Chapitre trente-cinq.
Midoriya ne tenait plus en place. Le lendemain, il irait chercher Shoto à la gare. Le lendemain, ils feraient basculer leurs destins. Le lendemain, ils diraient au revoir à la société conformiste et bonjour à l'inconnu. Midoriya sortit de chez lui pour se rendre en cours avec le sourire aux lèvres. Il avait hésité à rester chez lui toute la journée, mais avait fini par se décider pour aller une dernière fois au lycée. Il ne voulait pas attirer l'attention sur lui pour ce dernier jour avant le braquage des konbini.
Il allait dire adieu à ce lycée miteux, ces profs ignorants et ces camarades exaspérants. Plus jamais il n'y remettrait les pieds, il se sentait comme soulagé d'un poids qui lui pesait sur les épaules depuis trop longtemps. Il faisait gris, et le temps sentait la pluie, mais cela ne réussirait pas à entacher la bonne humeur de Midoriya. Il avait les yeux rivés vers les nuages, il gloussa en recevant une goutte d'eau sur son nez.
Il avait l'impression d'être imperméable aux sentiments négatifs. Le temps mauvais ne lui faisait ni chaud ni froid, les élèves qui s'engueulaient devant le lycée le faisaient sourire et les cris lointains qui provenaient de la ruelle l'amusaient... Il fronça les sourcils. Non, ces cris n'avaient rien de marrant, quelqu'un était en train de souffrir le martyr sur la scène de pavés à l'odeur de cigarette. Il devrait bientôt se rendre en classe, mais il préféra contourner le portail pour se rapprocher du bruit.
Un peu avant d'arriver aux pavés, il se cacha derrière le mur d'une maison pour observer. Il voulait analyser la situation avant d'intervenir. Prudemment, le corps caché derrière le mur, il sortit sa tête pour plonger son regard à l'intérieur de la ruelle. Il n'en crut pas ses yeux, et mit sa main sur sa bouche pour ne pas vomir. Il les connaissait par cœur, ces baskets fluo, cet éclair noir dans les cheveux, cet air complètement idiot qui devenait de plus en plus en proie à la démence au fur et à mesure qu'il donnait des coups.
Kaminari se défoulait à nouveau sur quelqu'un. D'un côté, Midoriya était soulagé de ne pas se trouver à la place de cette pauvre personne qui n'avait sans doute rien fait pour mériter ce passage à tabac, et d'un autre côté, il sentait la haine l'envahir en constatant que Kaminari n'avait pas changé, et qu'il ne changerait jamais.
Il jeta un nouveau coup d'œil à la représentation de terreur et de violence qui avait lieu dans ce théâtre improvisé. Il ne connaissait pas celui qui passait un sale quart d'heure, mais puisqu'il portait le même uniforme que le sien, il pouvait en conclure qu'ils appartenaient au même lycée. Kaminari le dégoûtait, plus que Bakugou ne l'avait jamais écœuré.
Il frémit en croisant le regard de celui qui était au sol et qui venait de se prendre un coup de pied dans l'estomac. Il implorait sa pitié, le visage embué de larmes et de morves. Aucun son ne sortit de sa bouche, mais Midoriya aurait juré qu'il l'appelait à l'aide. C'est en posant ses yeux sur ses chaussures à paillettes qu'il se souvint soudainement de son nom. Celui qui pleurait et qui hurlait de douleur en se roulant sur les pavés, les cheveux blonds plein de poussières, se nommait Aoyama. Il avait toujours été à l'écart, tout comme lui. Ses chaussures à paillettes étaient rarement entourées d'autres paires de chaussures.
C'était un excentrique, lui aussi. Un gars un peu trop différent et qui attirait un peu trop l'attention avec ses accessoires toujours plus scintillants. Kaminari avait profité de sa solitude et de sa faiblesse pour l'attirer ici et évacuer sa colère sur lui. Puisqu'il ne pouvait plus utiliser Midoriya, il s'était rabattu sur quelqu'un d'autre. Midoriya jeta un dernier coup d'œil à Aoyama qui implorait son aide en silence et cacha à nouveau sa tête derrière le mur.
Il ne prit pas une seconde d'hésitation avant de sortir la feuille qu'il avait arraché du cahier de la mort de la poche extérieure de son sac. Il sortit un stylo de sa trousse, et écrivit : « Denki Kaminari ne se rend pas en cours et s'isole dans un endroit peu fréquenté pour se suicider ». D'après les règles, Midoriya a six minutes et quarante secondes pour écrire les détails de la mort avant que celle-ci ne prenne effet. Ce qui veut dire qu'Aoyama souffrirait encore pendant six bonnes minutes, à moins qu'il n'intervienne.
Midoriya n'avait plus peur, Midoriya ne tremblait plus, alors Midoriya rangea ses affaires et se montra tout entier dans la ruelle. Plus question de se cacher. En sentant sa présence, Kaminari infligea un dernier coup de pied à ce pauvre Aoyama qui agonisait avant de se tourner vers lui et de le regarder de haut. Mais Midoriya ne flancha pas, et plus jamais, il ne laisserait cette ordure le réduire au statut d'animal.
— Qu'est-ce que tu veux ? Tu devrais t'estimer heureux que je te foute la paix. Dégage si tu veux pas que je te tabasse aussi.
— Les cours vont bientôt commencer, tu devrais y aller si tu ne veux pas arriver en retard. Et je n'ai plus peur de toi, Kaminari.
Midoriya le défia du regard sans sentir son cœur s'affoler, sans sentir sa vision se troubler. Cette fois, c'était au tour de Kaminari d'avoir peur. Il ne savait pas quoi répliquer, alors il se contenta de se mordre la lèvre et de le bousculer en descendant de la scène. Le dernier acteur était toujours en place et articula un merci à travers ses larmes. Midoriya hocha la tête et s'en alla pour retourner au lycée une dernière fois.
Tandis qu'il franchissait le portail, il vit Kaminari faire soudainement demi-tour. Sa punition était en marche, et personne ne pourrait le sauver.
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Quand les faibles deviennent les forts
Hayran KurguTous les jours, Midoriya suit la même routine. La tête baissée et la peur au ventre, il se rend au lycée où il se fait harceler. Tous les jours, la même scène semble se répéter comme une boucle intemporelle : il se fait entraîner dans la ruelle d'à...