Téha. Partie 2

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Je n'ai pas passé une merveilleuse nuit. Certes Calam' a dormi avec moi sur le lit et elle non plus n'a pas beaucoup dormi. Elle a sommeillé par moment mais elle a surtout fureté dans tout l'appartement à plusieurs reprises. C'est donc la tête en vrac, que je me suis rendue à la librairie ce matin. Ray m'a envoyé un message concis pour m'assurer que le danger est écarté.

C'est lui qui a ouvert. Je ne lui adresse pas la parole et je ne fais pas d'effort pour arrondir les angles. C'est lui qui a les cartes en mains, moi je ne veux que savoir ce que je suis réellement et pourquoi je suis en danger.

Nous accueillons les clients comme à notre habitude. Vers onze heures, je m'inquiète de ne pas voir Charlène ni Emilia. Je fais donc l'effort de m'adresser à Ray qui termine d'encaisser une cliente.

— Tu as des nouvelles de Charlène ?

— Non, fait-il simplement puis remercie la cliente avec un sourire avant de se tourner vers moi. Tu peux prendre le relais ? Je vais essayer de l'appeler.

Je l'observe attentivement et son aura inquiète me renseigne sur la situation.

— Toi aussi tu trouves étrange son absence ?

— Oui. D'habitude, elle prévient toujours.

Il me laisse la place, se saisit de son téléphone et appelle notre patronne. Cependant, je n'ai aucune idée de la teneur de la conversation, puisqu'il s'éloigne vers son bureau. Il reste bien dix bonnes minutes, enfermé dans la pièce, avant de ressortir l'air encore plus grave qu'au départ.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Il regarde autour de lui puis reporte son attention sur moi.

— Ils ont retrouvé Emilia, dit-il d'une voix trop grave pour que ses retrouvailles soient bonnes.

Je suis comme saisie par un froid, qui déferle tout le long de ma colonne vertébrale. Un froid glacial et piquant.

— Comment ça retrouvé ?... Elle va bien ?

OK, je ne porte pas Emilia dans mon cœur, c'est une tire au flanc, mais je ne la déteste pas au point que sa disparition ne me touche pas.

— Non, elle ne va pas bien, fait-il en surveillant du coin de l'œil un client qui passe à côté de nous. Je suis désolé mais ce midi nous ne pourrons pas manger ensemble.

Sa façon d'annoncer ça, excite mon palpitant qui se met à battre plus fort. Un mauvais pressentiment me gagne.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe, Ray ?

— Emilia ne viendra plus travailler ici. Plus jamais. Et je dois aller à une réunion d'urgence à son sujet. Tu auras quelqu'un qui surveillera tes arrières, tu n'as pas à t'inquiéter, d'accord ?

M'inquiéter ! Surveiller mes arrières ! Je frissonne et resserre mes épaules et demande de nouveau :

— Pourquoi devrais-je m'inquiéter ? Qu'est-ce qui est arrivé à Emilia, Ray ?

Il me fixe d'un regard dur et puis ses traits s'adoucissent. Il me dit alors :

— Je suis désolé mais Emilia est décédée.

Oui, je n'aime pas beaucoup Emilia, mais entendre Ray me dire qu'elle est morte me fait un gros choc. Les gens meurent OK. Mais ils meurent de vieillesse, de maladies, dans les films, partout ailleurs, pas dans mon entourage !

— Écoute, Téha, tout va bien se passer. Ici, tu ne risques rien.

— Où ça ici ? Dans la librairie ? Dans la rue ? Chez moi ? Ça, tu voies j'en doute, avec ce qu'il s'est passé hier soir !

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