T3 - L'Incarnat (terminé)

Chapitre 1

Dao se réveilla lorsqu'une brise fraîche chargée d'air marin lui caressa délicatement la peau, faisant naître un léger frisson qui lui parcourut tout le corps. Il constata que sa compagne était toujours allongée à ses côtés et dormait à poings fermés. Sandre se réveillait toujours en premier le matin mais, depuis quelques temps, elle avait pris l'habitude de se rendormir. Pour sa convalescence, qu'elle disait. Il observa le corps de la voyageuse, étalée au milieu du lit, prenant toute la place et le reléguant vers une bordure très réduite du matelas. Il sourit avec tendresse en mesurant à quel point elle était très exactement au milieu du lit, quand bien même elle lui reprochait sans cesse à lui de prendre toute la place.

Le regard du jeune elfe parcourait le corps de la voyageuse, s'attardant sur ses blessures. La cicatrisation suivait son cours de manière plutôt encourageante. Elle resterait marquée mais au vu des blessures qu'elle avait reçues, elle s'en sortait très bien. Il repensa brièvement au terrible combat qu'elle n'avait pas hésité à mener contre la capitaine tithonienne et ses dagues acérées. Il fut parcouru d'un frisson d'effroi en repensant à cet horrible moment, puis ressentit une bouffée de fierté et d'affection pour sa compagne qui avait fait preuve d'un courage presque démentiel pour le sauver encore une fois.

Mais la réalité de ce souvenir s'estompait au fur et à mesure que Sandre reprenait du poil de la bête. Même si elle devait faire encore attention, elle retrouvait progressivement sa vigueur. Elle s'était montrée étonnamment sérieuse sur sa convalescence pendant les premiers jours, et même suspicieusement docile. Elle était restée allongée et avait fait le moins d'effort possible, mangeait et buvait tout ce qu'on lui donnait, et ne s'était pas plainte une seule fois de la douleur ou de l'ennui. Dao s'était montré aux petits soins avec elle et, même si elle ne l'avait pas vraiment admis, il était sûr qu'elle avait apprécié les attentions. Et sa présence.

A la suite des événements avec Kimmer, ils ne s'étaient pratiquement plus quittés. Ils s'étaient retrouvés. Ou plutôt, c'était comme s'ils s'étaient enfin trouvés. Ils n'avaient finalement pas passé beaucoup de temps ensemble lors de leur voyage dans les montagnes, et encore moins depuis le retour des Laurussis dans le convoi. Et la plupart de ce temps avait été passé à se disputer, s'éviter ou faire l'amour.

Finalement, c'était bien grâce aux blessures de Sandre et son interdiction de faire des efforts qu'ils avaient l'occasion de faire un peu mieux connaissance. Le comportement de la voyageuse à l'égard de Dao avait changé. Elle se montrait plus douce, plus souriante, plus affectueuse. Elle avait probablement eu peur de le perdre aussi. Elle parlait un peu plus et se montrait plus sereine, en confiance. Le jeune elfe était très heureux de la voir s'ouvrir à lui petit à petit. Leurs conversations restaient plutôt laborieuses car Sandre n'était pas très portée sur ce genre de choses, mais elle faisait de toute évidence un effort pour améliorer leurs interactions. Il y avait toujours régulièrement des incompréhensions entre eux, mais ils essayaient d'apprendre à les reconnaître pour pouvoir les clarifier. Ils étaient encore probablement loin du compte, mais leurs échanges devenaient progressivement plus simples.

Après quelques jours de convalescence et de récupération, la voyageuse s'était sentie suffisamment bien pour se remettre à bouger un peu, se lever quelques instants, et bien sûr retrouver le corps de son amant. Leurs étreintes étaient douces, langoureuses et pleines de retenue au début, puis devinrent de plus en plus passionnées à mesure que Sandre récupérait de ses blessures. Elle avait cette faculté à mettre le corps de Dao en feu en seulement quelques mouvements, quelques gestes de ses mains. Et son regard surtout. C'était son regard sur lui, plein de désir, qui le faisait s'enflammer à chaque fois. Lui-même eut tout le loisir d'explorer chaque parcelle du corps de son amante et d'apprendre à en aimer chacune d'elle. Sa voix, son souffle, son odeur, la douceur de sa peau. Chacune de ses réactions. Tout en elle faisait battre son coeur plus vite. Et il en adorait chaque seconde. Il se rendait compte que c'était peut-être un peu naïf de sa part, mais il n'avait jamais pensé que l'on puisse ressentir cela à une telle intensité.

