Que fait de nous des Hommes ? Que fait d'un Homme, un homme ? L'argent ? Le pouvoir ? Le succès ? L'amour ? Les réponses sont variées et diverges selon les cultures et les individus, cependant, lorsque l'on rencontre un homme qui aime sincèrement, on comprend qu'il est né pour ça. Puisqu'il n'y a rien de plus vrai, puisqu'il n'y a rien de plus pur qu'un homme qui aime de son corps, de son âme, de sa vie.

Les matinées s'étaient plus ou moins ressemblées depuis qu'elle était partie. À vrai dire, les jours s'étaient suivis sans qu'Alexander n'ait vraiment pu tenir compte de la valeur du temps, tant les nuits et les journées se confondaient.
Alors, ce jour-là, lorsque la lumière vive de ce début d'après-midi vint effleurer ses paupières, il se réveilla en sursaut. Il n'était plus vraiment habitué à voir le soleil ou simplement la clarté. Ça non, la vie n'avait été qu'obscurité, le soleil s'était couché sans se relever, la nuit s'était étirée à l'infinie.
En balayant la chambre d'un regard, Alexander ne trouva rien, personne. Olivia n'était nulle part.
Il se leva d'un mouvement leste et paniqué. Avait-il rêvé cette nuit ? Nu comme Adam, il se dirigea vers la cuisine mais n'y trouva personne, dans le bureau, pas un signe de la jolie brune, de même dans la salle de bain.
Terrorisé, Alexander se laissa glisser sur le parquet en emportant dans son sillage le drap de soie. Les deux oreillers tombèrent avec lui et, comme dans un espoir, une vague odeur de jasmin les suivis.
Presque aussitôt, Alexander en porta un à son nez pour en dégager tous les effluves. C'était elle, il le savait, il ne l'avait pas rêvé. Il en était sûr car, dès lors qu'elle s'était enfuie, son parfum s'était peu à peu évaporé et il ne lui restait plus rien d'elle mis à part quelques souvenirs et quelques sourires. Mais cette fois, elle était de retour et elle resterait. Pour toujours.

Sous une douche brûlante, Alexander regarda l'eau s'écouler à ses pieds en sentant, peu à peu, l'angoisse reprendre possession de lui. Il ne pouvait pas vivre ça tous les jours, se réveiller en se demandant où elle pouvait être. Ou même lorsqu'elle hurlait dans ses bras, sentir la peur qu'à tout moment elle pouvait lui être arrachée.
Elle était toute sa vie et sans elle, il préférait ne pas vivre du tout. Ce qui le terrifiait. Jamais, il n'avait eu affaire à ce genre de sentiments, le genre qui dévore l'âme et le cœur, qui ne laisse aucun choix mise à part celui d'aimer et de rester, puisque, de toutes façons, plus rien d'autre n'avait de sens.
Il passa distraitement une main dans ses cheveux mouillés et sorti de la cabine embuée. Face au miroir, il se rendit compte que ses cernes qui ressemblaient à des ecchymoses s'estompaient.
"Une nuit avec elle et je reprends vie, quel genre d'amour c'est ? ", se demanda-t-il.
Alexander se rasa de près, pour lui plaire, mais la couleur si brune de ses poils, même rasés, ombrageaient les lignes de ses mâchoires. Il était beau, d'une beauté inconsciente et naturelle, époustouflante. Il ne le voyait pas, elle si.

Les clochettes se mirent à tinter et il pénétra dans le salon qui l'avait tant de fois accueillie. Louise était assise derrière le comptoir et arrangeait un bouquet de Dahlias orangés dans un élégant vase en céramique.
Aucune trace d'Olivia. La vieille femme leva les yeux vers lui en souriant. Mais Alexander n'y attacha pas beaucoup d'importance et trouva rapidement son chemin vers les cuisines. Il ne pouvait s'en empêcher, il s'inquiétait.
Son cœur rata un battement lorsqu'il l'aperçu, des écouteurs dans les oreilles, une queue de cheval qui laissait échapper de jolies boucles naturelles et la jolie fille qui se dandinait au rythme de la musique.
"Elle danse", souligna-t-il, "elle est heureuse."
Du revers de la main, elle essuya son front puis posa, par-dessus son tablier, une main sur son ventre renflé.
Hypnotisé par ce tableau, Alexander se coula dans son dos et l'enveloppa de la chaleur de ses bras. Il lui vola un baiser.
- Ça c'est une surprise, ronronna-t-elle en fermant les paupières.
Il posa à son tour ses mains sur son bas-ventre en l'embrassant dans le cou.
- Tu m'as manqué ce matin, murmura-t-il.
Et elle sourit de plus belle. Puis elle essuya ses mains enfarinées sur son tablier et éteignit son téléphone qui coupa la musique.
- Qu'est-ce que tu pouvais bien écouter pour te trémousser ainsi ? s'enquit-il d'un air à la fois moqueur et tendre.
- Aretha, Natural Woman. C'est la chanson préférée de ma mère.
- Dans ce cas, je crois que je vais aller acheter toute sa discographie, plaisanta-t-il en espérant revoir cet incroyable sourire sur ses lèvres.
Ce qui ne manqua pas d'arriver.
- Laisse-moi enfourner ça et je prends ma pause, lui dit-elle tout en le poussant sur le tabouret près de la porte.
Et en caressant le bois, il se souvint qu'il l'avait trouvé là, juste à cet endroit, sanglotant après un coup de fil qui lui avait donné le mal du pays. Aujourd'hui il savait quelle était la vérité. Elle était terrifiée.
Le fait qu'il lui avait fait l'amour au petit matin ne l'empêcha pas de suivre chacun de ses mouvements avec intérêt. La façon dont ses cheveux bougeaient lorsqu'elle tournait la tête, la façon dont ses mains pétrissaient l'appareil à pain. Sa jupe noire était toujours aussi courte, et lorsqu'elle se baissait pour ouvrir le four le plus bas, Alexander aperçu la dentelle de ses bas qui mordaient sa peau.
Son corps tout entier répondit à cette allégorie de la sensualité.
- Tu as écrit ce matin ? s'enquit-elle en programmant le thermostat.
Fasciné par la vision de son porte-jarretelles, il prit quelques secondes avant de répondre.
- Non. Je suis venu dès que je me suis réveillé.
Olivia ne savait pas si elle devait sourire ou pleurer à cet aveu. Il était inquiet pour elle et c'était sa faute. Elle l'avait brisé et pourtant il était toujours là, à l'aimer comme il n'était pas permis.
- Je t'aime, lui dit-elle sans se retourner.
Alexander fut tiré de ses fantasmes par ces trois mots qu'il ne se lassait plus d'entendre.
- Tu sais que je t'aime, n'est-ce pas? répéta-t-elle tout en portant le saladier dans le large évier.
Voyant qu'elle n'osait pas le regarder, il se leva, la retrouva en quelques enjambées et emprisonna son menton entre son pouce et son index. Ses yeux trouvèrent instantanément les siens.
- Olivia Eames, même si tu ne m'aimais pas, jamais je ne cesserai de t'aimer. C'est la seule chose sur laquelle tu ne peux pas avoir de doute.
- Ce n'était pas ma question.
- Je sais que tu m'aimes, mentit-il un peu.
Elle lui sourit de travers et soupira. Attristé, il la serra contre son cœur et planta un chaste baiser sur le sommet de son crâne. Elle sentait si bon.
- Bon, allons prendre un verre, finit-il par dire.

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