𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚑𝚞𝚒𝚝

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Chapitre huit.

Shoto :
On a bien fait d'avoir profité de notre journée d'hier
  Quand je suis rentré chez moi après les cours, mon père était saoul, mais suffisamment réveillé pour avoir la force de me cogner
  Comme quoi, le bonheur est vraiment éphémère
  Je me plains, je suis désolé. Ta journée ne s'est pas mieux passée n'est-ce pas ?

Les doigts de Midoriya, recouverts de pansements, se crispèrent sur son clavier d'ordinateur. Bakugou avait eu une mauvaise note au contrôle de japonais, et il avait voulu se passer les nerfs sur lui. Il l'avait entraîné dans la ruelle, sa bande derrière lui, et l'avait forcé à se mettre à genoux après lui avoir mis un coup de poing dans le ventre. Il avait mis les mains à plat sur les pavés de la ruelle pour se concentrer sur autre chose que le venin que lui crachait Bakugou. Il voulait se concentrer sur la sensation de la pierre contre ses paumes.

Seulement, Bakugou n'avait pas pu résister à l'appel de ses doigts fragiles et sans protection. Il les avait écrasé avec son talon, encore, et encore. Plus Midoriya hurlait de douleur, plus les coups devenaient puissants. Les autres ne le regardaient même pas ; leurs chaussures étaient tournées vers le côté opposé. Il n'y avait que les tennis rouges qui étaient tournées à demi, comme si elles hésitaient à intervenir. Mais comme d'habitude, les tennis rouges ne bougèrent pas.

Il était rentré chez lui avec les doigts ensanglantés. De la peau avait été arrachée à divers endroits, et son index de la main gauche le faisait tellement souffrir qu'il se demandait s'il n'était pas cassé. Heureusement, sa mère n'était pas à la maison, et il aurait le temps de trouver une excuse qui justifierait les nombreux pansements qu'il s'était mis sur les mains. Il grimaça en appuyant son index sur une touche du clavier. Répondre à Todoroki allait être douloureux.

Deku :
Ça te dérange si on s'appelle tout de suite ? J'ai mal aux doigts

Shoto :
Aucun problème.

Et son appel ne se fit pas attendre. Midoriya eut à peine le temps de lire sa réponse qu'il reçut sa notification sur Discord.

— Qu'est-ce qu'ils t'ont encore fait ?

L'inquiétude transparaissait dans sa voix. Ça lui faisait tellement de bien, à Midoriya, de savoir que quelqu'un se souciait de lui. Il était la seule personne à être au courant du calvaire qu'il vivait tous les jours, la seule personne à qui il pouvait tout raconter. Même sa mère n'en savait pas autant sur lui. Lui parler quotidiennement était devenu l'une de ses rares sources de bonheur.

— Bakugou m'a écrasé les doigts. Plusieurs fois. J'ai liquidé ma boîte de douze pansements en un jour, il faudra que je m'en rachète.

— Ce type est un monstre. Si j'étais dans ton lycée, ça fait longtemps que je lui aurait cassé les dents.

— C'est violent, mais merci. Et toi ça va ?

— Deux nouveaux bleus sur la cuisse, mais ça devrait aller. Ces types là ne comprennent que la baston. Soit tu joues le jeu, soit tu crèves. J'ai aucun remord en songeant que je préférerai les voir morts que vivants.

Cette déclaration aurait pu faire peur à Midoriya. Elle aurait pu l'alerter, le faire se rendre compte que Todoroki n'était peut-être pas le garçon le plus sain d'esprit du monde. Il aurait pu se dire qu'il était fou, toxique, dangereux, pour souhaiter aussi ouvertement la mort de quelqu'un. Mais les gens les plus sains d'esprits fermaient les yeux sur son mal-être. Ils continuaient leurs vies sans remords, sans chercher à le sauver. Alors peut-être que finalement, les monstres n'étaient pas les plus inhumains.

C'était pour ça que Todoroki lui plaisait autant. Parce qu'il n'avait pas peur de se montrer tel qu'il était, parce qu'il n'avait pas peur d'affirmer ses opinions. Todoroki était fort, il avait gardé la tête haute quand sa mère les avait abandonné, quand son père avait commencé à boire et à les battre, lui et ses frères et sœur. Et alors même que son quotidien était sans doute pire que le sien, il s'inquiétait pour lui, demandait si ça allait, s'intéressait à son bien-être.

Todoroki n'était peut-être pas l'homme le plus gentil et le plus pacifiste, mais au moins, il se souciait de lui et ne faisait pas la sourde oreille quand il lui parlait de sa souffrance.

— Au fait, tu as vu la dernière mise à jour de My Hero Academia ? Ils ont ajouté de nouvelles missions bonus et de nouvelles possibilités de customisation.

— C'est cool, on y joue tout à l'heure ? Je dois aller étendre le linge et faire la cuisine, mais on se retrouve ce soir.

— Ça marche, à ce soir.

— Bisou.

Midoriya raccrocha précipitamment en se rendant compte de ce qu'il venait de dire. Il rougit comme un idiot en s'insultant mentalement de tous les noms. Alors qu'il s'apprêtait à fermer son ordi, la honte aux joues, il reçut un message de Todoroki.

Shoto :
Bisou

Midoriya ne put retenir un sourire, et se mordit la lèvre. Finalement, peut-être que Todoroki faisait un peu plus que lui plaire. Peut-être qu'il craquait totalement sur lui, en fin de compte. Il descendit les escaliers sur un petit nuage et étendit le linge sans voir le temps passer. Il avait presque oublié la douleur qui lui tirallait les doigts. Il alla ensuite préparer le repas, et sortit le reste de curry de la veille. Il y en avait suffisamment pour deux, mais il décida de cuisiner un plat supplémentaire pour évacuer son trop plein de joie.

Il allait faire des dango pour le dessert. Ces petites boules de riz sucrées avaient le don de mettre sa mère de bonne humeur. Bien sûr, elle était contente de manger la cuisine de son fils, et ce qu'importe le plat. Elle aurait mangé avec plaisir une omelette brûlée ou des arare trop salés si ils avaient été cuisinés par ses soins. Mais il avait remarqué les petites étoiles qui naissaient dans ses yeux lorsqu'elle découvrait qu'il y avait des dango pour le dessert.

De ce qu'il avait cru comprendre, c'était la gourmandise que lui faisait sa grand-mère pour le goûter, lorsqu'elle était petite et qu'elle passait les vacances chez elle. Ça la rendait nostalgique d'y repenser, et elle se remémorait ces bons souvenirs chaque fois qu'elle mangeait des dango.

Quand Midoriya était heureux, il avait envie que tout les gens qu'il aimait le soient aussi.

Quand les faibles deviennent les fortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant