17. Téha.

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La vie est drôlement mal faite. Il y a des gens pour qui tout roule, peu d'embûches sur leur route pavée de joie et de bonheur. Tandis que pour d'autres, c'est la déchéance et le malheur à chaque carrefour. Et Neeva n'échappe pas à cette règle. Et moi non plus d'ailleurs. Je pourrais me satisfaire de ma chance pour aujourd'hui mais j'ai comme le pressentiment qu'elle va tourner sous peu. C'est là dans mon ventre, ça me tord l'estomac et met mon cœur en alerte. Il bat un coup fort, un autre trop lent et reprend son rythme complètement désordonné. Je dirais que je suis habituée à ce qu'il joue les capricieux, mais là, je trouve qu'il aurait besoin d'une mise à jour.

A nous jauger l'une et l'autre, je n'ai remarqué que trop tard le changement qui s'opère en elle. J'ai seulement perçu qu'un sourire fleurissait sur ses lèvres avant qu'elle commence à rire. Je me raidie et affronte son rire qui devient un ricanement trop mauvais pour passer pour de l'épuisement. Les douleurs devaient la mettre à bout, mais son rire si malsain traduisait bien autre chose. Je me lève d'un bond et une alarme retentit dans ma tête. Elle me crie que le danger réside chez Neeva. Dans le choix qu'elle a fait et pour lequel elle se retrouve à présent coincée comme une poupée désarticulée.

Les chamailleries des deux hommes dans le salon cessent et ils accourent près de moi. L'auréole du danger les englobe comme le halo saint des anges. Seulement la couleur se délite de seconde en seconde pour ne laisser place qu'à un gris troublé par un vert dégueulasse.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande Ray à l'affût.

Je remarque que son aura virevolte dans tous les sens et que la couleur de l'inquiétude la zèbre régulièrement. Et l'autre fou semble juste intrigué.

Neeva rit si fort et de façon si hystérique que c'en est flippant. Elle est contente de la situation. Ce que je ne serais pas si j'étais dans sa position. Puis tout à coup, elle se remet à bouger. Elle soupire et ses bras se relâchent en même temps avant que je ne vois en temps réel ses os se ressouder. Elle gémit parce que cela ne se fait pas sans mal et d'un autre côté, elle en éprouve une satisfaction bien trop grande pour que cela cache quelque chose.

Elle se redresse et se soulève du sol avec difficulté, alors même que ses os ne sont pas encore remis à leur place. Elle crie puis se tait, quand elle se tient enfin à genoux. Elle nous toise et part dans un grand éclat de rire hystérique qui augmente le niveau d'alerte.

— Vous êtes tellement pathétiques, tous autant que vous êtes ! Et encore le mot est faible, ricane-t-elle avec un air dément sur le visage.

D'horribles craquements et de chuintements résonnent dans le hall et la font tressauter.

— Qu'est-ce que tu as fait ? s'inquiète Ray sur ses gardes.

 Elle sourit de toutes ses dents et ce n'est pas beau à voir. Disparue la jolie poupée. Ses yeux se voilent de noir, elle les ferme et se délecte de la sensation.

— Ray soumets-la ! je m'écris pour empêcher le pire d'arriver.

Parce que c'est ce que je pressentais. Mon duvet se redresse sur mes bras et je sens comme une urgence là, à l'intérieur de moi.

— Je ne peux pas, constate Ray très ennuyé.

Ah ! Il a enfin une réaction normale face à la situation. Mais ce n'est pas la réponse que j'attendais.

— Mais c'est bien toi qui...

— Ce n'est pas Ray ! C'est le Maître espèce d'abrutie ! s'agite Neeva dont la vexation refait surface.

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