Téha. Partie 2

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Je profite de l'absence momentanée de notre hôtesse et observe Queen avec attention. J'avais remarqué sa carrure plutôt svelte et musclée. Son visage particulièrement froid et en perpétuelle colère, démontre le personnage dangereux qu'il s'est construit et que Ray avait si bien présenté. Pourtant, il se dégage de lui une sorte de fragilité et de force. Comme si la première était là pour tromper l'œil. Sa beauté sauvage éblouit la férocité du psychopathe, qu'on m'a spécifiquement prévenu d'éviter.

Un courant d'air fait voler les cheveux détachés de Queen et sur le divan, Neeva, assise un bras sur le dossier et les jambes croisées, l'observe avec beaucoup trop d'insistance. Je crois saisir qu'elle désire Queen, comme une femme peut désirer un homme et comme un prédateur devant une friandise. Il y a comme quelque chose de très intime et de rancunier entre ces deux là. Et quelque chose d'autre qui s'apparente à de la voracité et au primitif, à l'animal et au danger. Clairement, je n'ai pas très envie de me retrouver entre eux deux, pour une raison que je ne n'arrive pas à identifier.

— Il vous attend dans son bureau, fait-elle en se mordant la lèvre inférieure, à en faire couler une perle de sang.

— Tu n'as jamais été aussi rapide, remarque Queen sans se détourner de la baie, le corps en tension.

— Je t'ai trouvé un remplaçant, répond-elle le menton relevé et le regard plein de défi.

— Tu m'en diras tant, soupire-t-il, pas le moins intéressé par ce qu'elle dit.

Mon compagnon se retourne, ignore notre hôtesse et se dirige vers moi. Ses pupilles ne sont plus que deux fentes noires, cerclées d'or iridescent. Cela en est fascinant. Il prend ma nuque entre ses doigts et m'oblige à le suivre.

Il plante ses yeux dans les miens et me rappelle :

— N'oublies pas. Pas un son ne sort de ta bouche.

Je lui fais un signe de la tête et je le suis sans rechigner. Neeva a quitté le divan et se dirige déjà vers le couloir, caché derrière une large porte en bois. Nous déambulons jusqu'au bout avant de nous arrêter devant une autre porte noire, sertie d'une poignée en inox moderne. Derrière elle, des voix s'en échappent, puis elles cessent. Neeva frappe de deux coups puis un « entrez » est lâché. Elle ouvre le battant et nous laisse passer. Queen me tient toujours par la nuque et me pousse vers les cinq personnes regroupées autour d'une grande et lourde table.

Trois hommes et deux femmes y sont assis. L'un des hommes se lève et tend une main vers nous. Il doit avoir la quarantaine, les tempes grisonnantes sur une épaisse chevelure noire et brillante de gomina. Sa peau mâte est parsemée de tatouages noirs et rouges qui dépassent de sa chemise à manches courtes en soie bariolée.

— Queen mon ami. Bienvenue chez moi, s'exclame-t-il d'une voix chaleureuse.

— Euzébio, se contente de dire Queen en imprimant une pression sur ma nuque pour m'obliger à baisser la tête vers le bas.

Je vois son aura virer au vert percé par des filaments gris. Il est inquiet et contrarié. Ce n'est pas bon pour nous ça. Euzébio consulte sa montre puis les quatre autres personnes autour de la table.

— Il me semble que nous avions un accord, lâche Euzébio à notre attention.

— Il a été tenu, fait mon compagnon sans me lâcher la nuque. Je ressens comme une tension dans ses doigts qu'il essaie de maîtriser.

— Avec plus d'une heure de retard.

Queen ne répond pas tout de suite. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans son cerveau de psychopathe, mais il doit calculer nos chances de réussite.

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