Deux ans plus tard...

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Deux ans... Ça me paraît à la fois si long et si court... Tellement de choses ont changé durant ce laps de temps.

L'espoir s'est éteint, mon esprit s'est libéré. À force de penser que j'allais m'en sortir, je me détruisais, ma noirceur me consumait petit à petit, sans que je ne puisse rien faire. Donc j'ai fini par abandonner complètement, je me suis sentie directement mieux, qui a dit que l'espoir faisait vivre ? C'est un mensonge...

Pourtant, je n'ai jamais cessé de cauchemarder, d'inconsciemment appeler à l'aide, de rêver d'une autre vie. Je n'envie juste plus, je n'ai plus de désir, c'est pour le mieux...

Maintenant, Julian me fait entièrement confiance. Il part en me laissant seule à la maison sans m'enfermer. Il me laisse manier des couteaux, je regarde la télé avec lui tant que ce ne sont pas les informations, je mange même à ses côtés. Par contre, je n'ai plus le droit d'aller dans le jardin, j'ai tenté de l'embobiner une fois, j'ai été pendant un mois dans la cave. J'ai vite compris que mes privilèges ne sont pas éternels. Si je fais ne serait-ce qu'une petite erreur, je retourne à la case départ, je n'en ai aucunement envie...

Ce que je redoutais le plus est d'ailleurs arrivé. J'ai pris des formes au fil du temps, ce qui l'a excité comme je m'y attendais. Il est devenu plus violent, il veut le faire tout le temps, c'est dur d'assouvir tous ses désirs malsains...

Au moins, il est satisfait, il me dit souvent que je suis parfaite quand je le fais. Quand j'ai sa chose en bouche, je vois sa pitoyable tête au bord de la jouissance tandis que je le foudroie du regard. Mon corps, depuis ces deux années, a fini par réclamer Julian, il s'y est habitué, cet homme dans mon entrejambe. Sa semence en moi, mes gémissements quand ses coups de reins sont au plus fort. Mon esprit, lui, ne veut toujours pas, je tiens bon, jamais je ne serai complètement à lui...

Je vacille parfois, j'oublie qu'il me viole, que je suis sa victime, que je suis emprisonnée. C'est devenu normal, je ne sais même pas ce qu'est vraiment la définition de ce mot, est-ce qu'un truc dans ma vie respecte la norme ? De ce que j'ai vu dans les bouquins et la télé, je n'en ai pas l'impression... C'est vraiment bizarre de se dire qu'on vit avec son bourreau, je fais tout avec Julian et je me sens seule quand il part, c'est terrifiant, mon cerveau part en vrille...

J'ai appris beaucoup de choses aussi, je me suis instruite du mieux que je peux. J'ai des facilités en français ainsi qu'en histoire. Je ne comprends toujours pas pourquoi Julian est si strict sur ce point. Quel est l'intérêt que de me faire apprendre des choses si c'est pour me violer et me tenir enfermée, sans nouvelles du monde extérieur. Malgré le fait que je sois habituée à ne rien savoir, je n'arrive vraiment pas à le cerner.

Peut-être que je serai la chose parfaite en étant instruite et obéissante...

Je me lève, penser à ça ne m'avancera pas plus, demander à Julian serait inutile, je vais juste faire comme d'habitude.

Il est déjà parti depuis un moment. C'est l'une des seules choses qui n'a pas changée, outre le fait que j'ignore toujours en quoi consiste son travail. Je me demande depuis un moment s'il n'a pas arrêté, avant on vivait dans un grand immeuble, maintenant dans cette maison. Elle n'est pas si petite que ça, c'est juste moi qui aime me poser des questions idiotes, peut-être qu'il préfère un coin plus tranquille.

Je commence à nettoyer les chambres. Je le fais tellement que finalement, je finis par m'ennuyer, je passe au salon, puis à la cuisine et en une heure, j'ai complètement fini, mais je me sens étrangement fatiguée, j'ai mal à la tête aussi...

Ça me l'a déjà fait plusieurs fois, il y a quelque temps, Julian m'avait donné des médicaments pour que j'aille mieux...

Je serais encore malade ? C'est bizarre, ça ne m'est pas arrivée souvent, à chaque fois, Julian était aux petits oignons avec moi. Ironiquement, c'est ce que je préférais, à ces moments-là, il ne me touchait pas pour ses desseins personnels. J'avais vraiment l'impression d'avoir un père, ce n'est qu'après, que je replongeais dans mon Enfer quotidien.

Mon mal de crâne devient plus sévère, ma tête va exploser. En faisant quelques efforts colossaux, j'arrive à m'allonger sur le canapé du salon, horrible...