Le fait de l'avoir perdue plusieurs fois, d'avoir failli la voir mourir sous ses yeux, tout cela avait peut-être participé à l'amener dans cet état. Il n'avait rien tant envie que de rester près d'elle, l'enlacer, la caresser et la faire sourire. Oui, simplement passer du temps avec elle, discuter pendant des heures, nourrir leur complicité. Sans limite de temps. Sans danger. Sans autre préoccupation. Juste eux, coupés du reste du monde. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, Dao baignait dans un état de félicité permanent.

Le convoi avait continué sa route après Pridoli, pour atteindre et dépasser Wenlock, dont Dao avait brièvement rencontré les représentants, apparemment de riches marchands et leur garde du corps. Ils étaient accompagnés d'un messager de Tornquist. Le voyage serait raccourci, ils n'iraient que jusqu'à Lochkov. Le seigneur de Tornquist était déjà en route et les y rejoindrait. La situation avait évolué et il fallait se dépêcher. Les tensions dans la région montaient et ils ne pouvaient plus se permettre d'attendre, car chaque semaine, chaque jour même les rapprochait de la probabilité d'un conflit ouvert qui éclate et embrase toute la région. Ils étaient donc arrivés à Lochkov et attendaient le seigneur de Tornquist. Ce n'était que l'affaire de quelques semaines. Ils furent bien accueillis, sans trop d'ostentation.

Dao et Sandre avaient une chambre à eux, avec un vrai lit et de vrais meubles, en dur. Ils n'en sortaient pas beaucoup, à part pour une courte balade au bord de l'océan en début d'après-midi, chaque jour. Sandre avait besoin d'un peu d'exercice et Dao pouvait avoir sa dose de soleil. Et bien sûr, il était totalement fasciné par l'océan. Depuis le début du voyage il avait vu des fleuves, cours d'eau et petits lacs, mais il y avait toujours une ligne d'horizon terrestre. L'océan était infini. Un peu comme les sables du désert, mais avec la ressource la plus précieuse aux yeux de son peuple. En dehors de ces promenades quotidiennes, Sandre s'éclipsait régulièrement pour aller explorer les environs et passer du temps avec les siens.

Dao lui préférait rester dans sa chambre et éviter de trop échanger avec les autres membres du convoi. Il avait conscience que les événements s'accéléraient, et pas dans le bon sens du terme. Il avait appris que des armées arrivaient dans la région et que Lochkov risquait d'être prochainement assiégée ou prise d'assaut. Mais il n'avait aucune envie de se faire du souci pour cela. Il avait pleine confiance envers les gens de son peuple, Visean, Ladinia et les autres, pour le prévenir si la situation devenait dangereuse, et le protéger. Il avait décidé de s'offrir le luxe d'être insouciant et de se reposer sur son escorte. Il voulait profiter de son temps avec sa compagne, avant que les ennuis ne s'abattent sur eux à nouveau.

La voyageuse remua doucement contre les draps doux, un sourire paresseux se formant sur ses lèvres. Le jeune elfe remonta délicatement la couverture sur son corps et lui caressa tendrement les cheveux. Il fut récompensé par un ronronnement de plaisir. Il vint se glisser contre elle et commença à la caresser tout doucement, avec délicatesse, pour finir de la réveiller. Elle n'ouvrit pas les yeux mais vint se presser contre lui. Il l'embrassa sensuellement dans le cou, tandis qu'elle entreprenait d'explorer paresseusement son corps. Il l'entendit le respirer. Elle lui avait avoué à quel point son odeur lui montait à la tête et avait tendance à lui faire perdre tous ses moyens. A ce stade de leur relation, Dao commençait à comprendre ce qu'elle décrivait, car lui même s'était mis à ressentir ce genre de chose, quoi que ça n'était pas ce à quoi il était le plus sensible. Mais à chaque fois qu'il constatait cet effet qu'il lui faisait, et ce depuis leur toute première rencontre, il se sentait grisé. Etonné toujours un peu, mais clairement émoustillé. Il n'avait pas du tout soupçonné qu'il avait un tel pouvoir sur elle.

Il la sentit fondre dans ses bras. Lui-même se sentit s'enflammer rapidement à son contact. Bien vite elle se trouva totalement réveillée et prit les choses en main, tout en se montrant particulièrement tendre avec lui. Alors même qu'ils se faisaient plaisir, elle continuait de le regarder, de le fixer avec intensité, et de le caresser, avec un sourire gourmand. Submergé par le plaisir, Dao perdit un instant pied et la conscience de l'instant présent. Cela faisait quelques temps déjà qu'ils commençaient toutes leurs journées de cette manière délicieuse. Le jeune elfe était au paradis.