De toute sa vie, Lee Junho avait toujours détesté les repas de famille.
D'abord, parce qu'ils avaient toujours été disposés à la même place autour de cette grande table dans la salle à manger de la maison familiale. Les uns à côté des autres, le père en bout de table, la mère à ses côtés et lui toujours, loin derrière. Avec les années, évidemment, les places à table s'étaient étendues. Son frère aîné d'abord, de six ans de plus que lui, avait amené sa petite amie. Une fille de bonne famille dont le père avait fait fortune en bourse, son second frère ensuite, Kihyun, qui avait amené plusieurs jeunes femmes avant que ce ne soit Jihyo qui s'installe et ne laisse aucune autre lui prendre cette place.
Lee avait suivi, Insook était venue s'assoir à ses côtés, lui offrir un peu de compagnie dans ce bout de table où il se sentait bien seul. Quatre couples au total, quatre réussites et pour Mr et Mme Lee tout était parfait.
Parfait.
Voilà un mot que Lee détestait de tout son cœur.
C'était surtout cet élément-là qui lui faisait haïr les repas dominicaux au fur et à mesure que les années passaient. Parfait, un mot que sa mère n'avait de cesse de répéter depuis qu'il était enfant. Son premier ami ramené de l'école était le fils du directeur de l'établissement : parfait, sa première note à un examen important : parfaite, sa tenue, ses cheveux, sa posture, son vocabulaire : parfait, parfait, parfait.
Toute sa vie avait été tracée, dictée, à la hauteur de l'éducation qu'il avait reçue. Ses parents n'étaient pas riches, seulement aisés mais c'était déjà suffisant pour se croire faisant partie d'une élite, se mariant et s'alliant aux autres, à ceux avec qui la vie se montrait plutôt confortable.
De perfection en perfection, Mr et Mme Lee semblaient avoir tout réussi.
Jusqu'à lui.
Junho se demanda si la première fois qu'il s'était interrogé sur sa sexualité n'avait pas été devant cette table, sur ce même siège, lors d'un de ces repas sans fin.
Quel âge avait-il alors, quatorze ans ?
À cette époque, il se perdait souvent dans ses pensées tandis que son père et sa mère n'avaient d'yeux que pour son frère aîné. Lui en bout de table n'avait rien de spécial pour briller pendant le repas alors il se taisait et rêvassait. C'était vers cet âge-là, aussi, que les garçons dans les vestiaires s'exhibaient davantage et les plus loquaces parlaient déjà de masturbation et de porno. C'était là que s'était figée une idée : celle que le corps de ces garçons semblait bien plus beau que celui des filles. Une idée effacée mise de côté immédiatement, car imparfaite, impropre à ce qu'on lui avait inculqué.
Voilà que des années étaient passées, vingt ans et des poussières en totalité et il se retrouvait toujours là, toujours devant cette table, sur le même siège, au même endroit. Comme si rien n'avait changé.
Insook n'était plus là et demeurait à présent une place vide en face de lui. Ici, on aimait lui rappeler qu'il « manquait quelqu'un ».
Mais ce qui l'agaçait véritablement aujourd'hui, outre le fait d'être coincé là, écrasé par la réussite de son aîné, c'était que malgré l'état de son visage, une semaine et trois jours après les faits, ses parents faisaient tout pour éviter le sujet. Jihyo dans sa diagonale en face de lui, lui envoyait des regards en coin bienveillants mais aussi inquiets et compatissants à la fois.
Qu'il était insupportable ce milieu bien propre et bien rangé, ces traditions ridicules alliées à cette perfection ahurissante. Combien de temps allait-il encore jouer ce jeu ?
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La Rupture
FanficKim Seokjin avait tout ce qu'il voulait dans la vie, des amis fidèles, l'amour de sa vie et un travail stable. Mais les apparences étant souvent trompeuses, derrière son petit monde trop parfait se cachait les aléas de la routine, les secrets, les n...