Je reste comme ça durant un très long moment, pour ne pas trop m'embêter, j'ai allumé la télé. Mes symptômes ne se sont pas stoppés pour autant, j'ai même dû plusieurs fois m'endormir tellement la douleur est insupportable. Il faut que je le dise à Julian quand il sera là.

On arrive en fin de journée, il est enfin de retour, plus tard que d'habitude. Il avait peut-être rejoint Fernando, je me demande d'ailleurs quand je le reverrai. Malgré ce qui m'est arrivée avec Julian, je l'aime toujours autant. Il est le seul qui avait le droit de venir me rendre visite, son regard était toujours gêné quand il me voyait, je faisais en sorte de ne rien montrer, pour ne pas lui faire mal. Le point négatif c'est qu'il me donnait souvent de faux espoir, je me disais que s'il était si troublé que ça, il allait me libérer, cette illusion n'est pas devenue réalité, comme toutes les autres. C'est ce qui m'a permis d'apprendre, la vie n'est qu'un enchaînement de malheurs, de destructions, quand est-ce que ça s'arrêtera ?

— Eileen ?! Pourquoi le putain d'aspirateur est dans le couloir !

Sa voix démontre qu'il est de mauvaise humeur, j'espère qu'il ne va pas me violenter maintenant, je me sens vraiment pas bien. Il faut que je le canalise, le monstre qu'il a en lui ne doit surtout pas sortir maintenant...

Je tente de crier, je n'y arrive pas, ma voix ne veut pas sortir, la force me quitte, mon mal de crâne ainsi que la fatigue m'empêchent de me lever, je suis figée.

Il arrive dans le salon, passant d'une tête effrayante, à une autre inquiète en me voyant pitoyablement allongée sur le canapé.

— Il t'arrive quoi ma belle ? Me dis pas que t'es encore malade, ça fait déjà trois semaines que tu me fais des trucs putain.

— Désolé... Mais là je me sens trop mal...

Il me regarde bizarrement, je vais mourir ? Ça fait cinq ans que je le connais, je peux le dire, Julian n'a jamais été aussi inquiet qu'en ce moment même. Je m'étais imaginée de différentes manières ma mort, ça va être une putain de maladie qui va me tuer ? Je ne dirais pas non...

Au moins je n'aurais pas mis fin à mes jours moi-même, je n'aurais pas abandonné, je n'aurais pas succombé à la folie et aux désirs qu'éprouvent mon fichu corps.

— Je vais appeler Frédéric, il va voir ce que tu as.

— D'accord. murmuré-je, épuisée. Désolé de vous déranger maître...

Je dois faire en sorte de lui faire le plus plaisir possible. Il aime quand je lui parle comme ça, j'espère que Frédéric saura ce qu'il m'arrive, il est venu à chaque fois que j'ai eu un problème, il ne pose jamais de questions, il parle d'égal à égal avec Julian. En les voyant, je me dis qu'ils se connaissent depuis longtemps, en tout cas assez longtemps pour que Frédéric ne dise rien sur le fait que Julian me séquestre depuis maintenant cinq ans.

Après une heure de douleur, quelqu'un toque à la porte de la maison. Julian s'empresse d'aller ouvrir, j'entends alors la voix de Frédéric. Le doc n'a encore rien fait que je me sens rassurée, j'espère qu'il va me donner ce qu'il faut. Les voix se rapprochent, puis je vois sa silhouette. Il est toujours aussi frêle, pas très vieux, je crois qu'il a trente-cinq ans, je le trouve classe, à part quand je pense qu'il ne fait rien pour m'aider. Peut-être qu'au fond, son âme est aussi noire que ses cheveux, comme Fernando, s'ils étaient réellement respectables, je ne serais plus là.

— Bonjour ma petite, tu vas bien ? s'écrie-t-il d'une voix pseudo enjouée.

Je le regarde la mine horrifique avant de secouer lentement la tête.

— On va voir ce que tu as, je ne vais pas y aller par quatre chemins, il va falloir que tu fasses un test urinaire.

Je le regarde l'air étonné, je ne vois pas du tout le rapport entre mes nausées et mes maux de têtes avec mon urine.

— Tu as eu tes règles dernièrement ? interroge-t-il sans gêne.

— Euh... Pas que je sache non...

— Depuis combien de temps ?

— Longtemps, plus de trois semaines, je crois. Pourquoi, c'est grave ?

Je commence à stresser, Julian est silencieux, ça ne lui va pas du tout, Frédéric me regarde d'un air grave, que se passe-t-il ?

— Eileen, il est fort probable que tu sois enceinte.

N'y pense plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant