Toute histoire a une fin...

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Je regarde le corps de Julian depuis cinq minutes, j'ai demandé à Naël de me laisser seule. Je pensais pas que ça me ferait aussi mal... Quand je repense à tout ce qu'il a fait, je me dis que c'est pour le mieux. Tout ce qu'il m'a montré était faux. Tuer la personne qui a contrôlé la majeure partie de ma vie... Ça créer un sentiment étrange. Je ne me sens même pas libérée, comme si j'étais enchaînée à son âme.

J'ouvre la porte de la cave, Naël m'attend dans les escaliers. Il se lève en me voyant. 

Main dans la main, on monte jusqu'à une porte qu'on ouvre en silence. Je prie pour qu'il n'y ait personne. Elle donne au salon d'une maison, celle de Julian sans doute.

Même s'il est mort, je ressens toujours un poids, mon cœur est si lourd. Je souffre, j'ai l'impression de revivre toute ma vie, de me prendre toutes mes années de chagrin en une seconde. Ce que j'ai vécu aujourd'hui est pire que tout ce qui m'est arrivée auparavant. Toutes ces révélations... Tous ces meurtres... 

La culpabilité me ronge, j'ai n'ai pas besoin d'avoir appuyé sur la détente pour la ressentir. Je suis la cause de tout ça. La main de Naël me réconforte. On s'échappe de la maison par la baie-vitrée, plus simple, plus rapide.

On marche silencieusement dans un lotissement, sans rien, pas de portable, pas d'amis, pas de parents, ni de proches. Il faudrait qu'on aille dans un commissariat. On ne sait même pas où l'on est. Tout ce que je sais, c'est qu'on est pas en ville. Il n'y aucun immeuble dans les environs, ça ressemble au lotissement de Jeanne et George. Je payerai si cher pour revenir quelques semaines en avance et prévenir tout le monde...

— Tu veux faire quoi Eileen ? dit Naël, le ton faible.

— Qu'est-ce qu'on peut faire ? dis-je, en baissant les yeux.

— On peut tenir. C'est dur pour moi aussi. C'est même horrible... Je reverrai plus la deuxième fille que j'aime. Ma Sarah...

Il essuie ses larmes. Je ne devrais pas trop me reposer sur Naël. Il doit être encore plus touché psychologiquement que moi. Pourtant, il a raison. On peut tenir. C'est une épreuve qu'on doit surmonter tous les deux. Avant j'étais seule, sans rien. Maintenant je suis en compagnie de Naël avec l'amour que j'ai pour lui.

— Naël. Il faut qu'on aille voir la police...

Il s'arrête de marcher.

— On a tué quelqu'un Eileen.

— Je suis pas bête ! Mais c'est un criminel ! Il nous menaçait et nous a attaché ! Ça se trouve ils vont classer l'affaire sans suite !

— Ou on va tous les deux se retrouver en taule pour homicide et complice d'homicide. répond-il, d'un ton sarcastique.

— Naël. On va pas fuir toute notre vie. Regarde ce que ça m'a apporté... Il faut qu'on appelle nous même et qu'on assume.

Il se gratte les cheveux, ne semble pas apprécié l'idée. Après quelques secondes il annonce sa décision.

— T'as raison. Faudrait qu'on retourne sur nos pas pour qu'on ait au moins une adresse. Ou sinon on va chez les voisins et on leur demande si on peut utiliser leur téléphone pour appeler les flics.

— Oui c'est une bonne idée.

On rebrousse chemin, heureusement on était pas trop loin. J'espère que la justice sera de notre côté. S'ils trouvent des preuves de l'implication de Julian, on aura de grandes chances de s'en sortir, surtout s'ils prennent des empreintes de la cave. Ou alors son journal intime. C'est une preuve. Je crois.

J'ai une faim de loup, mon ventre grogne.

— On ira voler de la bouffe chez Julian. Il servira à quelque chose au moins.

