K r ó n o s

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Je l'observais, mon bel ange endormi.
Son corps s'était retrouvé figé dans un entrelacs de câbles, branché de partout, comme si ces foutues machines persistaient à faire de l'ombre à chaque parcelle de sa peau. Même son sommeil semblait agité. Je me demandai pourquoi - la Providence, la Destinée, Dieu ? -, pourquoi toutes ces forces nous avaient brusquement abandonnées alors qu'elles nous avaient tant gâtées jusqu'ici ? C'était donc ça ? Nous n'étions que les suiveuses de leur bon vouloir ? Une enfant capricieuse faisait des choix aléatoire, et nous avions su éviter les pots cassés jusqu'à aujourd'hui ? Me voilà toute déboussolée. Ne comprenais pas, ne voulais pas comprendre.

“— À quoi tu penses ? demanda Neve, qui s'était manifestement éveillée alors que j'étais à mes lamentations.

— Rien, répondis-je avec un sourire qui se voulait rassurant - même si j'étais consciente qu'il tremblait au coin de mes lèvres, qu'il s'effondrerait en même temps que mes fondations.”

Neve me regarda longuement, triste. Je détestais ça. Lui faire croire qu'elle était responsable. Non. C'était injuste. Je me penchai vers elle. Elle empestait l'hôpital, les médicaments, les produits chimiques. Tout son corps incarnait la maladie et ce spectacle avait quelque chose de plus que morbide. Ça me tuait de l'intérieur d'observer ma fleur perdre ses pétales, se dégrader lentement. Je fis outre, déposai mes lèvres sur son visage pâle.

“— Je t'aime...

— Moi aussi, amour. Je t'aime.”

Je la sentis s'affaisser contre moi, alors je passai mes bras autour de ses épaules pour l'étreindre.

“— Je vais mourir, tu sais.

— Neve... murmurai-je, la voix blanche, impression d'imploser. Les médecins disent que ton état se stabilise, que tu...

— Je mourrai. Tu le sais. Et je veux que tu vives après ça. Promets-moi de vivre, avec toute la fureur du monde, avec toute la volonté possible. Vis. Pas pour moi, pas parce que je te l'ai demandé. Pour toi.”

Je ne trouvai rien à répondre. Un nœud acide avait enserré ma gorge. J'eus tout juste la force de murmurer :

“— Neve...”

Ma voix se brisa, sans doute avec mon cœur.

“— Neve...”

... cette fois de manière plus chaotique, plus désordonnée. Un cri lâché contre le monde entier. Pas juste pas juste pas juste.

GrandiosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant