13. Téha

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Le silence emplit l'habitacle et nous roulons derrière le pick-up dans un calme relatif. L'aura de Queen se stabilise enfin. Ce qui me soulage, quoi que j'en dise. Je le vois garder toujours à l'œil le véhicule qui nous suit et de temps à autre, il grogne pour montrer son agacement. Cependant, il finit par me lancer un sac en papier dans lequel sont regroupées des fringues. A son œillade dans le rétro, je vois qu'il attend que je me dévête de ma serviette pour enfiler mes nouveaux vêtements.

Je maintiens mon attention sur lui et mets mon nez dans le sac pour voir ce qu'ils m'ont trouvé. Je sors une robe à fleurs rouges, une petite culotte et des converses noires. Je farfouille dans le fond du sac et ne vois rien d'autre. Pas de soutien gorge, ni de haut plus chaud. Je l'interpelle d'une voix forte :

— Eh il manque des choses là dedans !

— Quoi ? T'as une robe et une petite culotte. Y a tout ce qu'il faut !

— Certainement pas ! Tu vas t'arrêter dans le prochain supermarché et me laisser acheter ce qu'il manque.

Il me lorgne par le rétro et ses yeux froncés ne cachent pas son agacement :

— Petite chatte, il n'est plus question qu'on s'arrête avant d'être arrivés chez Euzebio. Alors tu vas devoir composer avec ce qu'on t'a pris. On n'a plus le temps, fait-il en insistant bien sur le fait que son ordre ne pouvait être contesté.

Je m'adosse dépitée et boudeuse en le fusillant d'un regard noir. Il est clair que dès que j'en aurais l'occasion, je lui ferais payer tout ce qu'il me fait endurer. Je décide pour le moins de m'habiller. Je passe la robe par-dessus ma tête et plaque la serviette de bain afin que cet abruti ne mate pas la moindre partie de mon intimité. J'ajuste les bretelles de la robe, puis tire sur le tissu du jupon afin de retirer la serviette et enfiler le sous-vêtement. Je fais un peu de gymnastique et remarque que mon conducteur cherche à se rincer l'œil, dès que c'est possible.

Je ne sais pas combien de temps nous roulons avant que je n'observe un changement notable de l'atmosphère dans l'habitacle. L'air s'est densifié et devient écrasant. J'ai beau ouvrir la fenêtre, l'air est toujours aussi suffoquant, autant dehors que dedans. Je me concentre sur mon chauffeur et remarque que la provenance de ce changement vient de lui. Je discerne son aura s'élargir par vague autour de lui, pour remplir tout le véhicule. Ces vagues ondoient vers moi et chacune d'elle empire à chaque salve.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— J'espère que tu as bien attaché ta ceinture, annonce Queen les mains crispées sur le volant.

Je fronce les sourcils et croise son regard dans le rétro. Mais ce n'est pas moi qu'il regarde. Je suis son regard et tends le cou vers le pare-brise arrière, pour découvrir ce qui l'ennuie. Je repère une voiture noire type 4 x 4 qui colle un peu trop au train du monospace rouge derrière nous, en cherchant à le dépasser. Pas très discret.

— Je dois m'inquiéter ? je demande en s'agrippant fermement à la poignée de la portière.

— Ça va secouer un peu petite chatte, gronde-t-il comme s'il anticipait la situation avec un plaisir non feint.

— Quand tu dis secouer... c'est genre auto-tamponneuse ?

— Ouais, un peu de ce genre, marmonne-t-il le regard rivé sur le rétro extérieur.

Je n'ai pas vraiment le temps de répliquer quoi que ce soit, que la voiture est percutée sur ma droite dans un son effroyable de tôles qui se rencontrent violemment. Je lâche la poignée et je suis projetée sur la gauche par le choc. Un cri aigu s'échappe de ma bouche et j'ai l'impression que mes côtes sont prises en étau.

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