Segment III - Iter

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J'en veux aux mots. Ah ! comme j'en veux au langage d'être si limité ! Un sentiment, une effusion, l'éclat d'une couleur... comment transposer ces miracles en syllabes articulées ? Comment faire en sorte d'être à la hauteur de leur enchantement ? Par quelle sorcellerie arrivait-on à démontrer des je t'aime, des j'ai mal, des j'ai peur, des je suis perdue ?

Pourquoi n'y a-t-il pas de traducteur-interprète des émotions ? Je verrais bien ça, moi. Un drôle de bonhomme bien arrivé, costard cravate et moustache au-dessous du nez, qui viendrait vous voir avec une mallette et écouterait les battements de votre être, avant de vous tendre des lettres en papier. Et voilà des nous, des vous, des autres, des vôtres, des pardon, des merci ! Et puis :
“Laissez-moi je suis pressé, je n'ai plus le temps ! Il me reste d'autres clients, encore tant de ressentis inexplorés à conquérir ! Parce que je suis l'empereur des émotions moi monsieur, et je n'en ai pas fini ! L'ineffable est mon pire ennemi !”

Je suis sûre que s'il était possible de tout faire comprendre par la parole, les conflits s'essouffleraient. Les guerres perdraient de leur intérêt, les rancœurs disparaîtraient. L'épidémie de la violence des Hommes prendrait fin.

Alors pourquoi les mots ne sont-ils jamais assez ? Pourquoi me retrouvais-je toujours le souffle coupé lorsqu'elle m'aimait, qu'elle échouait ses lèvres sur les miennes, qu'elle prenait ma main pour l'embrasser ?

GrandiosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant