T3 - L'Incarnat (terminé)

Chapitre 5

Dao passait de moins en moins de temps avec sa compagne. Ses blessures presque parfaitement guéries, elle était souvent hors de leur chambre à rôder, explorer. Reconnaître la zone faisait partie de ses fonctions, d'une certaine manière. Tout comme celle du jeune prêtre était de se recueillir et se préparer pour le rite à venir. C'était parfaitement normal et ne lui posait aucun problème. Mais il prenait conscience que cette période passée l'un avec l'autre dans un petit cocon sans la moindre influence du reste du monde avait été une parenthèse, qui touchait à sa fin. La première fois où elle était sortie explorer la ville, il avait été mort d'inquiétude. Mais finalement tout se passait bien et elle rentrait toujours en pleine forme, pour lui décrire ce qu'elle avait vu de beau ou d'intéressant. Il n'avait toujours pas envie de sortir. Il savait que la situation se dégradait là dehors. Raison de plus pour ne pas en entendre parler et rester concentré sur son culte.

Depuis quelques temps, lorsque Sandre rentrait, elle avait souvent des messages de la part d'autres membres du convoi. Apparemment ils avaient pris l'habitude de passer par la voyageuse pour le joindre. Elle ne paraissait pas particulièrement enchantée par cette nouvelle fonction mais se pliait au jeu de bonne grâce. Des gens venaient souvent vers elle pour lui demander comment il allait, pour transmettre leurs respects ou quelques nouvelles les concernant. Dao était fasciné et amusé par sa manière parfois féroce de synthétiser et résumer les paroles et comportements de ceux qui s'adressaient à lui par son intermédiaire. Il devait également avouer que ça lui simplifiait grandement la vie. Beaucoup voulaient savoir quand est-ce qu'ils le reverraient. Mais Dao faisait finalement ce qui était initialement attendu de lui dans le cadre de ce convoi : rester caché à la vue de tous jusqu'à la cérémonie.

Parfois Visean et Ladinia passaient pour voir s'il allait bien et lui résumer que l'actualité à Lochkov semblait empirer et que le Chevalier Rhyac n'était toujours pas là. Apparemment ils commençaient à envisager la possibilité qu'il ne vienne jamais. Dao n'aimait pas trop ce genre de nouvelles, mais les deux elfes étaient bien obligés de le prévenir, car la situation pouvait se débloquer d'un jour à l'autre, et les options de dénouement étaient impossibles à anticiper. L'état des choses était à la stagnation, mais dès qu'il y aurait à nouveau du mouvement, il faudrait agir très vite.

Au final, après avoir bataillé tellement dur pour avoir le droit de sortir du palanquin et explorer le monde et ses habitants, le jeune elfe se sentait très bien dans sa chambre luxueuse, à se consacrer à son dieu et à sa compagne.

Même si la voyageuse était souvent absente, ils avaient gardé l'habitude de sortir tous les jours se promener au bord de l'océan en début d'après-midi. L'endroit où ils logeaient était proche de l'eau, et un accès discret existait vers une crique que l'on ne pouvait atteindre que par le palais.
Ainsi, tous les jours en début d'après-midi, au moment où le soleil était le plus intense, Dao et Sandre sortaient sur la plage, accompagnés des trois gardes qui surveillaient et protégeaient le prêtre en permanence. Au début, les sorties étaient courtes et consistaient à s'asseoir sur une petite chaise pour Sandre, et dans le sable pour Dao. En temps normal il n'était pas exactement un amateur de sable et de son insupportable faculté à s'insinuer partout, même dans les vêtements les plus hermétiques. Cependant, cela faisait des mois qu'il avait quitté son désert natal et son pays lui manquait. Enfouir ses mains sous le sable chaud comme lorsqu'il était enfant lui faisait du bien. Il restait comme ça assis par terre, les mains dans le sable, la tête sur la cuisse de sa compagne tandis qu'elle lui caressait les cheveux, en silence. Il fixait l'océan, en humait l'odeur à pleins poumons, et se laissait envelopper par la chaleur du soleil.

Par la suite, quand Sandre fut en meilleur état, ils se promenaient sur la plage main dans la main, mais la zone était petite, alors ils finissaient toujours par s'asseoir dans le sable, ou s'allonger. Sandre essaya de l'encourager à se dévêtir pour mieux profiter des sensations du soleil et du vent sur sa peau, mais Dao ne voulait pas en présence des gardes qui, au vu de l'endroit, n'avaient nulle part où se poster hors du champ de vision.

Il avait beau se sentir parfaitement à l'aise nu en présence de sa compagne, voire même il prenait beaucoup de plaisir à sentir son regard sur lui, mais il n'en était rien pour les autres personnes. Il avait toujours la même pudeur.

Et puis elle avait suggéré qu'ils pourraient aller se baigner dans l'eau, nager un peu. Il avait redouté qu'elle finisse par avoir cette idée tôt ou tard. Il n'en n'avait vraiment pas envie. Déjà il ne voulait pas se déshabiller, et surtout il n'était pas exactement un bon nageur. Il n'avait pas l'habitude des vagues et n'était pas vraiment rassuré. Ce jour-là Sandre n'insista pas pour le convaincre. Elle se leva, enleva ses habits et se dirigea d'un pas décidé vers l'eau. Dao se sentit horriblement mal à l'aise et se tourna immédiatement vers les gardes, qui étaient les trois en train d'essayer de regarder ailleurs en rougissant intensément. Il leur fit signe qu'il était désolé, mais ils regardaient vraiment ailleurs et ne relevèrent pas. Puis son attention revint vers sa compagne qui barbotait dans l'eau. Elle n'était de toute évidence pas une grande nageuse non plus, aussi ne s'éloignait-elle pas trop.

Elle sortit après quelques minutes d'un pas assuré pour venir s'allonger près de lui. Il l'observait avec émerveillement. Couchée nue dans le sable, nimbée de lumière du soleil : la vision était parfaite. Il la trouva très belle à ce moment, à couper le souffle, et fut pris de l'envie de l'emmener lui faire découvrir le désert lorsque toute cette histoire de cérémonie serait terminée.
Au fil des jours, à force de la regarder faire, il eut finalement envie de l'imiter. Il demanda aux gardes de se retourner et la rejoignit. Il fut un peu craintif au début, mais les sensations lui plurent beaucoup. Depuis ils se baignaient ensemble tous les jours puis se laissaient sécher au soleil. Bon sang que Dao aimait ces moments. Finalement ils avaient toujours leur cocon.