Feelings Fade With Distance [Terminé]

10- Victoire

10 avril

-Vous avez 20 ans, votre matière principale est l'économie, votre centre d'intérêt le sport... Je ne vais pas vous cacher que votre candidature est surprenante.

La femme dont je n'ai même pas retenu le prénom boit une gorgée encore de son café. Si je suis ici c'est pour trouver un stage pour cet été, mais le rendez-vous touche bientôt à sa fin et je n'ai pas l'impression de l'avoir convaincu.

-Notre agence de publicité reçoit des dizaines de demandes que nous trions minutieusement, qu'est-ce qui vous fait croire que vous pouvez faire partie de ceux qui seront choisis?

Plus les minutes avancent, plus mes chances s'éloignent et cette femme se dévoile comme une personne hautaine et condescendante en tout point.

-Je suis motivée, et faite pour le travail d'équipe?

Le ton interrogateur que j'emploie en fin de phrase n'a pas l'air de lui plaire. Elle note quelques mots dans son calepin puis se lève et me tend la main.

-J'ai été ravie de faire votre connaissance, vous êtes adorable mais un conseil pour vos prochains entretiens. Décoincez-vous un peu et mettez votre stress de côté.

Je hoche la tête sans savoir quoi répondre, je n'en ai pas la force. J'ai juste la sensation de m'être faite ridiculiser, je rassemble mes affaires et je retourne à ma voiture.

Je roule une dizaine de minutes pour rentrer chez moi, quelques larmes de frustration coulent mais je les efface rapidement parce que je ne veux pas les gaspiller pour ce stupide stage dont je n'avais même pas envie. Je suis arrêtée au feu rouge, la fenêtre ouverte et le bras à moitié dehors.

J'ai toujours ce réflexe de me ronger les ongles et de tapoter le rebord du volant pour essayer de penser à autre chose. La voiture derrière moi klaxonne, je n'avais pas vu que le feu était passé au vert. Je gare enfin ma voiture, vérifie dans le rétroviseur de ne pas avoir l'air trop dépitée, je m'entraine à sortir le plus beau sourire que j'ai.

-Alors comment ça s'est passé? Je suppose que tu as assuré.

-Elle me rappellera dans les prochaines semaines.

J'aurais trop honte de lui dire que j'ai lamentablement échoué et que le stress a pris sur moi. Je monte dans ma chambre en esquivant le regard de mon père, mes larmes ont séché mais ce n'est pas pour autant qu'il ne comprend pas tout simplement en me regardant dans les yeux.

Je sors un album photos de mes parents et je le dépose sur mon lit. J'ai parfois le besoin de revoir son visage, de me rappeler de chacun de ses traits pour ne pas l'oublier. Je m'assois confortablement sur mon lit en tournant chacune des pages, une par une.

Ma mère sourit sur toutes les photos, celle que je préfère reste mon 5e anniversaire. On la voit en train d'exploser de rire dans le jardin parce que je me suis mis du gâteau sur tout le visage. Elle m'avait mis une jolie tenue, avec un peu trop de couleurs, mais je devais sûrement lui avoir demandé.

Elle me manque, mon père a pris sa place mais malgré tous ses efforts il ne pourra pas en combler deux à lui tout seul. Je savais que ce n'était pas une bonne idée de replonger dans ce genre de souvenir, parce qu'ils appellent forcément des larmes.

Mais j'ai besoin d'entendre sa voix me rassurer dans mon esprit, celle qui était si douce mais effrayante lorsqu'elle l'élevait. Qu'est-ce qu'elle me dirait si j'étais là? Comment verrait-elle l'image de sa petite fille, plus si petite, celle qu'elle a abandonnée à son sort.

Je ne lui en ai jamais voulu d'être partie de son plein gré, elle l'a décidé et c'était son choix. Mais j'aurais bien besoin de ses mains pour passer dans mes cheveux et me rassurer, de ses conseils, de ses anecdotes, j'ai dû m'enseigner tout ça par moi-même.