𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚎𝚞𝚡

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Chapitre deux.

La dernière sonnerie venait de retentir, signant par la même occasion le début de l'enfer pour Midoriya. Il ne se pressait même plus pour ranger ses affaires et essayer de leur échapper en misant sur la vitesse. Parce qu'il savait que ça n'aurait servi à rien. S'ils ne pouvaient pas se défouler sur lui le soir, alors ils l'attendaient le lendemain matin devant le portail. Ils l'attiraient dans une ruelle, loin des caméras de surveillance du lycée, et lui faisait passer un sale quart d'heure pour le punir d'avoir fui.

Il fut à nouveau secoué par des tremblements. Il fit à nouveau tomber sa trousse en voulant la ranger dans son sac. Il remit les deux bretelles de son sac à dos sur ses épaules, et se glissa parmi ses camarades qui sortaient de la classe.

Il regardait par terre, ses baskets étaient tachées de boue, il se dit qu'il serait temps de les laver. Le ménage avait été fait le matin même, mais le sol était déjà sale. Il avait plu, il pouvait entendre les baskets des lycéens qui se pressaient pour gagner leur bus crisser à cause de l'humidité.

Alors qu'il franchissait le portail, une paire de talons noires se mit en travers de son chemin. Midoriya les reconnaissait bien, ces bottines imitation cuir aux motifs écailleux. Elles appartenait à Ashido, la seule fille de la Bakusquad.

Bottines noires fut bientôt rejoint par sneakers Nike. Ces chaussures étaient à Sero. Midoriya devait avouer qu'il lui enviait ses baskets. Leur couleur chaudes lui rappelait le soleil. Mais Sero n'avait rien à voir avec le soleil rassurant et chaleureux qui vous réchauffe de l'intérieur. Il était un soleil de plomb, qui vous assoiffe et vous brûle la peau. Puis, bottines noires et sneakers Nike furent rejoints par tennis rouge. Kirishima fut la troisième personne à se planter devant Midoriya.

— Bon, ils font quoi Kaminari et Bakugou ? J'ai mon train à prendre moi, se plaignit bottines noires.

— Ils doivent encore être en train de traîner dans les couloirs, répondit sneakers Nike.

— Tu sais ce qu'ils font, Midoriya ? demanda tennis rouge.

Il se figea en entendant son nom. Il serra ses bretelles jaunes qu'il n'avait pas lâchées, comme pour se cramponner à quelque chose pour se rassurer. Il les serrait tellement fort que les jointures de ses doigts commençaient à blanchir. Le sol devenait flou.

Il fallait qu'il réponde, où ce serait pire. Même si sa voix se mettait à partir dans les aiguës, même si ses genoux se mettaient à flancher. La boule qui s'était formée dans son estomac le matin remonta jusqu'à sa gorge. Il ne produisait que des sons inintelligibles, des onomatopées qui lui vaudraient sûrement des moqueries de la part de ses tortionnaires.

— Tu marmonnes, je n'ai pas bien compris, lui dit Kirishima.

— Pourquoi tu lui parles ? Il est stupide, tu sais, railla Ashido.

L'humidité de l'atmosphère semblait avoir gagné les yeux de Midoriya. Une fine pluie avait commencé à tomber, et il se dit que s'il craquait, il pourrait toujours prétendre que ses larmes venaient des nuages. Le sol se recouvrit petit à petit de tâches noires, jusqu'à s'assombrir complètement. Les bottines noires claquèrent le béton dans un geste agacé.

— Bon, tant pis pour ce soir, je ne veux pas rater mon train. Et puis la pluie va niquer mon brushing, alors je vais vous laisser, tant pis pour Midoriya.

— Ouais, je vais rentrer aussi. On te laisse t'amuser tout seul Kiri.

— Bye.

Le cœur de Midoriya battit un peu moins fort dans sa poitrine en observant bottines noires et sneakers Nike s'éloigner. Pour une fois que l'univers était de son côté. Il ne se souvenait même plus de la dernière fois où il avait pu esquiver les coups et les insultes. Il était trempé, mais c'était une bien piètre punition comparée à l'enfer auquel il venait d'échapper. Il sursauta en voyant le parapluie de tennis rouge se déplier devant lui. Et bientôt, il ne sentit plus la pluie mouiller ses cheveux.

— Tu n'as pas de parapluie ?

Difficilement, il secoua la tête de gauche à droite. Un matin, tandis qu'il pleuvait, il avait eu la malheureuse idée de venir au lycée protégé par son parapluie. C'était un beau parapluie jaune, tape à l'œil, à l'effigie d'All Might, son justicier favori. C'était son idole, celui qui incarnait son idéal, celui à qui il voulait ressembler, celui dont il désirait tant la force. Il se trouve que Bakugou était également un grand fan de ce super-héros, et ne s'était donc pas privé de lui voler le parapluie après lui avoir distribué quelques coups.

— Tu peux t'abriter sous le mien, si tu veux. Je vais te raccompagner jusqu'à chez toi.

Les tremblements qui avaient pratiquement disparus en voyant bottines noires et sneakers Nike s'éloigner revinrent à la charge. Le sol se troublait à nouveau, et ce n'était pas à cause de la pluie. Le ton de Kirishima était pourtant bienveillant. Mais Midoriya s'en méfia beaucoup. Après tout, ça faisait des années qu'il assistait à son harcèlement. Il n'y participait pas, malgré qu'il fasse parti de la Bakusquad, mais il n'avait jamais cherché à lui apporter son aide.

Il se contentait d'être un simple spectateur, de l'observer mourir avec pitié, de la même façon qu'il observerait un insecte agonisant. Alors pourquoi chercherait-il à être gentil avec lui aujourd'hui ?

— On y va ?

Ses baskets oranges obéirent malgré lui. Quand un membre de la Bakusquad lui ordonnait de faire quelque chose, il le faisait sans protester. Il était devenu leur larbin, leur animal, un être inférieur qu'ils avaient tellement dénigré qu'ils ne le considéraient même plus comme un être humain. Midoriya se souvenait comment tout avait commencé, mais il n'avait aucune idée de comment ça avait pu dégénérer au point que lui-même finisse par regretter son existence.

Il firent le chemin en silence. Midoriya ne releva pas la tête, mais il savait que le parapluie de Kirishima continuait de le protéger de la pluie. Il se demanda si ce geste de compassion visait à lui demander pardon. Il retint un rire incrédule en y songeant.

Même si Kirishima le protégeait mille fois de la pluie, même s'il lui prêtait un million de fois son parapluie, Midoriya ne lui pardonnerait pas son silence. Il ne lui avait jamais fait de mal, mais il n'avait jamais cherché non plus à arrêter ses amis pour ce qu'ils lui faisaient subir. Pour Midoriya, Kirishima était aussi coupable qu'eux.

Quand les faibles deviennent les fortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant