Chapitre trente-deux.
Midoriya fixait le cahier de la mort qu'il avait posé sur ses genoux. Une fois qu'il s'en serait débarrassé, qu'il n'aurait plus Shinso pour lui tenir compagnie, il avait peur de retrouver sa vie insipide d'avant. Celle où il était faible, où il regardait le sol, où il se faisait entraîner dans la ruelle. Midoriya était un peu anxieux à l'idée de donner le cahier à Kirishima. Il avait l'impression que sans lui, il n'avait plus de but, plus d'avenir.
— Je ne sais pas, répéta-t-il.
Son futur lui paraissait lointain, obscur. Il ne pouvait le voir, l'imaginer ou le saisir. Son futur était comme un trou noir, vide et ésotérique. Il ne savait pas de quoi il était composé, mais en avait peur comme de la peste. Il voulait le fuir, penser qu'il serait aspiré dedans lui donnait la nausée.
Todoroki l'observait avec douceur. Ses mains tremblotaient autour du cahier, alors il les prit doucement dans les siennes. Il faisait des cercles avec ses pouces sur ses paumes. La pomme d'Adam dans la gorge de Midoriya faisait moins d'aller-retour, signe que sa respiration s'était calmée. Todoroki lui sourit tendrement, pour lui montrer qu'il était là, pour lui montrer que peu importe de quoi était composé son futur, lui, il serait là pour en faire parti.
— Et si on s'enfuyait ? proposa-t-il tandis qu'il continuait de caresser les cicatrices sur les mains de son petit-ami.
Midoriya le regarda avec de grands yeux. Le dieu de la mort passa entre eux, mais ils n'y firent pas attention.
— Comment ça ?
— Et si on la fuyait, cette vie dont aucun de nous ne veut ?
Todoroki semblait y avoir bien réfléchi. Les doigts de Midoriya se crispèrent autour du cahier tandis qu'il étudiait la question. C'était bien beau de prendre la poudre d'escampette, mais pour aller où, pour faire quoi ? Et sa mère dans tout ça ? Il était hors de question de l'abandonner à nouveau. Mais d'un autre côté, rien ne le retenait ici. Quitter le lycée et les amis qu'il n'avait jamais eu ne lui faisait ni chaud ni froid, au contraire, il en éprouvait même un certain soulagement.
Admettons qu'il dise oui. Il y avait toujours le problème de l'argent. Aucun des deux n'avait suffisamment d'économie pour tenir ne serait-ce que quelques mois. A bien y réfléchir, aller à l'université serait moins casse-tête que d'essayer de fuir. A l'université, il s'ennuierait sûrement, ça ne lui servirait probablement à rien et il finirait sans aucun doute avec un job minable, mais au moins, son avenir n'était pas flou, juste tellement ennuyeux qu'il lui donnait envie de se pendre avec une ceinture.
Fuir, c'était l'inconnu, l'aventure, le trou noir. Demain n'était pas sûr, après-demain encore moins. Ils n'auraient aucune idée de quoi leurs lendemains seraient fait, il fallait avoir le goût du risque pour désirer vivre ainsi. Mais au moins, il y avait peu de chance pour qu'ils s'ennuient. La fuite était bien plus trépidante et attirante que d'étudier il ne savait quelle matière barbante dans une université toute aussi barbante.
Midoriya avait beau peser le pour et le contre, il n'arrivait pas à trancher quelle était sa meilleure option. Il n'avait jamais voulu de cette vie standard qui passait par les études supérieures, le job pourri où il faut gravir les échelons, le mariage avec un membre du sexe opposé et les gosses qui crient pour un oui ou pour un non. Mais il se demandait s'il était prêt à laisser tomber tout ça pour une vie incertaine et hasardeuse.
— On irait où ? demanda-t-il.
— Où on voudra.
— On fera quoi ?
— Ce qu'on voudra.
— Avec quel argent ?
— L'argent, ça se trouve. Si c'est simplement ça le problème, je peux te réciter un paquet de petits jobs qui rapportent un peu de sous sans avoir besoin de diplôme.
— Et ma mère dans tout ça ? Je ne peux pas la laisser, Shoto, dit-il avant de se pincer les lèvres en se rendant compte qu'il avait dit son prénom.
— Tu n'es pas comme ton père, Izuku. Tu lui enverras des lettres. Tu pourras même lui laisser une note avant de partir pour lui expliquer la situation. C'est une mère compréhensive, elle ne souhaite que ton bonheur. Et je sais que tu es comme moi : le bonheur, il n'y a aucune chance pour que tu le trouves en te conformant à la société. Il y a ceux qui sont fait pour rentrer dans le moule, et d'autres qui sont faits pour autre chose. Et malheureusement pour nous, on fait partie de la seconde catégorie.
Décidément, Shoto avait réponse à tout. Midoriya entrelaça ses doigts aux siens. Il se rendit compte qu'il y avait un critère qu'il n'avait pas pris en compte dans son évaluation, et ce critère, c'était Shoto. C'était clair dans sa tête : entre une vie sûre mais ennuyeuse à mourir, et une vie vaporeuse avec Shoto, le choix était vite fait. Il n'avait pas envie d'être cet adulte responsable et prudent qui n'aurait sûrement pas accepté cette proposition vague et trop risquée. Il ne voulait pas être cet adulte réaliste qui a les pieds sur terre, qui se dit que ce n'est qu'un amour d'adolescent qui ne vaut pas le coup de mettre son avenir en péril.
Cet amour d'adolescent, pour le moment, c'était tout ce qu'il avait. Alors oui, il allait tout miser dessus, et tant pis pour les conséquences, tant pis si après ça, son futur n'était qu'un vaste trou noir et que son chemin était plongé dans l'obscurité. Tant qu'il aurait Shoto à ses côtés, tout irait bien. Même si sa lumière était faible, il lui suffirait de ne pas le lâcher pour ne pas se perdre dans les ténèbres.
— J'ai une idée, pour l'argent, déclara-t-il finalement.
Shoto l'incita à poursuivre du regard, l'air intéressé.
— Tu vois, ces deux noms sur la première page ? lui demanda-t-il en ouvrant le cahier de la mort. Ce sont les noms des employés d'un konbini que j'ai cambriolé pour éponger la dette de ma mère. C'est très facile. Leurs noms sont trouvables sur leurs étiquettes, et il suffit d'y aller la nuit quand il y a moins de client. A deux, ce serait même encore plus simple : il pourrait y en avoir un qui fait le guet et qui occupe les potentiels clients pendant que l'autre s'occupe de ramasser l'argent. Le seul problème, c'est qu'on est obligé de tuer des gens qui ne nous ont rien fait.
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Quand les faibles deviennent les forts
FanficTous les jours, Midoriya suit la même routine. La tête baissée et la peur au ventre, il se rend au lycée où il se fait harceler. Tous les jours, la même scène semble se répéter comme une boucle intemporelle : il se fait entraîner dans la ruelle d'à...