Chapitre trois.
Ils venaient d'arriver dans une allée caillouteuse. Ce chemin là, Midoriya le connaissait sur le bout des doigts. Les petits cailloux blancs étaient devenus marrons à cause de la pluie, et les myosotis qui bordaient la route avait la tête tournée vers le bas. Ils débouchèrent sur un portail noir, sous lequel quelques toiles d'araignées tenaient encore malgré le vent et la pluie. Sa maison était là.
— Bon, bah, à demain.
Ça sonnait comme une déclaration amicale, comme un ami qui avait hâte de le retrouver le lendemain pour discuter d'une passion commune ou de débattre de la plus belle fille de la classe. Le genre de discussion banale, normale. Sauf que lui et Kirishima étaient tout sauf des amis. Alors à la place de lui répondre la même chose, de lui lancer un « ouais, à demain ! », Midoriya hocha la tête et courut jusqu'à sa porte.
Il n'y avait que chez lui qu'il arrivait à calmer les battements de son cœur et les tremblements de son corps. Il n'y avait qu'une fois la porte close dans son dos qu'il pouvait se permettre de soupirer et de se laisser aller. Ses épaules se détendaient, son emprise sur les bretelles de son sac à dos se relâchait.
Il se déchaussa, ôta la veste trempée de son uniforme et gravit les escaliers pour rejoindre sa chambre. La maison était plongée dans le noir, sa mère n'était pas encore rentrée du travail. Elle se tuait à la tâche depuis que son père les avait abandonné en leur laissant ses dettes.
Non seulement sa mère devait travailler d'arrache-pied pour les nourrir tous les deux malgré son maigre salaire, mais en plus, elle devait trouver un moyen pour rembourser ses dettes. A cause de ça, elle rentrait rarement à la maison avant vingt heures. C'était donc à Midoriya que revenait la tâche de cuisiner.
Comme n'importe quel autre ado, il aurait pu s'en plaindre, mais à côté de ce qu'il subissait au lycée, cuisiner était comme recevoir un coup de plume : ça ne le dérangeait pas plus que ça. Au contraire même, il aimait faire plaisir à sa mère en la surprenant avec de bons petits plats en rentrant du boulot. C'était bien l'une des seules choses qui lui permettait de continuer à avancer : savoir que sa mère avait besoin de lui.
L'idée de se suicider lui avait plusieurs fois effleuré l'esprit, il n'allait pas s'en cacher. C'était un moyen simple et efficace pour fuir toute la souffrance de son quotidien. Une surdose de médicament, une chute de cinq étages, une ceinture autour du cou, une lame de rasoir contre sa peau, ce n'était qu'un petit moment douloureux à passer avant d'en finir pour toujours.
Mais Midoriya n'avait jamais pu sauter le pas. Pour deux raisons, la première étant sa mère ; il ne voulait pas l'abandonner comme son géniteur l'avait fait. Elle avait déjà perdu son mari, il n'allait pas la chagriner davantage en lui faisant perdre un fils.
L'autre raison était Todoroki, qu'il avait connu sous le pseudonyme de Shoto en jouant à un jeu en ligne. Les jeux vidéos étaient rapidement devenus un échappatoire. Il pouvait s'y défouler, profiter de son anonymat pour parler à qui il voulait, mais surtout, il pouvait être fort. Il était faible dans la réalité, mais dans la virtualité, il faisait parti des meilleurs.
Que ce soit pour les mmo, les jeux de plateforme ou les jeux de gestions, Midoriya battait tout le monde. C'est en jouant à un mmorpg en vogue sur le moment qu'il fit la rencontre de Shoto, elfe élémentaire de niveau soixante-quatorze.
Il l'avait d'abord abordé parce qu'il était dans le top du classement des meilleurs joueurs. Il voulait lui demander des conseils pour grimper plus vite les niveaux. Et bien que Shoto se soit montré froid et peu enclin à la discussion au début, Midoriya n'avait pas lâché l'affaire.
Avec son Deku, guerrier de niveau cinquante-six, il lui avait montré qu'il était déterminé à apprendre à le connaître. Il ne savait pas trop pourquoi il avait fait ça, ce n'était pourtant pas son genre de tisser des liens amicaux avec le premier joueur venu. Mais quelque chose, dans les réponses concises et froides de Shoto, l'avait attiré.
Parce qu'en lisant les messages de Shoto, il avait eu l'impression qu'il pourrait les prononcer à voix haute la tête baissée. Parce que Shoto ne cherchait l'amitié de personne, il ne cherchait ni gloire, ni pouvoir, ni richesse, et ce malgré son niveau très élevé. Tout ce qu'il voulait, c'était un moyen de passer le temps pour ne plus penser à son quotidien. Lorsque Midoriya l'avait découvert, il s'était d'autant plus attaché à lui.
Alors malgré l'austérité apparente de cet elfe élémentaire, le guerrier avait persévéré à lui envoyer des messages tous les jours pour lui demander comment il allait, s'il désirait partir en mission avec lui.
Au début, les réponses avaient été sèches et peu développées, il lui disait oui si la question était « ça va » et non si la question était « tu veux venir rusher un donjon avec moi ? ». Et petit à petit, les réponses ont fini par se transformer en « oui, et toi ? » et en « d'accord, pourquoi pas ». De fil en aiguille, malgré leurs blessures personnelles, malgré la peur qu'ils avaient de s'attacher, ils ont fini par tisser des liens solides.
Il étaient désormais en contact sur Discord, et jouaient régulièrement ensemble. Dès que l'un découvrait un jeu qui lui plaisait, il prévenait l'autre pour le rejoindre. Ils passaient alors la soirée à jouer, ou à discuter si l'envie de s'exciter sur les touches de leurs claviers n'était pas là.
C'est d'ailleurs ce qui se passait de plus en plus souvent : ils cherchaient à se découvrir. Ils s'amusaient beaucoup en jouant ensemble, Midoriya cherchaient de plus en plus à attirer son attention en le faisant rire, comme en imitant les pnj des mmorpg. Des sentiments avaient alors commencé à naître. Il ne savait pas si c'était réciproque, mais il était déjà heureux d'être la seule personne à jouer avec lui tous les soirs.
Midoriya sourit en ouvrant son ordinateur. Il avait un message :
Shoto :
Salut, comment s'est passé ta journée ?
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Quand les faibles deviennent les forts
أدب الهواةTous les jours, Midoriya suit la même routine. La tête baissée et la peur au ventre, il se rend au lycée où il se fait harceler. Tous les jours, la même scène semble se répéter comme une boucle intemporelle : il se fait entraîner dans la ruelle d'à...