À chaque fois qu'il parle de lui, je suis prise de frissonnement. Une question me revient en tête. J'entends une petite voix qui me chuchote des phrases...

Et si j'avais parlé de Julian aux policiers ? À la justice ? 

Ils auraient pu nous mettre sous protection policière, je m'étais renseignée avant notre rendez-vous. J'avais juste trop honte d'en parler. Vivre avec ces erreurs que j'ai commises. La pire torture qui soit. Je me revois, il y a six ans, dans l'orphelinat, peu après avoir appris la mort de Lylia. Vide... Un trou béant dans le cœur, comblé par une seule chose. La culpabilité.

Je me prends le corps de Naël dans la figure, il s'est arrêté.

— Aie ! Qu'est-ce qu'il te prend !

— Je vois bien que t'es perdue dans tes pensées Eileen.

— Désolé... Je pensais encore à eux... Il faut leur faire un enterrement digne de ce nom...

— Oui t'en fais pas.

Il m'embrasse, bizarrement ça m'allège, le noir dans mon cœur s'illumine. Je sais très bien que seul le temps saura m'aider. Que la douleur sera intense et qu'elle diminuera lentement sur la durée. J'ai encore mal pour Lylia... Naël prend mon menton, le lève pour qu'on se toise du regard.

— Il faut qu'on pense à autre chose d'accord ? Pour l'instant on doit appeler les flics.

— Mais au lieu d'aller chez les voisins on peut pas tout simplement appeler d'ici ? On mangera en même temps comme ça.

— J'avoue que j'y ai pas pensé. C'était pourtant logique... Je suis encore perdu moi aussi...

Alors qu'on arrive devant chez Julian, une voiture noire se gare à côté de celle du défunt.

Un homme sort, pistolet en main. Une barbe noire, un tatouage de serpent sur la tête. Il vise Naël. Je me place instinctivement devant lui. Je sais qui est ce gars...

Mon poumon droit se fait perforer. On s'effondre, ma tête se cogne contre le sol, ma vue est si trouble que je ne vois rien. J'entends juste une voix lointaine, qui se rapproche.

— Eileen !!! s'écrie Naël, si fort que ça résonne dans ma tête.

Je n'arrive presque plus à respirer, mon cœur s'emballe à nouveau. Je crois bien que ce sera la dernière fois que ça arrive...

— Naël... Je t'aime...

Je crois qu'il est penché vers moi, sa voix est bien plus proche...

— Moi aussi Eileen !! Me quitte pas !! Je t'en supplie...

Une deuxième détonation, la voix de mon homme disparaît... Je crois que je m'étouffe...

— Je suis désolé Eileen. dit la voix du tueur. J'ai juste suivi les ordres. Je voulais pas te faire de mal...

Il m'a donné tant d'espoir... C'est pourtant lui qui met fin à nos jours...

— Fernando...

Moi, Eileen, seize ans... J'ai vécu une vie mouvementée... Elle s'est résumée à être asservie, battue, violée, domestiquée, insultée. Mais... J'ai aussi appris à faire confiance... Mon esprit n'était pas complètement seul... J'ai vécu six mois de pur bonheur sur seize ans de doux malheur...

Ce sont ces six pauvres mois qui resteront gravés dans mon cœur. Je vais rejoindre tous ceux que j'ai rencontré durant ce laps de temps dans l'au-delà...

Et ce cercle vicieux... Il est toujours là... Ma mort était donc le seul chemin ?...

Je vais te revoir Naël...

Tu m'as sauvé une première fois du feu qu'était Julian. Grâce à toi j'ai connu l'amitié, la confiance et l'Amour. Dans tes bras, je côtoyais la joie, le bonheur et la sécurité.

Tu m'as accompagné durant ma nouvelle vie. Vie qui a duré si peu longtemps.

Je suis heureuse que ce soit toi qui m'accompagne dans la mort.

Je t'aime mon amour...

N'y pense plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant