7. Ray.

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Téha est enfin partie.

Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Je ne parviens pas à me contrôler, ma bête est déchaînée sous ma peau. Nos cœurs résonnent ensemble mais je n'arrive pas freiner ma mutation. Elle me griffe de l'intérieur et rugit si fort que je ploie sous sa puissance. Je tombe à genoux et subit la naissance de ma bête sans ménagement. Elle n'a jamais fait dans la dentelle par le passé, et jusqu'à aujourd'hui notre harmonie nous a toujours permis de laisser la place à l'un ou l'autre. La maîtrise était rodée.

Qu'est-ce qui a changé ?

Pouvoir, Ombre, grogne ma bête.

Le pouvoir. Oui le pouvoir de Téha

Petite fille qui crie.

Je voudrais deviser avec ma bête mais elle ne me laisse aucun répit. Mes bras craquent, se tordent, mes doigts se recroquevillent pour repousser mes omoplates vers le ciel. Mon visage déjà en bonne voie, s'agrandit et la rage de dents qui me torture m'arrache un hurlement plus proche du feulement que d'un cri d'homme.

— Nom de dieu vous m'aurez tout fait aujourd'hui, j'entends au-dessus de moi.

Mon dos s'arque et mes hanches me propulsent sur le flanc pour permettre aux pattes de ma bête de prendre forme. Je profite d'un apaisement pour souffler et consentir à laisser ma place à la panthère qui partage mon ADN depuis ma naissance, plus doucement.

C'est avec toute la délicatesse sauvage qu'elle me retranche au fond pour s'abreuver de la réalité. Emile se penche au-dessus d'elle et balance, désappointé :

— La Hiérarchie est au courant et quelqu'un est venu chercher ta protégée. Maintenant tu vas me faire le plaisir de disparaître et ne plus jamais remettre les pieds ici.

Ses yeux brillent de la puissance animale qui sommeille en lui. Il n'est pas plus vieux que moi, mais a une maîtrise bien plus sereine que la mienne. Mon passé violent restera pour toujours la seule façon dont ma bête et moi avons réussi à grandir et évoluer ensemble. Même si l'éducation que le Maître m'a donnée, a comblé nombreuses lacunes d'adaptations au monde des humains.

Ma bête pousse un grognement et se relève souplement. Elle contourne Emile et nous sortons en catimini par la porte de service pour rejoindre l'extérieur. Il fait encore jour et si un humain nous voit, cela risque d'engendrer de la panique. On se faufile entre les voitures garées et longeons les bâtiments dans l'ombre que je manipule pour fuir vers la nature encore préservée aux abords de la ville.

Elle relâche la pression qu'elle exerce sur moi, pour me permettre d'utiliser la magie qu'on m'a octroyée, afin de jouer avec les ombres. Ainsi on pourra rester cachés aux yeux des humains.

Nous poursuivons notre cavalcade pendant un long moment avant de nous sentir en sécurité. Ma bête a besoin de chasser et je ne suis pas sûr qu'elle trouve de grandes proies dans ce petit bois. Je la laisse errer et guetter la chair fraîche qu'elle désire tant. Cette faim qui gronde en elle me déstabilise à chaque fois. Je devrais y être habitué, mais non. Je n'éprouve aucun plaisir à subir cette partie de notre cohabitation. Après tant d'années, cela me répugne toujours autant. Je ne sais pas comment font les autres métamorphes comme moi.

Il fait nuit quand enfin, elle se calme et qu'elle me laisse interagir avec elle. Elle se prélasse sur l'épaisseur de feuilles mortes qui jonchent le sol et comme elle, je reste à l'affût du moindre bruit. Puis elle décide qu'il est temps d'échanger.

Ombre. Tu as senti le pouvoir de petite fille ?

— Oui. Je crois qu'elle n'en a pas conscience. Je n'avais jamais fait attention qu'elle recelait autant de puissance. Elle a pourtant subi l'Ascension avant son accident.

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