23. Ray

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Je suis en colère ! Non je suis furieux ! Furieux que le Maître m'évince de l'éducation de Téha ! Surtout après tout ce temps passé auprès d'elle à lui inculquer toutes les valeurs d'une bonne personne. Je l'ai élevé durant la moitié de sa vie et secondé dans la deuxième, comment le Maître peut-il m'éloigner d'elle ? Si le Chaman et lui n'avaient pas décidé de lui effacer la mémoire, jamais on ne serait arrivé à cette situation. A quoi ai-je servi durant tout ce temps ? A veiller sur elle comme si elle était ma propre fille et on m'en écarte pour la laisser aux mains d'un fou qui prend plus plaisir à verser le sang qu'à le contenir !

Ma bête gronde et secoue la tête face à ma colère et râle après moi. Elle ne supporte pas quand je laisse part à mes émotions qu'elle ne saisit pas et ne veut pas s'y attarder. Et pourtant c'est ce qui fait un bon chasseur. Déterminer si en face on aura le dessus, jouer avec les émotions de l'autre et porter le coup fatal. C'est pour cela que je gagne bien plus de combat que lui tactiquement. Même si les mises à mort sont toujours de son fait, il ne fait aucun doute que notre spécialité n'est qu'un savant mélange de nos aptitudes respectives.

Je foule à grands pas l'herbe folle et sèche de l'étendue qui se trouve derrière la maison de Lysianah avant de me retrouver sous couvert des arbres en nombre dans la région. Je suis attendu près du bassin Marquis. L'avantage du territoire des Naggas ce sont les bois qui recouvrent une partie de la ville. Et j'apprécie le fait qu'un point d'eau s'y trouve non loin. Un bon point pour garder éloigner les Indécis.

Je ne mets pas longtemps à retrouver la trace olfactive d'un vieil ami. Je ne me cache pas, non loin une faction attend cachée derrière un fourré. Je m'approche lentement jusqu'à ce que je reconnaisse Levon, accroupi en train de guetter. Le chef de la section 17 me fait signe de m'immobiliser puis engage des ordres à ses hommes qui s'éparpillent discrètement. Il se lève tout en gardant un œil sur ce qu'il a repéré et vient à moi sans un bruit.

— Ray. Bienvenue dans la chasse.

Je serre la main qu'il me tend et lui demande sans détour :

— Levon. La chasse est bonne ?

— Un groupe isolé d'Indécis a réussi à s'écarter du groupe principal qu'on suit depuis dix jours.

— Combien sont-ils ?

— Aux dernières nouvelles, dix.

Je suis étonné par cette précision un peu trop floue de sa part.

— Aux dernières nouvelles ! Elles datent de quand ?

— Deux heures. Mais avec leur capacité à se multiplier trop rapidement, je parierai bien sur cinq à sept de plus. Tu ne seras pas de trop pour nous filer un coup de main.

Mon vieil ami sort sa lame de son fourreau, y passe le doigt sur le fil et la remet en place. Il n'a pas changé, le tique pour se rassurer est toujours d'actualité.

— Comment peuvent-ils augmenter leur nombre aussi vite ? je questionne les sourcils froncés. Je suis curieux de savoir si mes présomptions se vérifient.

Levon sort son terminal portable et me montre les dernières photos prises sur leurs précédentes captures. Puis me laisse visionner une courte vidéo où l'on peut voir un Indécis mordre férocement un homme dans une ruelle sombre.

— D'après nos observations, une morsure suffit. Leur mode opératoire a changé depuis que l'enfant est née. Il s'est affûté et est plus discret. Il semblerait même que les nouveaux maîtrisent bien mieux la mutation que du temps des Quatre.

Qu'il fasse référence à Téha soulève bien le problème. On a toujours pensé qu'à sa naissance, les choses allaient changer, que tout ce qu'on avait bâti allait s'effondrer pour faire apparaître un nouveau monde auquel on était pas préparé. Et on en voit les prémices. L'option envisagée de contamination a évolué et annonce clairement que l'Idole reprend le dessus. Notre retour vers la Montagne est inévitable.

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