T3 - L'Incarnat (terminé)

Chapitre 8

Depuis sa discussion avec Aeron, Sandre faisait régulièrement des incursions en ville pour aller à la pêche aux informations. Le Laurussi n'avait pas perdu de temps et avait immédiatement mis ses personnes de confiance à contribution. La voyageuse était envoyée dans les différents quartiers pour approcher ou observer les populations, les groupes qui s'organisaient, leurs ressources et leurs revendications. Au début elle ne comprenait pas bien le principe de ces missions, ni même ce qu'elle devait faire exactement. C'était une éclaireuse efficace en pleine nature, pour repérer et pister des troupes, des gens, des animaux, voir combien ils étaient et comment ils étaient équipés. Mais là elle devait se balader dans les rues et laisser traîner ses yeux et ses oreilles, avait dit Aeron. Au début elle s'ennuyait et trouvait cela stupide. Elle n'avait clairement pas les compétences pour faire ce qui était attendu. Elle soupçonnait son ami de l'avoir envoyée faire du travail inutile et inoffensif pour ne pas la mettre en danger.

Puis à force elle commença à percevoir l'émergence de schémas, comment tout cela fonctionnait à l'abri des regards. Elle put fournir de nombreuses informations sur les différents groupes et les personnes qui les constituaient. Leurs noms, alliés et ennemis, ressources, compétences. Leurs personnalités. Et même certains secrets et faiblesses. Oh, cela restait limité car elle ne faisait pas cela depuis suffisamment longtemps, mais elle avait appris tout de même deux ou trois choses intéressantes. Certains groupes contestataires étaient apparemment soutenus financièrement et dans le plus grand secret par des membres de l'élite Lochkovite. Elle n'était pas sûre de comprendre l'intérêt d'une telle manoeuvre, mais selon Aeron, soit ils agissaient pour nuire à des rivaux à Lochkov même, soit ils étaient en cheville avec Aravalli ou Pragia pour aider à déstabiliser la ville.

Sandre savait qu'Aeron avait chargé plusieurs personnes avec le même type de mission. Si tout le monde ramenait quelques ressources pertinentes, le Laurussi pourrait avoir une vision assez complète de la situation en ville. Il avait aussi envoyé des gens à l'extérieur et amassait des informations sur les troupes, la campagne et ses occupants, le terrain. Mais il n'avait toujours aucune nouvelle du Chevalier Rhyac, ni des messages envoyés à Pragia.

Il passait beaucoup de temps avec les diplomates et dirigeants de Lochkov et, même s'il ne partageait pas toutes les informations qu'il avait par précaution, il aidait beaucoup et était pleinement intégré dans le processus de la gestion des événements qui se préparaient.
Les choses se mettaient en mouvement, et pas forcément dans le bon sens. Depuis peu, une imposante flotte avait été aperçue au large de Lochkov. Elle était stationnée et ne bougeait pas depuis son arrivée. C'était une compagnie mercenaire de la région. Depuis son arrivée, Lochkov tout entière était devenue encore plus nerveuse. La Compagnie de Terregrise provenait de l'île du même nom, située dans l'océan au Nord-Ouest de la cité-état. Les rumeurs les plus folles couraient sur cette île, ses habitants et la dirigeante de la compagnie de mercenaires, la redoutable générale Ioni.

Sandre n'avait écouté que d'une oreille ce qui se disait sur elle, car les histoires étaient lourdement mêlées à des légendes et des exagérations sans queue ni tête. Pour résumer et s'en tenir à ce qui était à peu près réaliste, cette Ioni était une combattante à la tête d'une armée de mercenaires aguerris. Personne n'avait l'air de savoir quoi que ce soit de plus à son propos. L'île de Terregrise lui appartenait et malgré sa nature peu hospitalière, elle accueillait des populations de réfugiés d'un peu partout. L'armée mercenaire était réputée très efficace et intervenait plutôt sur des conflits prenant place dans d'autres régions, afin de conserver des relations harmonieuses avec les cités-états voisines. Les représentants de Terregrise et des cités de la région avaient plutôt tendance à faire du commerce, c'est pourquoi l'arrivée de leur armée était inhabituelle et inquiétante.