𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚝𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎

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Chapitre trente.

Todoroki et Midoriya se regardèrent dans le blanc des yeux pendant de longues secondes. Todoroki réfléchissait à sa proposition plus que tentante tandis que Midoriya attendait sa réponse. Au-dessus de leurs têtes, Shinso semblait s'amuser à piquer des brasses dans cette piscine d'air, nageant de longueur en longueur d'un bout à l'autre de la chambre.

— Un jour, j'ai rêvé que je tuais mon père, lui confia Todoroki. Pendant qu'il dormait, allongé sur le canapé avec toutes ses bouteilles d'alcool à ses pieds, je l'ai poignardé, encore et encore. Il ne se réveillait pas, comme si mes coups de couteau ne lui faisaient pas mal. Il n'y avait pas de sang qui s'écoulait de ses blessures, simplement un filet de lumière blanche qui s'envolait vers le ciel chaque fois que je perçais son enveloppe charnelle. C'était la matérialisation de la vie qui le quittait. Et je me suis senti tellement libéré, tellement apaisé...

Il marqua un temps d'arrêt.

— Le lendemain, j'ai été chercher un couteau dans la cuisine pour réaliser mon rêve, sans mauvais jeu de mot. Mais ça ne s'est pas tout à fait passé comme prévu, puisque dès la première entaille, il s'est réveillé en hurlant. J'ai eu tellement peur que j'en ai lâché le couteau. Mes jambes tremblaient, je me suis laissé tomber sur le sol et cet enfoiré n'a pas hésité avant de se jeter sur moi pour me bourrer de coup. C'est pour ça que je me suis retrouvé à l'hôpital. Si mes frères et sœurs n'étaient pas intervenus, je serais probablement mort.

Shinso n'avait pas arrêté de nager en apesanteur, il se fichait pas mal de ce que cet humain pouvait bien raconter. Midoriya, en revanche, l'avait écouté en silence avec beaucoup d'attention.

— Là où je veux en venir, c'est que si lui n'a aucun scrupule à vouloir me tuer, je ne vois pas pourquoi j'en aurais pour lui. Le seul problème qui se pose, c'est qu'il faut reconnaître que c'est quand même ce connard qui paye le loyer, les factures et la nourriture. Je suis le cadet de la famille, et tous mes frères et sœur sont à la fac, aucun d'eux ne possède de travail. Si mon père ne peut plus subvenir à nos besoins, alors ils devront commencer à bosser. Mais je pense qu'entre l'enfer qu'il nous fait vivre et son argent, le choix est vite fait. Tant pis si on doit se débrouiller seuls, je préfère largement ça plutôt que de supporter ses coups un jour de plus.

Midoriya avait saisi le message, et hocha simplement la tête. Todoroki lui tendit le cahier. Dans son regard, on pouvait voir qu'il ne ferait pas marche arrière. Midoriya attrapa un stylo sur son bureau et en plaça la pointe sur une nouvelle page blanche.

— J'aurais besoin de son prénom ainsi que d'une photo de lui. J'ai besoin d'avoir son apparence en tête pour le tuer.

— Il s'appelle Enji Todoroki. Je n'ai que de vieilles photos, ça ira ? dit-il en lui tendant son portable.

Sur la photo, on pouvait voir l'homme qu'il présumait être son père, entouré de sa femme et de ses enfants. Il n'avait pas l'air malheureux ou en colère, il souriait de toutes ses dents. Une petite fille aux cheveux blanc était monté sur ses épaules tandis que deux garçons aux cheveux blancs et rouges s'accrochaient aux jambes de sa mère. Et dans les bras musclés d'Enji Todoroki, un petit garçon aux cheveux bicolores souriait timidement.

La famille avait l'air tellement heureuse qu'il était difficile d'imaginer ce qu'elle était devenue. La disparition de cette femme, cette jeune maman souriante au centre de la photo, était sans aucun doute la cause de ce triste tournant qu'avait pris la famille, et surtout, la principale raison pour laquelle Enji Todoroki avait sombré dans l'alcool et ses déboires. Le mal était déjà fait, et Enji Todoroki aurait beau arrêter de les frapper et implorer leur pardon, tous les coups qu'il avait administrés à Shoto avaient laissé des cicatrices éternelles.

Midoriya imprima le visage de cet homme dans sa tête, mémorisa ses cheveux et sa barbe rousse — on aurait dit du feu qui recouvrait son visage — et noircit la première ligne de la page avec son nom.

— Il sera mort d'une crise cardiaque dans quarante secondes, l'informa Midoriya.

— Parfait. Vu tout l'alcool qui ingurgitait chaque soir, cette mort n'étonnera personne.

A cette heure-là, il était encore au travail, il y avait des chances pour que sa mort soit immédiatement remarquée par ses collègues. Même s'ils ne seraient sans doute pas avertis tout de suite, aucun des deux ne bougèrent en attendant la fin des quarante secondes. Tant que ce temps ne serait pas écoulé, Todoroki considérait qu'il était toujours en vie.

— Il est mort, fit Midoriya qui avait compté les secondes dans sa tête.

Todoroki se pinça les lèvres. Il n'arrivait pas à réaliser que toute sa douleur était enfin terminée. Son père ne serait plus là pour l'accueillir avec des coups, pour lui cracher dessus ses insultes à moitié coupées parce qu'il était bourré et qu'il n'arrivait pas à articuler. Et tout ça, c'était grâce à lui, à ce garçon qui ne l'avait pas lâché. Malgré ses répliques froides et les vents qu'il lui mettait au début, Midoriya n'avait jamais cessé de lui parler. Alors qu'il se sentait seul et au fond du trou, Midoriya avait été la lumière qui éclairait ses ténèbres.

Il avait envie de le prendre dans ses bras pour lui montrer à quel point il tenait à lui. Et il ne se priva pas pour le faire. Midoriya avait quitté son bureau pour s'asseoir sur son lit et se triturait les doigts sans savoir quoi dire. Il sursauta en sentant les bras de Todoroki entourer son cou avec douceur.

— Merci, murmura-t-il.

Midoriya ne sut pas trop comment réagir, alors il répondit simplement à son étreinte en enlaçant sa taille. Puis, il se sentit basculer en arrière, le dos contre le matelas. Todoroki s'était assis sur son bassin et se penchait vers lui pour l'embrasser. Shinso trouva que c'était le bon moment pour quitter la chambre.

Quand les faibles deviennent les fortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant