𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚎𝚒𝚣𝚎

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Chapitre seize.

Midoriya se souvenait parfaitement de cette époque. Il se souvenait de son uniforme noir, de la cour de pavés à l'entrée du collège, de la grille qui s'ouvrait et des érables rouges en automne. Il se souvenait de la douceur de ces années-là comme si il y était encore, comme si tout ce temps derrière lui n'était pas si lointain...

Aussi incroyable que cela puisse paraître, lui et Bakugou étaient amis, et même meilleurs amis. Ils étaient fourrés ensemble depuis leur trois ans et étaient inséparables. Il arrivait à calmer Bakugou quand il se laissait emporter par ses émotions, et Bakugou le défendait quand il n'avait pas le courage de le faire lui-même.

Il se souvenait de son bras autour de ses épaules, de leur rire qui résonnait dans les couloirs, de leurs coups d'œil complices dans le dos de leur professeur. Il avait un don pour apaiser la colère de Bakugou. Il lui suffisait de lui parler de sa voix placide pour qu'il se détende. Il n'avait pas à encaisser les coups et les insultes pour calmer sa fureur comme aujourd'hui.

Il avait encore des amis, à l'époque. Il n'avait pas que Bakugou, il s'amusait aussi avec Uraraka, une fille qu'il avait rencontré au début du collège et qui était instantanément tombée amoureuse de lui, et Iida, un garçon sérieux et intelligent qui l'encourageait à progresser dans les différentes matières.

Il avait été heureux. Il arrivait à sourire sans se forcer, à rigoler haut et fort avec ses amis sans avoir honte. Et surtout, il arrivait à regarder les autres dans les yeux. Il avait le regard fixé sur le ciel, et non sur la terre. Il ne tremblait pas, ne marmonnait pas, ne faisait pas tomber sa trousse chaque fois qu'il retournait en classe. Il n'avait pas peur des autres, et encore moins de Bakugou.

Mais ses sentiments envers lui avaient évolués. Il avait déjà remarqué son attirance pour les garçons dès la fin de l'école primaire, mis il s'était toujours contenté de l'ignorer. Ce n'est pas normal d'être ainsi, se disait-il. Alors il avait fait de son mieux pour le cacher. Encore aujourd'hui, sa propre mère n'était pas au courant de ses inclinations.

Vers la fin de sa troisième année de collège, Midoriya s'était déclaré à Bakugou. Il avait tenté de garder ses sentiments enfouis au fond de lui. Il avait tenté de les réprimer, de les refouler profondément pour que personne ne puisse les découvrir. Mais les trésors finissent toujours par être déterrés. Et un jour, toutes ses émotions avaient fini par remonter à la surface. La pression avait été trop forte, il n'avait pas pu faire autrement.

Le pire, c'est qu'il avait eu l'espoir que ses sentiments soient réciproques. Chaque fois qu'il faisait exprès de le frôler, qu'il faisait en sorte d'être en contact avec lui même quand la situation ne s'y prêtait pas, Bakugou ne s'éloignait pas. Il était le seul avec qui il riait, avec qui il se montrait tel qu'il était. Le seul à qui il souriait, à qui il ne criait pas d'insultes. Il lui arrivait de le traiter de bon à rien en rigolant, mais Midoriya le prenait comme une démonstration d'affection.

Il avait commencé à l'appeler Deku quand il avait découvert les kanjis de son nom. Mais Midoriya ne pensait pas qu'il l'appelait ainsi pour se moquer de lui, c'était plutôt pour le privilège d'être le seul à lui donner ce surnom. Au début, l'appeler Deku était une marque d'affection. Ensuite, le traiter de Deku devint une insulte. Et finalement, Midoriya avait fini par opter pour ce surnom lorsqu'il s'inscrivait sur une nouvelle plateforme de jeu vidéo.

Il s'était renommé Deku sur internet pour donner une connotation méliorative à cette moquerie qui lui collait à la peau. Ça sonnait comme de l'auto-dérision, et à force, même lui avait fini par se qualifier de Deku.

Mais la réaction de Bakugou face à sa déclaration fut bien pire que ce qu'il avait imaginé. Il avait espéré beaucoup, il avait chuté de haut. Le visage de Bakugou s'était déformé en une expression de dégoût, et il avait reculé de quelques pas, comme s'il avait peur que cette « maladie » soit contagieuse.

« Ne t'approche plus de moi », l'avait-il défendu. Effondré, Midoriya n'avait rien répondu et s'était enfui en courant, les larmes aux yeux. Son cœur lui faisait tellement mal qu'il avait l'impression qu'on venait de lui planter un couteau en plein dedans. Le lendemain, tout le collège était au courant. Même les professeurs l'observaient d'un œil désapprobateur. Il s'était senti tellement misérable.

Uraraka et Iida ne le regardaient même plus. C'est à partir de ce jour-là qu'il a remarqué que le sol était gris, que les couleurs des chaussures étaient variées et que les gouttes sur le parquet venaient de ses yeux. Le soir, il était rentré chez lui et avait dit à sa mère qu'il ne se sentait pas bien. Il avait feint d'être malade pendant une semaine entière pour éviter l'humiliation du collège.

Il avait encore espéré. En revenant en cours, il avait eu l'espoir que cette histoire soit oubliée, qu'elle ne soit plus qu'un lointain cauchemar. Mais ses yeux avaient vite rejoint le sol lorsqu'il s'était rendu compte que le regard de ses professeurs n'avaient pas changé et que les élèves avaient toujours autant de mépris pour lui.

Il se faisait bousculer dans les couloirs, il entendait son nom dans les chuchotements en classe. Et à la sortie des cours, Bakugou l'avait intercepté pour l'insulter. Trois autres collégiens qu'il ne connaissait pas étaient avec lui et l'encourageaient à lui crier dessus, toujours plus fort. Ashido était alors mince, mais pas maigre ; Kaminari n'avait pas les pires notes ; Sero avait encore ses deux parents. Ils n'avaient aucune excuse, c'était gratuit. Ils ne le prenaient pas pour souffre-douleur afin d'oublier leurs problèmes, simplement pour savourer le goût du pouvoir.

Quand les faibles deviennent les fortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant