A r è s (2)

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J'ai le droit de me promener librement dans l'hôpital maintenant. En chaise roulante et toujours accompagnée d'un soignant, mais je peux enfin sortir de cette foutue chambre d'hôpital.

Alors je vais dans le jardin. C'est beau, avec les feuilles qui tombent. Je prends un moment pour me reposer un peu, profiter du vent, du ciel.

“Bonjour."

Je me tourne. Un jeune homme m'offre un sourire maladroit. Il est si jeune. Il doit avoir la vingtaine, tout au plus.

“— Je m'appelle Isaac. Et toi ?
— Neve.”

Alors on parle. Il me raconte un peu sa vie. Il me parle de son copain, de sa tristesse. De son petit frère. De ses parents. Il me dit qu'un jour il a arrêté de manger, comme ça. Que ça faisait trop de bruit dans sa tête. Qu'il n'en pouvait plus. Qu'il se détestait. Qu'il détestait manger. Qu'il avait des rêves, pleins de rêves. Il parle beaucoup au passé, et moi je ne supporte pas de voir quelqu'un de si jeune si résolu à ne pas vivre. À ne plus vivre.

Alors je lui dis :

“La psychiatrie n'est pas une fatalité, tu sais. Un jour tu sortiras de cet hôpital. Et tu pourras accomplir tous tes rêves.”

Il me sourit. C'est un gentil sourire. Doux. Alors moi aussi, je lui parle de ma vie. De mes parents, du mal qu'ils m'ont fait. D'Alia, d'à quel point je l'aime, à en décrocher la lune. Et on continue comme ça pendant longtemps. Et c'est bon, c'est bien. Parce que j'ai tellement besoin de parler. Parce que je ne peux plus faire que ça.

Alors Isaac devient mon ami. Je suppose que le jour où l'un de nous sortira d'ici, on ne se reverra plus. Mais ce n'est pas grave. Parce qu'il est ici et maintenant.

Et c'est tout ce qui compte.

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