N'y pense plus

Doutes...

Ça fait trois ans que je vis avec Julian. J'ai acquis beaucoup de connaissances, mes blessures se sont cicatrisées malgré le fait que je garde toujours de nombreuses traces, mes mains aussi sont marquées...

J'ai été instruite, on m'a appris tellement de choses, plusieurs fois, j'ai cru que mon cerveau allait exploser. Quand je regardais la télévision, internet ou quand j'apprenais avec mes professeurs privés, j'avais l'impression qu'un courant électrique permanent à trois cent mille volts me traversait le cerveau.

L'histoire, la géographie, les maths, le français, l'anglais, les sciences et j'en passe, j'ai appris plus que je ne l'aurais imaginé. J'ai vécu à travers des contrées inconnues, à travers des bêtes dont je ne soupçonnais même pas l'existence, à travers des personnes folles, des blessés, des guerres et j'en passe car mon temps de vie est trop limité par rapport à tous les savoirs de ce monde. Je suis avide de culture, avide de connaissances, j'ai été servie, pourtant il manque quelque chose...

Ça fait trois ans que je ne suis pas sortie. Au début ça allait, maintenant j'ai l'impression de devenir folle, j'ai fait des erreurs qui m'ont couté cher.

Je n'ai plus le droit d'aller sur internet, j'ai tenté de demander de l'aide à des gens et comme une conne je suis partie sans fermer la session. Julian a tout vu et m'a fait enfermer dans la chambre pendant trois jours sans rien manger.

D'ailleurs plus ça va plus, j'ai peur qu'on se rapproche de cette même tension que je ressentais à l'orphelinat. Je le sens, Julian a changé, il me contrôle de plus en plus, me surveille aussi, il veut tout savoir.

Mais il y a une autre chose de louche. Quand je lui ai annoncé avoir mes règles pour la première fois, il a souri, sur le moment je n'ai pas compris, maintenant, je doute, depuis que j'ai pris des formes, il me regarde d'une autre manière. Je sens de l'impatience dans son regard, comme s'il en avait marre d'attendre quelque chose depuis une éternité. Le désir et les pulsions qu'il a en lui me font peur, mais je doute qu'il tente quelque chose sur moi, je suis bien trop jeune...

J'essaye de ne pas avoir peur, d'avoir confiance en lui. Il ne m'a jamais fait de mal en trois ans, peut-être que je m'imagine le pire, que ce n'est qu'un traumatisme du fait de l'orphelinat. J'ai été bête, c'est pour ça qu'il m'a punie si souvent, il m'a coupé internet car je ne sais pas comment m'y prendre...

Oui c'est ça... Julian me donne tout ce dont j'ai besoin...

Personne ne m'a jamais donné d'amour à part lui... 

Lylia est morte, il ne reste que Julian, que cet homme qui m'a tendu la main, qui ne m'a pas lâchée, qui m'a nourrie, logée, instruite. Il s'est sacrifié pour moi, je le sais, il est tellement tendu depuis qu'il me connaît. Ça ne s'arrange pas, je le vois, on a déménagé plusieurs fois, je l'entends hurler contre ses hommes. Son regard est de plus en plus glacial, terrifiant, il perd confiance en les autres, pourtant quand c'est moi, il est doux, rempli d'amour, je lui plais bien, ça me met en confiance...

Puis même si j'avais envie de partir, qu'est-ce que je pourrais faire ?

Dehors, il y a la police, des violeurs, des gens hostiles qui pourront me faire du mal si je ne suis plus avec Julian. Je suis trop faible, trop jeune, je ne suis pas habituée à être à l'extérieur, j'ai beau avoir découvert beaucoup de choses je reste quand même qu'une ignare...

Je pourrais même me retrouver dans ces trafics sexuels que j'ai vu aux infos. J'ai pas envie de devenir comme ces pauvres femmes qui ne sont rien de plus que des objets dont on dispose comme on a envie, elles doivent se faire soumettre tout le temps, se faire frapper, se faire humilier. C'est si sale mais les gens s'en foutent, c'est ça le monde extérieur, des connards égoïstes, Julian le dit lui-même...