Le désir est un sentiment corrosif. Il dévore tout ce qu'il touche si bien que plus rien d'autre n'existe. Et c'est lorsqu'il fond sur le bout de la langue qu'on peut contempler nos erreurs et voir que désormais, il est trop tard pour aimer.

Olivia Eames n'avait jamais connu ça. Elle avait connu l'amour, elle avait connu la passion, elle avait connu le désir mais ça n'était rien comparé à celui-ci, corrosif et qui dévorait ses nuits et hantait ses rêves.
Elle ne pouvait pas dormir, assise sur le parquet à regarder sans cesse ce vase entouré de pétales secs qui auréolaient les vestiges de ce qu'avaient été de si jolies fleurs. Elle pouvait se répéter qu'elle n'appartenait à personne, elle pouvait se faire croire que sa vie n'était pas en train de basculer, cela ne changerait pas le fait que ses envies la tenaient éveillée si tard, le soir.
Elle ne cessait de se demander ce qu'il se serait passé s'il était monté. Que ce serait-il passé s'il l'avait suivi ? Où seraient-ils ? Où le sentirait-elle ?
Elle ferma les yeux en faisant reposer son crâne contre le mur frais.
- Liv'. Reprends-toi, s'exhorta-t-elle.
Alors elle se leva en éteignant la lumière puis rejoignit son lit. Les draps avaient été changés et quelques bougies avaient été installées au cas où il l'aurait faite sienne. Mais il était loin, Dieu seul savait où il se trouvait.
Pensait-il à elle, allongé en regardant son plafond ? Imaginait-il sa langue tracer les courbes de son corps ? Sentait-il le désir l'embraser comme un soleil qu'il aurait allumé au creux d'elle ? Sentait-il son propre désir poindre et se dresser si fort contre sa volonté qu'il allait jusqu'à lui faire mal ?
Olivia soupira en pressant le second oreiller sur son visage. Si elle avait pu elle aurait crié à s'en faire saigner les cordes vocales.
       VOUS DORMEZ ?
Elle se précipita sur son téléphone en apercevant la lumière se répandre dans la pièce plongée dans l'obscurité. Son cœur fit un bond.
       JE N'Y ARRIVE PAS.
En attendant sa réponse, elle se mordit la langue et les lèvres. Son besoin de lui la déroutait.
       DE TOUTE ÉVIDENCE, MOI NON PLUS.
Elle sourit de toutes ses dents.
       TUTOIES-MOI, ALEXANDER.
Elle en voulait plus, plus d'intimité.
Sa réponse se fit attendre alors elle s'installa dans l'encadrement de la fenêtre, là où elle pouvait sentir la fraîcheur de la nuit. Il n'y avait pas un chat dans les rues et en s'approchant trop près, Olivia créa de la buée sur le verre qu'elle essuya du revers de la manche.
        POURQUOI NE DORS-TU PAS ?
Elle imaginait parfaitement son regard perçant la nuit éclairée par l'écran de son téléphone. Elle imaginait la malice qu'elle y voyait et ses lèvres se retrousser imperceptiblement lorsqu'elle se moquait de lui. Son visage angulaire devait être encore plus beau sous les rayons de la lune.
        JE PENSE À TOI.
Cette fois, il répondit instantanément.
        DIS-MOI À QUOI TU PENSES.
Alexander espérait que ce qui la tenait éveillée était ce qui le tenait éveillé.
Avait-elle chaud en imaginant ses mains sur son corps ?
Il pouvait parfaitement l'imaginer, les paupières mi-closes et la bouche entrouverte. Son semi de tâches de rousseurs rosirait sous son corps.
        JE NE RÉVÈLE PAS MES SECRETS.
Voilà la meilleure façon de sous-entendre que ce à quoi elle pensait n'était pas assez convenable pour être dit. Alexander entendit l'implicite de sa réponse et se détesta de ne pas l'avoir suivi dans son appartement. Dieu seul savait ce qu'il serait en train de faire à cet instant s'il l'avait fait.
        SAUF SI JE SUIS TON SECRET.
Elle ne put s'empêcher de sourire. L'était-il ? Il serait pourtant dommage d'avoir pour secret un homme si séduisant. Il n'était pas son secret, il était son péché, son obsession.
        TU AIMERAIS ?
Il aurait aimé être n'importe quoi tant que cela lui permettait de la faire sienne.
        SI C'EST L'UNIQUE CONDITION POUR TE TENIR ÉVEILLÉE ALORS J'EN MEURE D'ENVIE.
Olivia soupira en se relevant, ne tenant plus en place. Son désir pour lui la consumait et elle aurait tout donné pour soupirer dans ses bras.
        J'AIME TA FAÇON DE PARLER.
"Et beaucoup d'autres choses aussi..."
        OLIVIA, TU FERAIS MIEUX DE DORMIR AVANT QUE JE NE DISE QUELQUE CHOSE DE MOINS POÉTIQUE.
Pourquoi ne pouvaient-ils pas seulement se dire ce qu'ils ressentaient ? Pourquoi ne laissaient-ils pas leur désir parler ? Peut-être qu'au fond ils aimaient la brûlure du désir. Peut-être qu'ils avaient peur qu'une fois avoir goûté à la passion, ils ne ressentiraient plus jamais cette tension.
          SINON QUOI ? 
Alexander bouillait de l'intérieur, son cœur à fleur de peau avait envie de hurler. Il visualisait parfaitement le regard défiant d'Olivia et sa lèvre coincée entre ses dents.
          SINON JE NE POURRAI PAS M'ARRÊTER.
          ALORS NE T'ARRÊTES PAS.
Elle était haletante devant l'écran de son téléphone. Il aurait tant voulu l'entendre dire exactement cela entre deux gémissements.
          JE T'EN PRIE, NE ME POUSSE PAS À BOUT.
Il était sérieux, il savait où elle habitait et serait venu à l'instant pour goûter son impatience.
          BIEN, ALORS BONNE NUIT ALEXANDER.
Il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui obéisse, qu'elle puisse abandonner si facilement. La tension était trop montée en lui, il devait trouver un moyen de l'évacuer.
BONNE NUIT, OLIVIA.
Il le tapa de ses doigts tremblants.
Quant à elle s'endormit, le téléphone contre son cœur tandis qu'il s'installa derrière son bureau, sorti le manuscrit de son tiroir fermé à clé, attrapa sa plume et noircit quelques dizaines de pages. Les mots étaient directement dictés par les yeux de celle qu'il voyait à chaque fois qu'il fermait les siens. C'était magique.


WINDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant