Je ne sais pas, il s'est peut-être servi de moi pour t'attirer à lui. Chase n'a pas beaucoup d'allure mais il ne faut pas le sous-estimer. C'est un fin stratège. Il ne fait rien vainement. Je me suis toujours sentie maligne à pouvoir lui échapper et pourtant, je ne jouais que selon ses règles. Il aurait pu me rattraper depuis le début, je m'en rends compte aujourd'hui. Pourtant il a choisi de me laisser courir pour rendre sa quête plus excitante, sa chasse plus stimulante. Cela lui a permis d'entretenir une haine profonde et une soif de vengeance incommensurable. Et moi je n'ai fait que lui obéir depuis l'instant où je me suis mise à fuir.
                    Le bel écrivain la serra un peu plus contre son cœur.
                    Comment pouvait-elle encore rester debout après tant d'épreuves ? Il savourait sa chance qu'elle soit parvenue à lui accorder sa confiance après ça, après Chase.

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