𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚞𝚗

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Chapitre un.

— Ah, mais voilà notre tapette préférée !

— Pourquoi il regarde par terre ? Fais pas ton timide Midoriya, ce qu'on va te faire ne va pas changer de d'habitude !

— Vous croyez pas que vous allez un peu trop loin ?

— T'es trop gentil Kirishima.

Midoriya se contenta de les esquiver en baissant les yeux. Il ne se rappelait même plus depuis quand il avait pris l'habitude d'être ainsi traité, insulté, rabaissé. La bande qui se faisait appeler la Bakusquad, en rapport avec le nom de leur chef qui les menait à la baguette, prenait un malin plaisir à le harceler depuis plusieurs années.

Le temps avait beau passer, les insultes et les menaces avaient beau devenir redondantes, les coups avaient beau être les mêmes, Midoriya n'arrivait pas à s'empêcher d'avoir peur. Chaque fois qu'il les apercevait ou qu'il entendait au loin leurs voix railleuses, une boule se formait au creux de son estomac. Soit il se figeait sur place, soit il se mettait à trembler de tout son long, et souvent, c'était les deux en même temps.

Ça ne manquait jamais d'amuser la bande qui en profitait pour se moquer de lui, pour le dénigrer juste pour voir si les tremblements qui le secouaient pouvait s'accentuer. Il aurait aimé devenir quelqu'un d'insensible pour ne plus rien ressentir. Peut-être qu'ainsi, ils auraient fini par se lasser, s'ils s'apercevaient qu'il ne réagissait plus. Malheureusement, la douleur, il la ressentait tous les jours, et son intensité ne baissait pas, au contraire.

Midoriya partit s'asseoir au fond de la classe, et se mordit la lèvre en faisant tomber sa trousse qu'il venait tout juste de sortir. Il s'en voulait d'être aussi faible, de ne pas pouvoir rendre les coups ou les insultes. Il rêvait d'être fort, et ce depuis toujours. Un peu comme Bakugou, qu'il n'avait jamais cessé d'admirer malgré tout ce qu'il lui avait fait endurer au fil de ces dernières années.

Le bras toujours secoué par des spasmes irréguliers, il ramassa sa trousse et mit sa tête entre ses bras. Ça lui donnait l'air d'un adolescent fatigué qui se fichait des cours, mais en réalité, s'il avait pris l'habitude de cacher son visage dans ses bras, c'était pour ne pas croiser le regard des autres.

Il avait beau essayer, se forcer à maintenir un contact visuel, il n'y arrivait pas. Ou du moins, il n'y arrivait plus. Il baissait toujours les yeux, qu'importe son interlocuteur, et ce depuis la première raclée que lui avait mise Bakugou. Il s'était senti tellement misérable, tellement pathétique, qu'il n'avait plus jamais osé regarder quelqu'un en face, de peur que l'on décèle sa faiblesse dans ses iris tremblantes. Alors non, il n'était pas fatigué — pas plus que d'habitude. Il avait juste la peur dans la peau, la crainte dans le regard, et la faiblesse dans le cœur.

Il se raidit en entendant la voix des nouveaux arrivants dans la classe. Ces voix, leurs voix, il avait appris à les identifier sans avoir besoin de relever la tête. La Bakusquad n'était pas réunie au complet, ses cinq tortionnaires étaient séparés dans d'autres classes. Mais le destin avait fait qu'il avait quand même hérité de deux de ses harceleurs, à savoir Bakugou et Kaminari.

Pour lui, Kaminari était le plus gros problème. Bakugou ne lui accordait pas la moindre attention jusqu'à la fin des cours, il lui fichait la paix jusqu'à la dernière sonnerie. Ce qui se passait après était une autre histoire, mais au moins, il ne le dérangeait pas pendant qu'il étudiait.

En revanche, Kaminari n'était pas aussi « complaisant » que son chef. Il ne se gênait pas pour lui balancer des boules de papier en plein cours, avec des mots agréables marqués dessus, tels « looser », « mauviette », « tafiole » ou encore « petite merde », ça dépendait des jours et de ses humeurs. Il lui arrivait aussi de lui exprimer sa haine en faisant des phrases, mais c'était plus rare.

Mains dans les poches, Bakugou rejoignit sa place juste devant Midoriya. L'air complètement blasé, il pencha sa chaise en arrière et mit ses pieds sur la table, son grand classique. Midoriya avait remercié son prof, ce jour-là, pour avoir mis Bakugou devant lui et non Kaminari. Il aurait eu bien plus d'ennuis s'il avait été à portée de main du plus électrique de la bande. Hormis ses ronflements qui pouvait parfois entraver sa compréhension d'une leçon, Bakugou ne le dérangeait pas.

Cependant, Kaminari avait beau être à l'autre bout de la classe, la distance ne l'empêchait pas de l'atteindre. Midoriya releva la tête en sentant un projectile atterrir dans ses cheveux. Il déplia la boule de papier qu'il avait pris l'habitude de recevoir à chaque début de cours. « T'es mort » lut-il. Ah, il avait fait l'effort d'écrire une phrase complète, pour une fois. Une phrase pas très élaborée, certes, mais il ne fallait pas trop en demander à cet analphabète. Midoriya chiffonna la boule et la mit dans sa poche en attendant de pouvoir la jeter. Il n'osa pas relever la tête, sachant que Kaminari le regardait.

Une fois, il avait eu le malheur de ne pas lire un des mots qu'il lui avait envoyé. C'était toujours les mêmes insultes, de toute façon. Et pourtant, à chaque fois qu'il les relisait, qu'il y repensait, il se brisait un peu plus. Lorsqu'il avait décidé de se rebeller un peu et de ne pas prendre la peine de lire ce qui était écrit sur cette feuille à carreaux flétrie, Kaminari lui avait fait payer le prix cher à la sortie des cours.

Il s'en était pris plein les côtes, ce jour-là. Il lui avait dit que ça lui prenait du temps de trouver ces insultes, alors il fallait prendre le temps de bien les lire pour les imprimer dans sa tête. Midoriya aurait ri si son pied ne s'était pas à nouveau cogné contre son torse.

Il replongea sa tête entre ses bras. Il ne le voyait pas, mais il aurait pu mettre sa main à couper que Kaminari lui faisait un signe depuis sa place. Qu'il passait son pouce sur sa gorge, comme une menace silencieuse.

Quand les faibles deviennent les fortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant