T3 - L'Incarnat (terminé)

Chapitre 16

Le lendemain matin, Sandre n'eut pas trop de difficultés à s'extraire de l'étreinte chaude de son amant. Il était rentré tard et légèrement alcoolisé. La voyageuse était contente de voir qu'il était sorti de lui-même et espérait qu'il avait passé une bonne soirée. En tous les cas, il opposa une résistance moins coriace que d'habitude lorsqu'elle entreprit de se lever peu avant l'aube.

Elle avait décidé d'aller faire un tour en ville afin de jauger la situation et son évolution. Il y avait eu de nombreux mouvements d'armées ces derniers jours. Les choses allaient s'accélérer. Il était important de pouvoir anticiper toutes les possibilités. Elle commença par un tour sur les remparts de la ville. Elle avait réussi à se faire quelques contacts parmi les militaires de Lochkov, notamment ceux qui devaient garder les endroits stratégiques comme l'accès aux remparts. En faisant le tour, elle put se rendre compte de l'avancement de la défense de Lochkov.

Du côté de la mer, des défenses de base avaient été mises en place pour protéger le port et freiner la progression d'une éventuelle flotte ennemie. Lochkov disposait d'une petite flotte de combat, prête à se déployer, mais apparemment il n'y avait pas lieu d'attendre une attaque par la mer. En effet, Aravalli était une armée de terre et la flotte de Terregrise semblait n'être pour sa part qu'un simple transport de troupes non équipé pour le combat. On ne pouvait exclure l'arrivée de nouvelles forces, mais dans l'intervalle, la défense Lochkovite se préparait surtout à faire face à ce qui viendrait des terres. L'absence de flotte ennemie empêcherait également que la situation ne dégénère en siège à proprement parler. Les approvisionnements étaient garantis et une évacuation d'une partie de la population était possible si la situation l'exigeait.

Du côté de la terre, Sandre fut impressionnée de voir les progrès réalisés pour la défense. Deux tranchées avec des murs avaient été installées devant les remparts et tout autour de la ville. Dès le moment où Aravalli s'était postée vers les frontières, la possibilité qu'elle entre et vienne vers Lochkov avait fait prendre la décision d'installer ces ouvrages de protection supplémentaires. De nombreux effectifs avaient été mobilisés et avaient travaillé sans relâche depuis. Le résultat était là.

D'après ce que Sandre avait compris, Lochkov avait décidé de concentrer toute sa défense sur la ville. Ils avaient ainsi, dans la mesure du possible, fait rapatrier les populations de la campagne, avaient organisé un acheminement du maximum de ressources possibles, et avait stationné le gros des armées en ville. En se concentrant ainsi dans une zone fortifiée et en contrôlant le terrain, ils pensaient pouvoir faire face aux armées leur arrivant dessus, mieux entraînées et mieux équipées. En dehors de cela, les forges fonctionnaient à plein régime, des habitants avaient été recrutés et le commandement avait organisé les forces afin qu'il y ait en permanence des troupes en alerte et des troupes au repos.

La voyageuse s'arrêta un instant pour regarder les soldats travailler en contrebas. Elle avait appris que les Tithoniens avaient prêté leur corps du génie pour la mise en place de ses défenses. Le savoir-faire tithonien devait être particulièrement bienvenu pour organiser la défense de la ville. Sandre repensa à Saamian, son ancien amant si appliqué, qui devait probablement avoir participé à la mise en place de ces tranchées et remparts. Le Tithonien avait pris ses distances avec elle lorsqu'elle avait retrouvé Dao. De toute évidence, il n'avait pas d'intérêt à entretenir une relation avec elle si elle restait habillée. Sandre n'avait pas de problème avec ça et gardait un souvenir plus qu'agréable de ses nuits passées avec Saamian.

Perdue dans ses souvenirs, un petit sourire nostalgique sur le visage, la voyageuse ne repéra la présence d'Isan qu'au dernier moment. Cette dernière était une combattante expérimentée avec qui elle avait sympathisé, qui était souvent postée sur les remparts lors des premières heures de la journées. C'était principalement par elle que Sandre avait des informations sur l'avancement général de la situation du point de vue des militaires. Isan avait une manière très simple et pragmatique de présenter les choses, ce que la voyageuse appréciait tout particulièrement. Comme à chaque fois qu'elle montait sur les remparts, Sandre avait amené deux ou trois choses à grignoter pour la soldate. Elle se contentait de passer en cuisine et de prendre ce qui avait l'air le plus cher ou compliqué. Isan, comme la plupart des soldats, n'avait pas les moyens de se payer de la nourriture de luxe, alors Sandre lui faisait profiter de ses entrées aux cuisines du palais central.